Le Ghana redresse ‘enfin’ son économie facilitant le déblocage de 385 M$ du FMI

Le Ghana redresse ‘enfin’ son économie facilitant le déblocage de 385 M$ du FMI (Crédit image : BBC)


Les points clés

  • Le FMI a conclu une entente de principe pour la cinquième revue du programme triennal du Ghana, ouvrant la voie à un décaissement de 385 millions de dollars supplémentaires.

  • Depuis mai 2023, les financements totaux sous l’appui du FMI atteindraient environ 2,8 milliards de dollars, sur un montant total programmé de 3,2 milliards.

  • Les indicateurs macroéconomiques du Ghana montrent un redressement : croissance robuste, inflation contenue, appréciation du cedi, surplus du compte courant.


L’annonce du staff-level agreement entre les équipes du FMI et les autorités ghanéennes marque une étape cruciale dans le chemin de résilience économique du Ghana. Une mission de dix jours à Accra, dirigée par Ruben Atoyan, a permis de lever les incertitudes autour de la cinquième revue du programme soutenu par la Facilité à crédit élargi (ECF). Une fois approuvée par le Conseil d’administration du FMI, cette revue déclenchera le décaissement d’environ 267,5 millions de DTS (soit environ 385 millions de dollars) pour Accra.

Ce nouveau versement porterait les montants cumulés reçus à ~2,8 milliards de dollars US depuis le lancement du programme en 2023, sur un total prévu de 3,2 milliards. Le FMI note que la mission a constaté des progrès tangibles sur plusieurs fronts : stabilisation macroéconomique, réformes structurelles, renforcement des réserves, et amélioration du cadre monétaire.

La croissance dans le premier semestre 2025 a dépassé les attentes, portée par la dynamique des services et de l’agriculture ; les exportations d’or et de cacao ont créé un excédent notable sur le compte courant, et le cedi a bénéficié d’une appréciation soutenue. Le FMI projette pour 2026 une croissance de 4,8 %, avec une inflation maîtrisée dans la fourchette cible de la Banque du Ghana (8 ± 2 %).

Sur le plan budgétaire, le Ghana a enregistré un excédent primaire de 1,1 % du PIB au cours des huit premiers mois de 2025, se rapprochant de l’objectif annuel de 1,5 %. Le gouvernement s’engage à maintenir cette discipline fiscale en 2026 dans le cadre d’un nouveau budget conforme au « Fiscal Responsibility Framework ».

L’énergie, un secteur longtemps mis à mal, est au cœur de l’effort de redressement : les contrats d’achat d’électricité avec les producteurs indépendants ont été renégociés, des ajustements tarifaires trimestriels instaurés, et l’efficacité des paiements renforcée via le mécanisme du « Cash Waterfall ».

Concernant la dette, Accra avance dans ses négociations. Un protocole d’accord a été signé avec le Comité des créanciers officiels dans le cadre du G20 Common Framework, et des accords bilatéraux existent déjà avec cinq pays. Le dialogue reste ouvert avec les créanciers privés pour finaliser la restructuration globale. Cette avancée s’inscrit dans un contexte plus large de restructuration : en juin 2025, le parlement ghanéen a adopté une mesure de relèvement de dette de 2,8 milliards de dollars avec 25 créanciers, reportant les paiements jusqu’en 2039–2043.

La politique monétaire s’allège : la Banque du Ghana a réduit son taux directeur de 650 points de base, le portant à 21,5 %, dans un contexte d’inflation en reflux. Simultanément, un nouveau cadre de gestion du marché des changes a été mis en place pour mieux réguler les flux de devises et stabiliser le cedi.

Dans le secteur bancaire, une restructuration des banques publiques est en cours, avec recapitalisation prévue d’ici fin 2025. L’objectif est de réduire les prêts non performants et d’établir des mécanismes de sauvegarde financière crédibles. Le FMI recommande également de renforcer la transparence dans la gouvernance, notamment pour les entreprises publiques des secteurs de l’or, du cacao et de l’énergie.

Enjeux, risques et stratégies de durabilité

La trajectoire de redressement du Ghana est encourageante, mais non dénuée de fragilité. L’issue dépendra de la capacité à transformer les engagements en réalisations tangibles, et à gérer les chocs extérieurs, volatilité des prix des matières premières, fluctuations monétaires mondiales, pressions sur les taux d’intérêt internationaux.

Le décaissement laissé à la discrétion du Conseil du FMI reste soumis à l’approbation finale. Si l’examen est défavorable ou retardé, l’effet levier pourrait être perdu. Mais l’accord de principe renforce néanmoins la crédibilité du Ghana auprès des marchés.

La dette restructurée est un autre point critique. Si les négociations avec les créanciers privés échouent ou tardent, le pays pourrait faire face à des exigences de paiement trop élevées une fois les périodes de moratoire terminées, compromettant la soutenabilité.

L’assainissement budgétaire demande une gestion très rigoureuse : tout recul sur les réformes fiscales, les subventions, les dépenses publiques, ou l’accumulation d’arriérés pourrait briser la dynamique. La discipline doit devenir pérenne, pas ponctuelle.

Dans le secteur énergétique, si les ajustements tarifaires ne sont pas socialement acceptables ou politiquement amortis, des résistances peuvent émerger. Le mécanisme Cash Waterfall doit être opérationnel, efficace, et crédible pour garantir les flux financiers aux producteurs d’électricité.

Le secteur bancaire, confronté à des prêts non performants, doit restaurer la confiance, recapitaliser efficacement, et assurer une supervision crédible. L’échec de cette réforme pourrait déclencher des crises systémiques ou des tensions sur la liquidité.

Enfin, l’environnement mondial reste incertain. Le Ghana dépend fortement de ses produits d’exportation (or, cacao, pétrole). Une baisse brutale de leurs prix ou des restrictions commerciales pourrait fragiliser les équilibres externes.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que le cas du Ghana illustre à lui seul les défis contemporains des économies africaines en quête de stabilité durable. La combinaison d’un soutien externe (via le FMI), de réformes structurelles, de discipline budgétaire et de résilience face aux chocs externes constitue un modèle fragile mais potentiellement réplicable.

Pour l’Afrique de l’Ouest, ce renouveau ghanéen signale deux choses : d’abord que le redressement est possible, même après des crises de dette sévères ; ensuite que les partenaires (FMI, bailleurs bilatéraux, créanciers privés) jouent un rôle déterminant dans la crédibilité des trajectoires de croissance. Le Ghana peut servir de “cas-laboratoire” pour les voisinages : les stratégies mises en œuvre (réformes énergétiques, restructuration de la dette, discipline fiscale) seront scrutées, imitées ou ajustées selon les leçons tirées.

À l’échelle de l’économie continentale, le succès ou l’échec de ce programme aura un impact sur la confiance des investisseurs internationaux envers les marchés émergents africains. Si le Ghana parvient à boucler la restructuration, stabiliser sa monnaie, restaurer sa crédibilité budgétaire, cela renforcera la thèse d’un “retour à l’investissement africain”. Inversement, tout recul ou incapacité à maintenir les disciplines pourrait générer des effets de contagion ou de prématurité dans d’autres pays.

Enfin, sur le plan social, ce redressement conditionne le financement durable des politiques publiques, éducation, santé, infrastructures – qui fondent le développement à long terme. Si les capacités de financement s’effondrent ou que le service de la dette accapare les ressources, les peuples ghanéens (et africains) payeront le prix fort.

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