UEMOA : le Bénin en tête de l’inclusion financière, entre dynamisme du mobile money et défis structurels
Les points clés :
Le Bénin affiche un taux d’inclusion financière d’environ 87,7 % en 2023, parmi les meilleurs de l’UEMOA.
Les transactions monétiques au Bénin ont bondi à 2 115 milliards de FCFA en 2023, contre 799 milliards en 2022, soit une hausse spectaculaire.
Le mobile money est devenu un vecteur clé : plus de 11 millions de comptes de services financiers mobiles sont actifs au Bénin, avec un taux de pénétration de ~89 % selon les derniers rapports.
Le Bénin se distingue aujourd’hui dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) par une performance remarquable de ses indicateurs d’inclusion financière. Le rapport « Rapport annuel sur la situation de l’Inclusion Financière dans l’UEMOA 2023 » de la BCEAO offre une photographie précise : le Bénin figure parmi les premiers de la zone en matière d’accès, d’usage et de coût des services financiers.
En particulier, le taux d’utilisation des services financiers formels atteint 87,7 % au Bénin en 2023, proche du sommet de la zone, partagé souvent avec le Togo ; dans les années précédentes, le Bénin avait déjà atteint 86,81 % en 2022.
La croissance des transactions monétiques a été spectaculaire. Le montant global des transactions par carte, portefeuille électronique et plateformes de paiement au Bénin a atteint 2 115 milliards de FCFA en 2023, contre 799 milliards en 2022, ce qui représente une hausse de l’ordre de +165 % ou plus selon certaines sources.
Le mobile money joue un rôle central, non seulement dans le nombre de transactions, mais dans l’accessibilité. Le nombre de comptes mobile money au Bénin dépasse 11 millions de clients en 2023, ce qui traduit un usage très répandu. Le taux de pénétration des services financiers via la téléphonie mobile est estimé à ~89 % à la fin de 2023, contre ~66 % en 2022.
Parmi les autres facteurs contributeurs, on retrouve la digitalisation bancaire et une forte dynamique des fintechs et des prestataires de services financiers numériques. MTN Mobile Money, Moov Money et Coris Bank International sont cités comme des acteurs majeurs dans cette transformation.
Comparaison régionale et position relative dans l’UEMOA
Si le Bénin brille, ce n’est pas isolé : certains pays de l’UEMOA, comme le Togo, affichent des taux très proches (Togo ~87,0 % en 2022), et d’autres comme la Côte d'Ivoire ou le Sénégal évoluent eux aussi vers une inclusion élevée. Le Niger demeure largement à la traîne.
Le rapport de la BCEAO pour 2022 indiquait que le taux global d’utilisation des services financiers dans l’UEMOA était d’environ 70,9 %, ce qui montre que le Bénin dépasse de loin la moyenne de l’Union.
La monétique (paiements électroniques) dans l’UEMOA affiche également une forte croissance : le nombre de transactions monétiques dans l’Union a crû d’environ 33,78 % en volume et 35,82 % en valeur entre 2022 et 2023, atteignant ~ 196,8 millions d’opérations pour une valeur de 16 886 milliards FCFA en 2023.
Limites, défis et fragilités
Toutefois, ces chiffres positifs masquent plusieurs défis persistants. D’abord, l’accès n’est pas uniforme : il y a encore des écarts sensibles entre zones urbaines et zones rurales, entre catégories socioéconomiques, entre genres. Par exemple, même dans des pays à haut taux d’inclusion, une proportion non négligeable de population reste exclue du système formel malgré l’existence de comptes ou services numériques. Ces populations peuvent être vulnérables du point de vue coût, manque de documentation, manque de confiance.
Le coût des services financiers, bien que surveillé, demeure un obstacle pour certains. Les frais de transfert, les coûts liés aux opérateurs de mobile money, aux commissions bancaires ou aux exigences de conformité peuvent limiter l’usage effectif.
La qualité des services, la sécurité et la fiabilité sont aussi des enjeux : pannes, fraudes, interruption de services, couverture réseau, formation des utilisateurs.
Le cadre réglementaire doit aussi s’adapter : plafonds des portefeuilles électroniques, réglementations sur le mobile money, infrastructures de paiement sécurisées, protection des données, supervision financière.
