UEMOA : 62 institutions habilitées, la PI-SPI s’impose comme levier clé de l’inclusion financière instantanée
Les avantages attendus sont multiples
Les points clés :
La BCEAO a publié une liste actualisée de 62 établissements autorisés à ouvrir les services PI-SPI au public dans les 8 pays de l’UEMOA.
Le service permet des paiements et transferts instantanés, 24h/24 et 7j/7, entre banques, institutions de microfinance, émetteurs de monnaie électronique, opérateurs de mobile money, etc.
L’adoption est déjà diverse : le Sénégal compte 15 participants, la Côte d’Ivoire 13, le Mali 8, etc., illustrant une volonté d’équilibre régional.
La Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (PI-SPI) est une initiative de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), annoncée dans plusieurs communiqués à l’été 2025, et officiellement lancée le 30 septembre 2025 à Dakar. Les autorités monétaires de l’UEMOA l’ont décrite comme un outil structurant pour moderniser le système de paiements interbancaires, promouvoir l’inclusion financière, réduire la dépendance aux espèces et faciliter le commerce intra-régional.
Avant son lancement officiel, une phase de test en conditions réelles avait démarré le 5 juin 2025, impliquant des institutions financières dans plusieurs pays pour valider la fiabilité, sécurité, interopérabilité et performance du système.
Chiffres et état actuel de la participation
La mise à jour la plus récente montre que 62 institutions (banques, établissements de microfinance (SFD), émetteurs de monnaie électronique, etc.) sont désormais autorisées à ouvrir les services PI-SPI au public.
Répartition par pays : Sénégal en tête avec 15 établissements, suivi de la Côte d’Ivoire (13), Mali (8), Burkina Faso (7), Togo (6), Bénin (5), et enfin la Guinée-Bissau et le Niger avec 4 chacun.
Certains grands groupes bancaires (Bank of Africa, Coris Bank, Ecobank, Orabank) sont présents dans tous les pays membres habilités, ce qui en fait des acteurs centraux dans cette phase d’interopérabilité.
PI-SPI offre des paiements instantanés (quelques secondes), accessible 24h/24 et 7j/7, y compris entre acteurs différents (banque ↔ mobile money ↔ microfinance) avec interopérabilité.
L’inclusion financière dans l’UEMOA a fait des progrès : la BCEAO évoque un taux global d’inclusion financière estimé à ~74 % en 2024 contre moins de 15 % deux décennies plus tôt. Aussi, les paiements électroniques dans la zone sont passés de 260 millions d’opérations à plus de 11 milliards entre 2014 et 2024.
Fonctionnement, promesses et cas d’usage
PI-SPI permet à tout particulier ou entreprise disposant d’un compte (banque, mobile money, institution de paiement, microfinance) dans l’un des huit États membres de l’UEMOA de faire des transferts immédiats, peu importe l’établissement destinataire. L’infrastructure garantit une interopérabilité, une continuité 24/7, et vise à fournir un usage sécurisé.
Les avantages attendus sont multiples : pour les usagers, la réduction des délais de transaction (fin des jours ouvrés, des horaires limités), la réduction des frais (ou leur transparence), la possibilité de faire des paiements même avec un téléphone simple, de réduire l’usage du cash, de renforcer l’inclusion financière des populations rurales ou non bancarisées. Pour les prestataires (banques, fintechs), PI-SPI représente une opportunité de croissance de leurs offres, de réduction des coûts liés à la gestion des flux, et de compétitivité accrue. Pour les États, une meilleure efficacité des paiements publics, une collecte plus fluide des impôts ou taxes, et une réduction des inefficiences du secteur informel.
Défis et limites
Même avec ces progrès, plusieurs obstacles restent à surmonter pour que PI-SPI tienne ses promesses :
La répartition des institutions autorisées montre déjà un déséquilibre : certains pays ont plus d’acteurs habilités que d’autres, ce qui peut créer des zones où l’accès reste faible. L’adhésion et la capacité technique des acteurs les moins digitalisés ou avec peu de ressources (petites microfinances, fintechs à échelle réduite) est un défi.
La dépendance aux infrastructures techniques : connectivité internet, puissance des réseaux mobiles, fiabilité de l’électrification, disponibilité des appareils mobiles (smartphones, etc.) sont tous des facteurs qui, dans de nombreuses zones rurales ou périurbaines, restent faibles ou instables.
La question de sécurité, de confiance : pour que les utilisateurs adoptent le paiement numérique instantané, il faut garantir la sécurité (fraude, bugs, erreurs), la conformité réglementaire, la protection des données et la fiabilité.
