Dangote Cement démarre officiellement ses travaux en Côte d’Ivoire avec 3 millions de tonnes par année


Les points clés

  • L’usine Dangote à Attinguié (Abidjan) démarre une production de 3 millions de tonnes par an, devenant la plus grande cimenterie du groupe hors Nigeria.

  • L’investissement annoncé avoisine 100 à 150 milliards de FCFA, avec création prévue de plus de 1 000 emplois directs et 2 000 emplois indirects.

  • Dangote commercialisera ses produits dans tout le pays dans le cadre des prix réglementés, avec l’appui du port d’Abidjan pour l’approvisionnement logistique.


C’était un pari longuement mûri. Après une décennie de construction et d’études, Dangote Cement lance officiellement ses opérations en Côte d’Ivoire depuis sa plant situé à Attinguié PK-24, à environ 30 km d’Abidjan. Ce lancement marque non seulement une étape structurelle pour le groupe nigérian, mais aussi une promesse d’industrialisation plus poussée pour l’économie ivoirienne.

La cimenterie a été construite sur 50 hectares, dans une zone industrielle nouvellement aménagée, avec une capacité de production de 3 millions de tonnes de ciment par an. Cette usine est désormais la plus grande installation de Dangote hors du Nigeria : une pierre d’angle pour son plan d’expansion régionale.

L’investissement initial est rapporté entre 100 et 150 milliards FCFA selon les sources. Le site a été choisi pour sa proximité logistique avec le port d’Abidjan : Dangote utilise désormais le terminal vraquier du Port Autonome pour acheminer les intrants nécessaires à la cimenterie.

Lors de la conférence d’inauguration, on a annoncé la commercialisation du ciment dès octobre 2025, avec une gamme de quatre grades (maçonneries légères, polyvalent, hauts édifices, infrastructures) adaptés aux besoins locaux, tout en respectant les prix réglementés introduits par le gouvernement ivoirien depuis décembre 2024.

Sous la direction de Serge Gotta, le management local affiche une ambition claire : aller des grands groupes aux artisans, assurer une couverture nationale par une flotte de camions et un réseau de distribution robuste. Les engagements portent autant sur la qualité, la durabilité que la compétitivité.

Implantation dans la stratégie panafricaine de Dangote

L’entrée en Côte d’Ivoire s’inscrit dans une stratégie de consolidation africaine. Dangote Cement revendique une capacité totale d’environ 52 à 55 millions de tonnes par an répartie dans une dizaine de pays africains. L’ajout de la cimenterie ivoirienne porte le groupe encore plus près de son objectif de saturation du marché ouest-africain et de réduction des importations de ciment ou clinker dans la sous-région.

Selon Bloomberg, l’usine d’Attinguié était presque achevée en août 2025, prête à booster la capacité du groupe à 55 millions de tonnes. ThisDay indique que l’usine « 3 million tonnes par an » était prévue pour renforcer le positionnement de Dangote sur le marché ivoirien. Ce projet permet aussi à Dangote de mieux exploiter les synergies logistiques (import/export) via le port d’Abidjan.

La capacité estimée dans dix pays est mentionnée sur le site officiel du groupe, confirmant sa position de leader au sud du Sahara.

Enjeux économiques, industriels et sociaux

L’impact économique de cette usine est pluriel. D’abord, la réduction des importations de ciment et clinker vers la Côte d’Ivoire permet une économie de devises et une plus grande autonomie dans le secteur bâtiment-TP. Le ciment étant un intrant majeur dans les projets d’infrastructures (routes, logements, barrages), disposer d’une production locale de qualité renforce la résilience du pays.

La création d’emplois est aussi un argument fort : plus de 1 000 emplois directs et 2 000 emplois indirects sont annoncés. Cela couvre à la fois les métiers de la production, de la maintenance, de la logistique, ainsi que les services de support.

Du point de vue du tissu industriel, la cimenterie catalyse l’écosystème local : fournisseurs de matières premières, sous-traitants, assemblage, transport, distribution, ventes au détail, etc. Cela peut stimuler des chaînes locales autant que l’attraction d’investissements complémentaires (fonderies, béton préfabriqué, mobilier urbain, etc.).

Sur le plan de la compétitivité, l’existence d’une marque locale comme Dangote en Côte d’Ivoire pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix du ciment, inciter les concurrents à améliorer leurs pratiques, et professionnaliser le secteur.

Ce positionnement industriel africain renforce également la crédibilité de Dangote dans une logique de « produire ce que l’Afrique consomme ». Le groupe opère déjà dans des secteurs divers (raffinerie, agroalimentaire, engrais, emballage). Sa montée en compétence industrielle l’érige en pôle d’industrialisation panafricain.

Risques, défis et conditions de succès

Toutefois, ce succès potentiel n’est pas garanti. Plusieurs défis méritent attention :

La gestion des coûts et de la chaîne logistique est cruciale. Importer les intrants via le port d’Abidjan, transporter le ciment sur de longues distances dans des zones rurales avec des infrastructures routières parfois médiocres, garantir des frais de transport compétitifs, tout cela impacte la rentabilité.

La concurrence locale ne reste pas inactive. Des cimenteries ivoiriennes déjà établies (ECOCI, Cimbéton, etc.) ou des fournisseurs de clinker importés pourraient réagir en ajustant prix, qualité, logistique ou investissements additionnels.

La réglementation et l’environnement des prix imposés peuvent limiter la flexibilité commerciale. Si le gouvernement impose des marges strictes pour maintenir l’accessibilité, Dangote devra piloter soigneusement ses coûts.

La réalisation complète de la capacité annoncée suppose que toutes les installations, équipements et systèmes soient bien calibrés et opérationnels, ce qui peut prendre du temps. Une phase de rodage (pannes, ajustements, calibrations) est probable.

L’acceptation du marché, la confiance des artisans, les habitudes de consommation et la qualité perçue seront décisifs. Garantir la constance de la qualité dès les premiers lots est indispensable.

Enfin, le contexte macro (taux de change, inflation, coût de l’énergie) et les politiques publiques (taxes, droits d’importation de matières premières, incitations fiscales) exerceront une influence majeure sur la rentabilité.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que cette étape concrétise une ambition de transformation structurelle pour l’industrie ivoirienne et pour la sous-région. En fabriquant du ciment localement à grande échelle, la Côte d’Ivoire réduit sa dépendance aux importations coûteuses, renforce sa souveraineté industrielle, draine des emplois valorisants et stimule les chaines de valeur locales.

Pour l’Afrique de l’Ouest, c’est un signal fort : des entreprises africaines investissent à grande échelle sur le continent et non simplement à l’export. Dangote, par cette usine, ne se contente pas de livrer du ciment, il investit dans une vision industrielle, dans la stabilisation des coûts et la crédibilité du “made in Africa”.

Cela peut également renforcer l’intégration régionale. Si les capacités ivoiriennes s’optimisent, Dangote pourrait exporter vers les pays voisins avec des coûts compétitifs, redistribuant la valeur dans la zone CEDEAO / UEMOA.

Mais le plus important demeure la démonstration que l’industrialisation africaine est possible, même pour les secteurs lourds. Si ce projet tient ses promesses en qualité, logistique, coût et durabilité, il sera une référence pour d’autres groupes et États. Le ciment est derrière beaucoup d’autres bâtisseurs : routes, logements, infrastructures, ponts. L’impact pourrait être multiplié et servir de catalyseur pour d’autres secteurs industriels.

Suivant
Suivant

UEMOA : 62 institutions habilitées, la PI-SPI s’impose comme levier clé de l’inclusion financière instantanée