Dette publique vs urgence climatique : l’Afrique face à un dilemme budgétaire

(Crédit image : le Marché Finance)

Points clés

  • D'ici 2030, le service de la dette publique des pays africains représentera en moyenne 137,4 % de leurs besoins annuels en financements climatiques.

  • Au moins 30 pays africains consacrent plus de ressources au paiement des intérêts de la dette qu'à la santé publique.

  • Les mécanismes d’allègement de la dette, tels que le Cadre commun du G20, sont jugés lents et inefficaces, entravant les investissements essentiels pour le développement durable.

Selon un rapport de l'Institute for Economic Justice (IEJ), entre 2024 et 2030, le service de la dette publique des pays africains représentera en moyenne 137,4 % de leurs besoins annuels en financements climatiques. Ce ratio alarmant souligne la pression budgétaire qui limite la capacité des États africains à investir dans des domaines cruciaux tels que l'éducation, la santé et la lutte contre le changement climatique.

En 2023, les paiements au titre du service de la dette ont atteint 163 milliards de dollars, contre 61 milliards en 2010. Cette augmentation est due à la hausse des remboursements du principal et au coût plus élevé des emprunts, notamment ceux contractés sur les marchés obligataires. En effet, les rendements obligataires moyens en Afrique se sont établis à 9,8 % en 2023, contre 5,3 % en Asie et en Océanie, et 6,8 % en Amérique latine et aux Caraïbes.

Des priorités budgétaires déséquilibrées

Environ 751 millions d’Africains, soit 57 % de la population du continent, vivent dans des pays qui consacrent davantage de ressources au service de la dette extérieure qu’aux dépenses de santé. De plus, au moins 30 pays africains allouent plus de fonds au service des intérêts de la dette qu'à la santé publique.

Cette situation compromet les efforts pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), en particulier ceux liés à la santé, à l'éducation et à la lutte contre le changement climatique.

Des mécanismes d’allègement de la dette inefficaces

Les initiatives mises en place par le G20, telles que l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) et le Cadre commun pour le traitement de la dette, ont été critiquées pour leur lenteur et leur inefficacité. Par exemple, le Cadre commun est volontaire et non contraignant, ce qui limite la participation des créanciers privés. De plus, seuls trois pays africains (Chad, Éthiopie et Zambie) ont demandé un allègement de la dette dans le cadre de ce mécanisme, et chacun a connu des retards importants.

Le rapport de l'IEJ propose plusieurs mesures pour améliorer ces mécanismes, notamment :

  • Mettre en place un moratoire automatique de deux ans sur le service de la dette lorsqu’un pays demande la restructuration de sa dette.

  • Empêcher l'accumulation d'intérêts pendant les négociations pour inciter tous les créanciers à participer.

  • Ajuster les montants d'allègement de la dette sur la base d'une analyse de la viabilité de la dette publique améliorée, incluant les risques climatiques et les besoins d'investissement.

  • Élargir l'éligibilité au Cadre commun aux pays à revenu intermédiaire et aux marchés émergents confrontés à des problèmes d'endettement.

Pourquoi est-ce important ?

Le poids croissant de la dette publique en Afrique limite considérablement la capacité des pays à investir dans des secteurs essentiels pour le développement durable et la résilience face au changement climatique. Cette situation est particulièrement préoccupante pour l'Afrique de l'Ouest, où plusieurs pays, tels que le Ghana, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, présentent des ratios service de la dette/besoins en financements climatiques particulièrement élevés.

Des mécanismes d’allègement de la dette plus efficaces et inclusifs sont nécessaires pour libérer des ressources budgétaires et permettre aux pays africains de répondre aux défis du XXIe siècle. Cela implique une réforme du système financier international, avec une participation équitable de tous les créanciers, y compris les détenteurs d'euro-obligations et la Chine, et une prise en compte des besoins spécifiques des pays africains en matière de développement et de lutte contre le changement climatique.

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