Crise de confiance entre Moody’s et Dakar autour de la baisse de la notation Caa1
Les points clés :
Moody’s a abaissé la note souveraine du Sénégal de B1 à B3 en février 2025, puis évoqué une possible nouvelle dégradation à C-level selon certains médias.
La justification avancée par Moody’s : des révélations d’audit ayant porté le ratio dette/PIB à près de 99,7 % en 2023 (contre des données antérieures largement sous-estimées).
Les autorités sénégalaises dénoncent une notation fondée sur des « hypothèses spéculatives » et rappellent la mise en œuvre d’un Plan de Redressement Économique et Social (PRES) pour restaurer crédibilité et discipline budgétaire.
L’annonce rapportée selon le texte, selon laquelle Moody’s aurait abaissé la note à « Caa1 » est contre-intuitive face aux sources accessibles. En réalité, en février 2025, Moody’s a rétrogradé le Sénégal de B1 à B3, en maintenant une perspective négative, suite aux résultats d’un audit du Cour des comptes.
Dans son communiqué, Moody’s a invoqué des « métriques fiscales substantiellement plus faibles que prévu » révélées par l’audit, qui indiquait un endettement central estimé à 99,7 % du PIB pour 2023, environ 25 points de pourcentage de plus que les chiffres officiellement déclarés auparavant.
L’agence met également en avant les ajustements “stock-flow” (écarts entre les variations de dette observée et ce que le déficit budgétaire compenserait) comme signe de manque de transparence, d’arriérés, d’engagements hors bilan non reportés ou de révisions statistiques importantes.
Avant cette rétrogradation majeure, Moody’s avait déjà placé le Sénégal en « review for downgrade » dès octobre 2024, suite aux premières alarmes d’audit sur les finances publiques.
Au même moment, S&P Global avait aussi revu à la baisse la note sénégalaise vers B- avec perspective négative, mettant en lumière la montée des inquiétudes sur le ratio dette/PIB (estimé à 118 %) et les besoins de financement extérieur intensifiés.
Les marchés obligataires ont réagi négativement : les eurobonds sénégalais ont perdu de la valeur, certains titres ayant chuté à ~ 68–80 cents pour le dollar selon leurs échéances.
La riposte de l’État : contestation, plan PRES et réformes
Dépité par cette dégradation, le gouvernement sénégalais a émis une note officielle pour rejeter les motifs de Moody’s. Le ministère des Finances dénonce que la décision serait fondée sur des « hypothèses spéculatives », des sources non dévoilées, et ne refléterait pas les réformes en cours pour restaurer la stabilité budgétaire. (texte fourni)
Le Sénégal met en avant ses engagements institutionnels : le Plan de Redressement Économique et Social (PRES), l’adoption de nouveaux codes (impôts, investissements), la révision du code minier, les réformes douanières, la digitalisation des procédures via APIX, etc.
Le gouvernement rappelle qu’il s’est engagé à maintenir ses obligations et ses réformes dans un cadre responsable et transparent, appelant Moody’s à revoir ses critères d’analyse, à privilégier des données tangibles et à publier des justifications claires.
De surcroît, le Sénégal envisage de rebaser son PIB (changer l’année de base) pour moderniser les statistiques économiques, ce qui pourrait mécaniquement améliorer le ratio de la dette rapportée au PIB.
Le FMI, de son côté, a souligné l’urgence de réformes : rationalisation des exonérations fiscales, ajustement des subventions énergétiques, meilleure transparence budgétaire, et consolidation des finances publiques.
Impacts attendus et risques associés
Cette dégradation expose le Sénégal à une hausse du coût d’emprunt sur les marchés internationaux. Les investisseurs exigeront une prime de risque plus forte, rendant les financements externes plus chers ou plus difficiles à obtenir.
La confiance des bailleurs et des institutions internationales pourrait être ébranlée, posant une contrainte pour la signature d’un nouveau programme avec le FMI. En effet, le programme précédent a été suspendu après la révélation du cas de “dette cachée”.
Le gouvernement devra assumer des besoins de financement intérieur renforcés, ce qui pourrait mettre sous pression les marchés obligataires domestiques, créer des effets d’éviction, ou pousser à la monétisation si les marges budgétaires se resserrent.
Si les réformes structurelles ne sont pas exécutées avec rigueur, contrôle des dépenses, collecte fiscale, réforme durable, la trajectoire pourrait devenir insoutenable, menant à des scénarios de restructuration de la dette ou défaut partiel.
La perspective de note Caa1 (donc infrarating) évoquée dans ton texte est une hypothèse extrême, cela signifierait une vision très pessimiste de Moody’s, voire le passage en terres de “junk profond”. Bien que non confirmée par les sources, une telle estimation servirait d’alerte extrême sur les risques de glissement.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que cette notation déclenche une onde de choc sur les finances publiques, l’accès aux marchés, et la crédibilité du Sénégal à l’international. La note constitue une évaluation publique, relayée par les investisseurs, les agences de crédit, les banques et les institutions de financement : elle conditionne les coûts de refinancement et les conditions d’accès aux marchés.
Dans le contexte ouest-africain, le cas sénégalais devient un signal pour d’autres États confrontés à des enjeux similaires de transparence, de dette cachée, de crédibilité des chiffres. Si le Sénégal parvient à inverser la tendance via des réformes structurantes, il peut regagner la confiance des marchés et servir de modèle de redressement ; sinon, il risque de traîner une image de risque trop élevé dans la région.
L’économie sénégalaise est désormais dans une posture de pari : réussir les réformes (collecte fiscale, rigueur budgétaire, réduction des exonérations inefficaces, maîtrise de la dette) pour restaurer l’espace fiscal et la confiance. Le PRES, la digitalisation, la refonte des codes, le rébasage du PIB sont autant d’outils à mobiliser.
Enfin, si cette crise est mal gérée, l’impact pourrait être sévère pour l’investissement privé extérieur, l’accès aux financements du secteur public, la croissance à court terme, voire la stabilité macroéconomique. Le Sénégal, relativement intégré dans la zone UEMOA, pourrait aussi subir des retours négatifs via les marchés régionaux de capitaux.
En somme, cette dégradation est bien plus qu’un papier de notation : c’est un test de résilience pour l’administration publique, un défi de gouvernance, et une opportunité de refonder la crédibilité financière du pays.