Enfin, la transformation de l’inclusion numérique en inclusion réelle suppose non seulement l’ouverture d’un compte ou la disponibilité d’un service, mais l’usage régulier, l’accès à des crédits, à l’épargne, à l’assurance, à des services financiers complexes. Le rapport BCEAO souligne l’importance de ces dimensions « usage » et « qualité » dans ses indicateurs.
Les moteurs de la progression
Plusieurs éléments favorisent le progrès béninois :
Le développement du mobile money et des Fintechs : les opérateurs comme MTN Mobile Money, Moov Money, etc., étendent les services financiers à ceux qui n’ont pas de comptes bancaires traditionnels. Le fait que les comptes de mobile money dépassent les 11 millions montre la confiance dans ces services.
La digitalisation bancaire : les banques adaptent leurs produits aux plateformes numériques, ce qui réduit les coûts, les délais, les barrières géographiques.
Les politiques publiques et réglementaires : initiatives de la BCEAO, stratégies nationales d’inclusion financière, guichets uniques, volonté de réglementer, de superviser les services financiers numériques.
L’augmentation des transactions monétiques : non seulement plus d’opérations, mais plus de valeur monétaire transférée dans l’économie formelle, ce qui signale une transition des habitudes de paiement.
Perspectives pour 2024-2026
À l’horizon proche, si les tendances se confirment, le Bénin peut viser un taux d’inclusion financière proche de 90–92 %, en consolidant l’usage des services, en améliorant l’accès rural, et en réduisant les coûts/obstacles réglementaires. L’accroissement des prestataires, la densification des acceptateurs de monnaie électronique, et la montée des services financiers inclusifs (épargne, crédit, assurance) pourraient accroître la profondeur de l’inclusion.
L’extension de PI-SPI (plateforme interbancaire de paiement instantané), lorsque entièrement opérationnelle, pourrait jouer un rôle catalyseur pour le Bénin, en rendant les paiements interopérables, rapides, accessibles 24/7, ce qui toucherait les zones rurales et les acteurs informels.
La supervision et régulation devront suivre le rythme : assurer la protection des clients, la cybersécurité, la lutte contre le blanchiment, la transparence des frais et la normalisation.
Pourquoi est-ce important ?
L'inclusion financière ne se résume pas à un taux ou à une statistique : c’est un facteur fondamental pour la transformation économique, sociale et résiliente des sociétés, particulièrement en Afrique de l’Ouest.
Au niveau du Bénin, un taux aussi élevé montre que beaucoup de citoyens peuvent désormais accéder à des services financiers formels : cela signifie épargne, paiement sécurisé, transfert d’argent, crédit, parfois assurance. Cela contribue à réduire la vulnérabilité, à fluidifier l’économie, à atténuer les effets des chocs (climatiques, économiques) car les ménages disposent de leviers de réaction.
Pour la zone UEMOA, le Bénin sert de modèle pour ce qui est possible quand les efforts publics (politique, réglementation), privés (banques, fintechs, opérateurs de mobile money), et technologiques (digitalisation, infrastructures) s’alignent. La progression du Bénin contribue à faire monter la moyenne de l’Union et incite la concurrence positive entre États pour améliorer l’inclusion.
Sur le plan de la cohésion sociale, améliorer l’inclusion financière aide à réduire les inégalités territoriales (urbain-rural), les écarts de genre, l’exclusion des plus pauvres, et à promouvoir la participation économique des jeunes, des micro-entrepreneurs, etc.
Enfin, dans un contexte global de numérisation, de pression pour rendre les économies plus digitales, plus formelles et plus résilientes, l’inclusion financière est un pilier pour réussir les transitions : numérique, climatique, économique. Si les habitants utilisent des services financiers fiables et abordables, cela améliore la traçabilité des flux, la collecte fiscale, l'efficacité des politiques publiques.
Le Bénin, en dépassant les 87 %, montre que l’inclusion financière peut devenir non seulement un levier d’équité mais aussi un moteur de croissance. Si ce mouvement est soutenu, il pourrait améliorer la productivité, le bien-être des populations, et renforcer la stabilité économique dans une région où le manque d’accès aux services financiers constitue souvent un frein majeur au développement.