Comment le Sénégal a réduit son déficit commercial de moitié en cinq mois
Comment Dakar a inversé la tendance commerciale
Les points clés :
L’amélioration du déficit commercial du Sénégal illustre un véritable retournement économique.
Une explosion inédite des exportations de pétrole, or et produits raffinés dynamise la croissance.
Cette dynamique souligne l’importance du secteur extractif et l’étendue des réformes structurelles nécessaires.
Au terme d’un début d’année 2025 marqué par des vents contraires, le Sénégal dévoile un coup de maître économique : son déficit commercial s’est réduit de moitié, passant de –1 460,6 milliards FCFA en mai 2024 à –698,2 milliards FCFA un an plus tard. Ce retournement spectaculaire est le fruit d’un quadruplement quasi inédit des exportations, passées de 1 413,8 à 2 325,7 milliards FCFA entre janvier et mai 2025, soit une croissance de +64,5 %. Derrière cette performance se dessine une stratégie claire : saisir l’opportunité d’un contexte mondial favorable aux matières premières sénégalaises.
Le véritable déclencheur de cette embellie est la montée en puissance du secteur des hydrocarbures. En cinq mois, les exportations d’huile brute de pétrole ont explosé, atteignant 712 milliards FCFA — un bond de +348 % par rapport à la même période de l’an passé . À cela s’ajoutent +40,3 % pour les produits pétroliers raffinés (356,9 milliards FCFA) et +44 % pour l’or non monétaire (302,8 milliards FCFA). S’ajoutent poissons frais et autres produits, confirmant une diversification des exportations.
Face à cette envolée des ventes extérieures, les importations ont suivi un chemin plus modéré, +5,2 % à 3 023,8 milliards FCFA. Le prix du riz, des huiles brutes et des véhicules a certes grimpé, mais ces hausses ont été en partie contenues grâce à une baisse des importations de produits raffinés, de machines et d'autres appareils .
Les données mensuelles de la balance du commerce extérieur, compilées par l’ANSD, confirment ce changement de dynamique : en mai 2025, le solde mensuel est passé de –149,9 à –87,7 milliards FCFA, reflétant autant une réduction du déficit mensuel que l’efficience croissante des exportations.
Les moteurs derrière la poussée économique
Cette trajectoire ascendante trouve ses racines dans plusieurs transformations structurelles. Premièrement, la montée en puissance du secteur énergétique, avec l’exploitation des champs de pétrole et de gaz, inscrit l’économie dans une logique exportatrice plus forte. Le secteur des hydrocarbures a, entre autres, poussé la croissance industrielle, évaluée à +12,1 % au premier trimestre 2025.
Deuxièmement, la réorganisation progressive de la filière minière, notamment dans l’or, renforce les capacités d’exportation. Les recettes issues de l’or non monétaire (+44 %) et son augmentation globale de valeur indiquent une volonté de structuration du secteur, appuyée par une meilleure traçabilité.
Troisièmement, la politique budgétaire, malgré une baisse de la croissance nominale du PIB (estimée à +8,0 % vs +8,8 %), demeure ambitieuse . Elle vise à canaliser les ressources vers le développement des infrastructures et le soutien au secteur privé, sans casser l’impulsion des exportations.
Défis persistants et risques latents
Ce succès apparent ne doit pas masquer les zones de fragilité. La forte exposition aux hydrocarbures expose l’économie à la volatilité des prix mondiaux. Le coût élevé des importations énergétiques, bien que partiellement abaissé, maintient une pression sur la monnaie locale et les marges financières.
Par ailleurs, malgré le succès des exportations, le déficit commercial global reste élevé à –698 milliards FCFA. Cela souligne la dépendance persistance à certaines importations essentielles. L’augmentation des importations de riz et de biens de consommation renforce cette vulnérabilité.
La structure du commerce révèle également des déséquilibres géographiques. En mai 2025, les principaux clients sont le Mali (18,6 %), l’Inde (12,2 %), la Suisse (9,4 %), l’Italie et les Pays-Bas . La dépendance à des marchés volatils ou à forte concurrence pose des risques en matière de durabilité.
Une voie vers une intégration durable ouest‑africaine
Le Sénégal n’est pas seul dans cette fuite en avant. Plusieurs pays de la sous-région, comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, misent aussi sur les industries extractives pour stimuler leurs exportations. La dynamique récente pourrait inspirer des synergies régionales dans le cadre de la ZLECAf, en favorisant le commerce intra-africain plutôt que dans l’exportation brute hors continent.
Bolstering agro-industrial capacities, like peanut or phosphate chains, could help buffer fluctuating commodity prices. Notably, the removal of the peanut export ban suggests such efforts, and strong performances in other African countries in structuring their agricultural exports may serve as blueprints .
Pourquoi est-ce important ?
Cette régression spectaculaire du déficit commercial sénégalais constitue une avancée majeure pour l’économie ouest‑africaine. Elle révèle la capacité d’un pays à transformer ses ressources naturelles en leviers de croissance, tout en amorçant une diversification pragmatique. En stimulant les exportations énergétiques et minières, Dakar crée des marges budgétaires supplémentaires qui peuvent être allouées aux infrastructures, à l’éducation et à la digitalisation.
Cette trajectoire sert de modèle régional. Elle incite les pays voisins à renforcer leurs cadres de gouvernance économique, à investir dans la chaîne de valeur domestique et à mettre en synergie les ressources naturelles avec les stratégies industrielles. Dans un contexte de concurrence globale, c’est une réponse structurée, contextualisée et durable.
En radical, le défi ensuite consistera à pérenniser cette dynamique en renforçant les secteurs agricoles et manufacturiers, en valorisant la ZLECAf et en veillant à la stabilisation macroéconomique. Le Sénégal trace une voie audacieuse : prouver que la croissance exportatrice peut être synonyme de résilience et d’inclusion, pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.