Accords “minerais contre sécurité” en Afrique : l’illusion d’une paix qui coûte la souveraineté africaine
Politiquement, ces accords fragilisent la souveraineté nationale (Crédit image : Objectif infos)
Les points clés :
Un nouveau rapport met en garde contre les accords qui lient l’accès aux minerais à la sécurité apportée par des puissances étrangères.
L’exemple du deal entre la RDC et le Rwanda, médié par les États‐Unis, soulève des inquiétudes sur le non‐respect du droit local et le gel des réformes.
Le rapport appelle l’Afrique à renforcer ses institutions pour négocier équitablement, garantir la valeur locale et préserver l’indépendance.
Depuis juillet 2025, un rapport accablant publié par des experts africains sur les contrats qualifiés de « minerais pour sécurité » attire l’attention. Il met en lumière des accords récents, notamment celui conclu entre la RDC et le Rwanda, négocié avec l’appui des États‑Unis. En échange d’un soutien à la stabilisation de l’est du pays, Kigali obtiendrait des accès privilégiés aux minerais stratégiques tels que le cobalt, le lithium ou le coltan.
Selon ce document, ces accords n’offrent qu’une sécurité temporaire laissée sans mécanismes de contrôle contraignants. Le texte rappelle la longue histoire des pactes « ressources contre infrastructures » des années 2000, et souligne que cette version sécuritaire est pire encore en matière de transparence, en verrouillant des prix bas, en limitant les réformes institutionnelles et en contournant les juridictions locales.
L'accord entre la RDC et le Rwanda, signé à Washington le 27 juin 2025, prévoit le retrait des troupes rwandaises dans les 90 jours et la mise en place rapide d’un cadre d’intégration économique régionale, incluant la participation des investisseurs américains dans les chaînes d’approvisionnement de minerais. Certains dénoncent une camelote diplomatique, où la RDC cède sa souveraineté sans engagement réel de justice, tandis que le soutien au M23, principal groupe rebelle rwandais, n’est jamais clairement réglé.
Le rapport critique aussi le manque d’audit indépendant, de transparence contractuelle ou de recours juridique local, tous absents ou vulnérables dans ces accords. Des organisations de la société civile congolaise, notamment la coalition MOSSAC, alertent que ces textes portent atteinte à l’autonomie politique, économique et juridique du pays.
Des enjeux au cœur d’une bataille géopolitique
L’accord dévoile une dimension concurrencielle mondiale où les États‑Unis cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en minéraux critiques dans le cadre d’une stratégie pour contrer l’influence chinoise : cobalt, lithium, cuivre, tantale sont essentiels aux technologies du futur. L’objectif de Washington est de garantir la stabilité, puis établir des circuits légaux pour les entreprises américaines.
Cependant, cette forme de troquage économique résonne dangereusement avec des pratiques déjà observées, notamment des accords Chine‑Angola, dans lesquels des ressources étaient utilisées comme garanties de remboursement sans retour réel pour les populations locales.
Un mécanisme informel de gouvernance populaire tarde à voir le jour : la surveillance civique, la transparence, la certification responsable et les mécanismes EITI ou OECD-brd sont critiqués comme insuffisants face à la complexité de ces accords.
Impact et conséquences possibles
Politiquement, ces accords fragilisent la souveraineté nationale, quand ils empêchent l’État de modifier ses lois ou de renégocier les termes quand les prix mondiaux changent. L’instabilité institutionnelle devient la norme, tandis que la justice locale est contournée, ce qui crée un sentiment d’impunité et de dépossession populaire.
Ces traités risquent aussi de perpétuer des conflits : l’inclusion du M23 reste conditionnelle, laissant la situation du terrain inchangée. Les populations locales subissent des déplacements, des violations des droits humains et une confiscation de leurs ressources, sans perspectives de redistribution équitable.
Pourquoi est‑ce important ?
Pour toute l’Afrique de l’Ouest comme centrale, ce rapport constitue un appel crucial à l’action : ne jamais céder aux promesses de stabilité au prix de la souveraineté. La ZLECAf offre un exemple de coopération sous-régionale, transparente et sous contrôle légitime. À l’inverse, les accords « minerais pour sécurité » imposent des partenariats asymétriques qui menacent l’autodétermination économique.
Face à ces enjeux, les États africains doivent renforcer leurs institutions de négociation, développer des cadres légaux solides, exiger l’ajout de valeur locale avant exportation, et instaurer des mécanismes parlementaires et publics d’évaluation. Des initiatives comme celles du Sahel (représailles aux entreprises étrangères, nationalisations partielles) montrent que la voie du contrôle souverain est accessible, à condition d’être assumée collectivement.
En conclusion, ce rapport pose les bases d’un virage stratégique : protéger les ressources naturelles, non seulement sur le plan physique mais aussi juridique, économique et politique. L’Afrique doit apprendre à négocier des partenariats équilibrés, où l’accès aux investissements ne grève pas la gouvernance, et où la paix ne peut être un substitut à l’intégrité et à l’autonomie nationale.