Mali : une pénurie de carburant paralyse les écoles, le blocus des jihadistes serre l’économie sahélienne
Les points clés :
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) impose depuis début septembre 2025 un blocus sur les importations de carburant au Mali, interrompant les chaînes logistiques.
En réaction, les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ont décrété la suspension des cours dans toutes les écoles et universités du Mali du 27 octobre au 9 novembre 2025.
Cette crise énergétique est le symptôme d’un malaise plus profond : dépendance aux importations, vulnérabilité logistique des États sahéliens et capacité limitée de l’État à sécuriser les flux économiques.
L’annonce de la fermeture nationale des établissements scolaires au Mali ouvre une nouvelle page de la crise économique et sécuritaire qui secoue le pays. Le 26 octobre 2025, le gouvernement a annoncé que toutes les écoles et universités seraient suspendues du lundi 27 octobre au dimanche 9 novembre inclus, en raison d’une pénurie de carburant aiguë qui empêche le fonctionnement des transports, des services publics et compromettent le bon déroulement des activités éducatives.
Le contexte est alarmant. Le Mali, pays enclavé dépendant largement des importations de carburants en provenance de pays voisins, subit depuis début septembre un blocus imposé par la JNIM, groupe jihadiste affilié à Al‑Qaïda, qui a ordonné l’arrêt presque total des importations de diesel et d’essence à destination du pays. Des centaines de camions-citernes sont restés bloqués aux frontières, et plusieurs convois ont été pris pour cible par des attaques.
La conséquence immédiate de cette stratégie économique de coercition est le ralentissement du fonctionnement de l’économie nationale. Dans la capitale, Bamako, des files interminables se forment aux pompes-à-essence, certains stations ont dû fermer, le transport urbain et interurbain est fortement perturbé. Dans ce cadre, le ministère de l’Éducation explique que « la suspension des cours est due aux perturbations dans l’approvisionnement en carburant qui affectent les déplacements du corps enseignant et du personnel scolaire ».
Mais au-delà de l’impact éducatif, cette crise révèle des vulnérabilités structurelles majeures. Le blocage du carburant n’est pas simplement un accident de logistique : il s’agit d’une stratégie de pression menée par un acteur non-étatique pour frapper l’économie et l’appareil public. Le blocage touche de plein fouet les chaînes d’approvisionnement, le transport, l’énergie, les denrées alimentaires et fragilise davantage un pays déjà marqué par une insécurité élevée et une gouvernance affaiblie.
Le gouvernement malien tente de répondre. Selon certaines sources, un accord avec la Russie a été négocié pour la fourniture de 160 000 à 200 000 tonnes de carburants et produits agricoles, afin d’atténuer la crise. Cependant, les modalités restent floues et l’urgence demeure.
Dans le domaine de l’éducation, cette suspension de deux semaines n’est pas anodine. Le retard accumulé pourrait peser lourd sur les objectifs de réussite et d’inclusion, en particulier dans un pays où l’accès à l’enseignement est déjà fragilisé. Le coût social et économique est difficile à estimer immédiatement mais l’effet sur la génération en cours pourrait se faire sentir à long terme.
Pour les acteurs économiques, le blocage du carburant signifie une hausse des coûts de transport, des délais allongés, des pénuries de produits, un ralentissement de l’activité informelle, et une montée du coût de la vie. Ces éléments se combinent pour freiner l’investissement, affaiblir la confiance et retarder le redressement économique.
Cette situation doit être mise en perspective avec les efforts régionaux. Les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest sont dépendants des corridors logistiques transnationaux. Lorsque l’un d’eux est touché, les effets s’en ressentent dans toute la zone. Cette crise malienne rappelle que l’intégration régionale, la diversification des sources d’approvisionnement et la résilience logistique sont des enjeux vitaux pour le développement.
Pourquoi est-ce important ?
L’arrêt des cours au Mali à cause de la pénurie de carburant est un signal fort pour l’économie ouest-africaine. Premièrement, il met en lumière que les défis sécuritaires (insurrection, contrôle des territoires) ne sont pas uniquement d’ordre militaire ou politique mais ont des retombées économiques massives, retardant l’éducation, freinant le commerce, et augmentant la vulnérabilité des systèmes nationaux.
Deuxièmement, cette crise rappelle que la dépendance à des flux externes (importations de carburant, corridors logistiques entre États) crée des points de fragilité. Si un maillon de chaîne est brisé, tout le système peut vaciller. Cela souligne l’urgence pour les politiques ouest-africaines d’accélérer la diversification énergétique, la sécurisation des corridors, et la mutualisation des ressources entre États.
Troisièmement, pour les investisseurs et les bailleurs, cette crise renvoie à la question de la stabilité et de la résilience macro-économique. Un pays qui voit ses écoles fermées parce que le carburant ne circule plus peut être perçu comme à haut risque. Cela aura un impact sur le coût du capital, l’afflux des investissements directs étrangers et la confiance des marchés.
Enfin, du point de vue social et humain, la fermeture des établissements d’enseignement affaiblit les perspectives de développement humain, accentue les inégalités et compromet la richesse la plus fondamentale : le capital humain. Pour les États ouest-africains, soutenir l’éducation dans un contexte de crise est un impératif pour le long terme.
En somme, le cas malien est un exemple, dramatique, mais instructif : il met en exergue la convergence entre sécurité, logistique, énergie et éducation, et montre comment une rupture dans un maillon peut fragiliser l’ensemble du tissu économique et social. Pour l’Afrique de l’Ouest, c’est un appel à renforcer la résilience, l’intégration régionale et l’investissement dans les infrastructures critiques.