Mali : reprise des cours dans une économie aux moteurs grippés


Les points clés :

  • Les cours ont repris ce lundi 10 novembre 2025 après deux semaines d’interruption nationale due à une pénurie de carburant sévère.

  • La crise trouve son origine dans un blocus mené par l’organisation Jama’at Nusrat al‑Islam wal‑Muslimin (JNIM) visant les convois de carburant, fragilisant les chaînes logistiques maliennes.

  • Cette interruption éducative symbolise un effet domino sur l’économie malienne, de la mobilité des élèves aux transports, en passant par l’approvisionnement des infrastructures de base.


Au Mali, la reprise des cours ce lundi 10 novembre 2025 marque un retour à la normale, au moins formellement, après une suspension imposée par un choc logistique et sécuritaire majeur. Le ministère de l’Éducation nationale, le 7 novembre, a confirmé sur l’ensemble du territoire la reprise des classes dans les établissements publics et privés. Cette annonce intervient alors que le pays navigue encore dans une crise du carburant qui a paralysé une grande partie des transports, et fragilisé la vie économique : des stations-services fermées, des files interminables, un réseau de convoyage sous escorte militaire. Le communiqué signale la reconnaissance du gouvernement envers les élèves, enseignants et parents pour leur patience, tout en soulignant que la situation reste « marquée » par les difficultés d’approvisionnement.

Ce choc ne s’est pas produit en vase clos. Selon l’agence Reuters, l’armée malienne escortait les camion-citerne depuis septembre en raison de l’attaque systématique de convois par la JNIM. Le blocage des importations de carburant depuis les pays voisins a mis à nu une vulnérabilité chronique : logistique routière exposée, dépendance aux flux extérieurs, infrastructures de soutien fragiles. En parallèle, selon l’AP, « certains stations-services et écoles ont rouvert, mais de nombreuses zones rurales restent en attente de ravitaillement ».

Pour l’économie malienne, la suspension des cours et les perturbations associées constituent plus qu’un problème scolaire : elles illustrent la façon dont une crise d’approvisionnement touche plusieurs piliers, mobilisation de la main-d’œuvre, capacité de déplacement, fonctionnement des services publics, mais aussi coût de production et transport. Des transporteurs sont immobilisés, les coûts augmentent, la productivité chute.

Le lien entre éducation et économie trouve ici une expression brutale. Le retour à l’école ne suffit pas à rattraper les heures perdues, mais symbolise la mise en œuvre d’une gestion de crise. Les autorités, malgré les risques sécuritaires persistants, ont décidé de relancer les activités. Mais cette reprise comporte aussi un pari : celui de la résilience institutionnelle dans un contexte où l’approvisionnement reste fragile.

Les chiffres sont parlants aussi : en 2025, la presse mentionne qu’une centaine de camions-citerne auraient été détruits ou bloqués depuis le début du blocus. L’impact macro-économique se fait sentir dans les secteurs logistiques, dans les coûts de transport et in fine sur le prix des biens de consommation. La suspension scolaire apparaît donc comme un symptôme d’un trouble plus profond.

Pour comprendre les enjeux, il faut prendre en compte que le transport routier est le cœur de la distribution au Mali : sans carburant, les intrants agricoles ne circulent plus, les chaînes de valeur sont interrompues, les villes voient leurs services ralentir. L’arrêt des classes devient quasiment logique au cœur d’un tel effondrement logistique. Le gouvernement l’a bien compris en communiquant que l’interruption visait à « limiter les déplacements et atténuer les effets des perturbations logistiques ».

Certes, la relance des cours est un succès symbolique, mais il reste des défis considérables. Le pays est confronté à trois problèmes conjoints : la sécurité des axes routiers, l’indépendance énergétique/logistique, et la résilience du fonctionnement public en contexte de pression. Chacun de ces éléments a des implications économiques directes.

En matière de prévision macroéconomique, cette crise risque de peser sur la croissance dans un pays où l’agriculture représente une large part du PIB et dépend fortement du fret routier. Les retards dans les campagnes, le report des activités ou l’augmentation des coûts sont autant de handicaps. De plus, ce type de perturbation fragilise la confiance des investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, dans la capacité de l’État à assurer la stabilité logistique et institutionnelle.

Pourquoi est-ce important ?

Pour l’Afrique de l’Ouest, le cas du Mali rappelle que l’éducation, l’économie et la logistique sont profondément interconnectées. Lorsqu’un maillon (ici l’approvisionnement en carburant) flanche, l’effet se propage rapidement dans les transports, les services publics, la production et l’emploi. Le Togo, le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire peuvent s’y retrouver : la résilience des infrastructures, la diversification des chaînes d’approvisionnement et la sécurisation des axes sont des priorités transnationales.

En second lieu, la relance des cours illustre que le fonctionnement des institutions scolaires est un indicateur avancé de la santé économique d’un pays. Si les écoles ferment parce que les routes sont bloquées, c’est toute la capacité productive et humaine du pays qui est mise à l’arrêt. Pour les gouvernements de la sous-région, investir dans la logistique, les stocks stratégiques, les cadres alternatifs de transport devient autant une démarche sociale qu’économique.

Enfin, sur un plan de long terme, cet épisode pose la question de la souveraineté économique et des chaînes régionales de valeur. Le Mali dépend de carburant importé et de routes vulnérables. Pour capter la valeur, participer pleinement à l’intégration sous-régionale et éviter les ruptures, les pays ouest-africains doivent renforcer leur autonomie logistique, établir des corridors sécurisés et diversifier leurs ressources. Le redémarrage des classes au Mali est un signal vers le retour à la normalité, mais aussi un rappel que la croissance régionale dépend de la capacité à éviter de tels arrêts brutaux.

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