L’harmonisation réglementaire et tarifaire entre les pays membres et entre les prestataires est nécessaire : frais, limites de transaction, délais usuels, etc. doivent être clairs, équitables, et harmonisés pour qu’il n’y ait pas de confusion ou de discrimination entre usagers selon leur pays ou leur prestataire.
La résistance au changement culturel existe : beaucoup de transactions, surtout dans les milieux ruraux, restent faites en espèces, par habitude, par défi de confiance ou par manque d’accès. Il faudra du temps, des efforts de sensibilisation, d’éducation, d’infrastructures.
Comparaisons et enseignements externes
Des comparaisons avec des plateformes similaires dans d’autres régions montrent que les plateformes de paiement instantané interopérables réussissent mieux lorsqu’elles sont portées par des institutions crédibles, avec un bon cadre légal, une forte coopération entre les prestataires, une stratégie de gouvernance claire, et un soutien tant technique que financier aux usagers.
Par exemple, certains pays d’Afrique de l’Est ou d’Afrique australe ont déjà des systèmes similaires : Kenya-M-PESA avec interopérabilité bancaire, ou le Rwanda avec InstantPay (via la Banque nationale). Ces expériences montrent que les coûts de maintenance, de continuité, de lutte contre la fraude, et le maintien de la confiance du public sont des facteurs clés. Leur succès dépend aussi de la capacité à atteindre les populations non bancarisées ou sous-bancarisées, ce qui exige souvent des partenariats public-privé, des agents de terrain, une tarification adaptée, etc.
Perspectives d’évolution
Le nombre de prestataires habilités devrait continuer à croître. La BCEAO a indiqué que le mouvement va vers “la pleine participation de l’ensemble des institutions de paiement dans l’Union”.
L’usage effectif par le public (volumes de transaction, fréquence, montants) sera un indicateur clé à surveiller. Les technologies annexes, QR codes, alias bancaires, portefeuilles mobiles, devront être développées, vulgarisées, et rendre l’expérience utilisateur simple.
Il est probable que des mesures incitatives (fiscales ou réglementaires) apparaissent pour encourager les commerçants à accepter les paiements numériques, réduisant la prédominance du cash. Les réglementations nationales devront évoluer pour soutenir la confidentialité des données, la sécurité, et pour harmoniser les frais entre prestataires.
Pourquoi est-ce important ?
La mise en service et l’élargissement de PI-SPI représente un moment charnière dans la transformation financière de l’UEMOA. L’économie ouest-africaine est encore très dépendante du cash : les coûts (temps, risques, inefficacités), la distance, la fragmentation des services freinent le commerce, l’accès aux services, la formalisation des transactions et l’activité économique surtout dans les zones rurales.
PI-SPI pourrait réduire ces frictions. Lorsque des paiements peuvent être faits instantanément entre un téléphone mobile, un compte bancaire, ou un compte de microfinance, cela améliore la fluidité de l’économie locale, stimule le commerce informel, favorise les transferts de fonds familiaux, réduit les coûts de transaction. Pour les micro, petites et moyennes entreprises, cela peut améliorer la gestion de trésorerie, la prévisibilité des revenus, et ouvrir des possibilités de nouveaux services financiers innovants.
Du point de vue de l’inclusion financière, PI-SPI est un levier essentiel. Avec un taux autour de 74 %, l’UEMOA a beaucoup progressé, mais il reste de la marge, surtout en zones rurales, pour les populations non bancarisées ou mal desservies. L’accessibilité qu’offre une infrastructure comme PI-SPI peut rapprocher ces populations des services financiers formels, tout en renforçant la confiance.
Pour l’intégration régionale, cela constitue une pierre de fondation : interopérabilité entre pays, entre opérateurs, entre systèmes financiers classiques et mobiles, ce qui favorise les échanges transfrontaliers, la réduction des barrières, l’harmonisation réglementaire. Cela peut améliorer l’attractivité de la région pour les investissements, faciliter les paiements commerciaux, améliorer la circulation des capitaux.
Enfin, sur le plan macroéconomique, un système de paiement plus efficace réduit les délais de paiement, améliore la performance des entreprises, diminue les coûts liés à la logistique financière, à la trésorerie bloquée, aux risques de liquidité. Cela peut aussi améliorer la collecte fiscale (quand les paiements peuvent être faits plus facilement, de façon traçable), ce qui renforce les recettes publiques.