La BOAD injecte près de 6 milliards FCFA dans l’aéroport de Donsin, un pari sur l’essor aérien du Burkina
Les points clés :
La BOAD a validé un financement de 5,9 milliards FCFA (≈ 9 millions d’euros) pour équiper la future plateforme aéroportuaire de Donsin, notamment la piste, le balisage et les parkings avions.
Le chantier du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin, relancé après résiliation de la concession précédente, vise à remplacer l’actuelle plateforme de Taamsê et à accueillir jusqu’à un million de passagers par an.
Le projet pâtit de nombreux retards, modifications de concession et surcoûts, mais s’enrichit désormais de composantes innovantes comme l’utilisation de béton à faible empreinte carbone.
Le soutien de la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) à hauteur de 5,9 milliards FCFA intervient dans un contexte de relance pour le projet de l’aéroport international de Ouagadougou-Donsin. Après la fin de l’actuelle plateforme de Taamsê, dont l’emplacement en zone urbaine pose des contraintes (bruit, sécurité, extension), l’État burkinabè a opté pour une nouvelle infrastructure située à environ 35 km au nord de la capitale. Cette nouvelle plateforme doit offrir une capacité moderne, conforme aux standards internationaux, et positionner le Burkina Faso comme un hub aérien en Afrique de l’Ouest.
Ce financement de la BOAD est destiné au « lot A2 », qui comprend des équipements essentiels tels que la piste d’atterrissage, le balisage lumineux, les parkings avions, la clôture normale OACI et les travaux d’assainissement côté piste. Le lot a déjà été partiellement financé par d’autres bailleurs, notamment la BID, à hauteur de 62 milliards FCFA pour ce même lot A2, qui est, selon les sources, achevé à 92 % sur le terrain.
Le chantier Donsin a connu plusieurs épisodes de tension. En 2023, le contrat de concession attribué aux groupes français Meridiam et AMP avait été résilié par le gouvernement burkinabè pour des motifs de manquements, notamment après l’effondrement d’un bâtiment ayant coûté la vie à sept ouvriers. Cette résiliation a relancé la nécessité de recapitaliser le projet et de sécuriser les financements, dont celui de la BOAD fait partie.
Le coût global du projet a été estimé à plus de 220 millions d’euros (soit environ 144 milliards FCFA), incluant les bâtiments, les installations techniques, les voies d’accès, etc. Une convention de concession de 30 ans avait été signée initialement avec Meridiam / AMP pour la conception, construction, exploitation et maintenance.
Parmi les innovations intéressantes, le chantier a adopté une approche de béton à faible carbone : le constructeur Sogea-Satôm a collaboré avec l’Université 2iE pour remplacer partiellement le clinker dans le ciment, dans l’objectif de réduire l’empreinte carbone du projet.
Le projet Donsin couvre une emprise de 312 hectares, avec des volumes de travaux substantiels : environ 2,2 millions de mètres cubes de terrassement, plus de 150 000 m³ de sol cimenté, 240 000 tonnes de bitume et 60 000 m³ de béton hydraulique selon les données du chantier.
Le nouveau terminal est prévu pour une surface initiale de 17 000 m². La piste de 3 500 mètres, extensible jusqu’à 4 000 m, permettra l’accueil de gros porteurs et une capacité passagers estimée à 1 million par an lors de la phase initiale.
Enjeux, risques et leviers de réussite
L’injection de 5,9 milliards FCFA de la BOAD constitue un signal fort de la confiance régionale dans le projet. Toutefois, les défis sont multiples. La résiliation de la concession précédente a laissé un passif juridique et des incertitudes sur les responsabilités. La capacité à sécuriser tous les financements, coordonner les bailleurs, et éviter les retards sera décisive.
La gestion de la gouvernance du projet est cruciale : garantir la transparence dans l’appel aux marchés, le suivi des coûts, le respect des normes techniques et environnementales, et la réinstallation des populations affectées.
L’aspect énergétique est aussi stratégique : le projet intègre une centrale solaire de 25 MWc avec système de stockage lié à l’aéroport, financée par un prêt de 49 millions USD de la Banque d’Export-Import de Chine (CHEXIM) pour stabiliser l’alimentation de la plateforme.
L’intégration dans les réseaux régionaux de transport aérien est un défi : l’aéroport doit attirer des compagnies, des liaisons internationales et du fret pour justifier son coût d’investissement. Le positionnement du site dans le contexte de la ZLECAf peut constituer un avantage compétitif pour le Burkina Faso.
La viabilité économique du projet dépendra de la capacité à générer des revenus (redevances, commerces, services, parking), à accroître le trafic et à maîtriser les coûts d’exploitation. La période de concession ou le modèle économique choisi influencera fortement les retours sur investissement.
Enfin, l’expérience du Donsin peut servir de modèle pour d’autres pays de la région, en matière de cofinancement public-privé, d’urbanisme du transport, de transition énergétique et de construction durable.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que l’aéroport de Donsin n’est pas qu’un grand ouvrage : c’est une infrastructure structurante pour l’économie burkinabè et la sous-région. Il peut devenir un catalyseur de croissance, en facilitant le commerce, le tourisme, les échanges internationaux, et en renforçant la connectivité du pays.
Pour le Burkina Faso, ce projet traduit une ambition de modernisation, de désenclavement, de renforcement de la souveraineté logistique. En remplaçant une plateforme vieillissante située en zone urbaine, Donsin permet de redessiner l’urbanisme et de réduire les nuisances pour la capitale.
À l’échelle ouest-africaine, le développement d’un hub aérien au Burkina Faso offre une alternative pour les correspondances aériennes régionales, alléger la pression sur les grands aéroports de la sous-région (Abidjan, Lagos, Accra), et favoriser une redistribution géographique des flux aériens.
Le soutien de la BOAD montre la force du financement régional dans les infrastructures structurantes ; cela réduit la dépendance exclusive aux bailleurs extérieurs. Le modèle de financement mixte, avec contributions nationales, banques régionales, bailleurs multilatéraux et prêts concessionnels, est un exemple à examiner.
L’aspect environnemental (béton bas carbone, énergie solaire) marque une orientation vers des infrastructures moins carbonées, en ligne avec les engagements climatiques mondiaux. Si ce modèle fonctionne, il peut inspirer d’autres grands chantiers dans la région.
Enfin, si ce projet est mené avec succès, il peut légitimer des stratégies nationales audacieuses : investir dans l’avenir, croire à des retours à long terme, et bâtir des plateformes nationales de connectivité pour soutenir l’industrialisation, le commerce, et la compétitivité.