Financements innovants et gouvernance renforcée : l’espace Conseil de l’Entente monte en pression à Lomé pour relancer l’intégration


Les points clés :

  • Le budget du projet annuel de performance (PAP) 2026 du Conseil de l’Entente est fixé à 7 706 millions FCFA pour les cinq États membres.

  • Le solde déficitaire des comptes 2024 du Conseil s’élève à 434 millions FCFA, ce qui nécessite une mobilisation accrue de ressources internes et externes.

  • La réforme de la Tranche Commune Entente (TCE) est avancée comme un mécanisme alternatif de financement pérenne des programmes régionaux.


Lors de sa 23ᵉ session ordinaire tenue à Lomé, le Conseil de l’Entente (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Niger, Togo) a engagé des discussions de fond sur sa gouvernance, ses financements et sa stratégie d’intégration. Cet espace régional, créé en 1959, s’est historiquement attaché à la coopération politique et économique, mais fait aujourd’hui face à des défis nouveaux : montée des menaces sécuritaires, restriction des financements extérieurs, nécessité d’intégration économique accrue.

Le rapport annuel 2024, examiné en session, a mis en lumière un déficit budgétaire (328,87 millions FCFA selon le rapport publié) pour l’exercice clos. Le Conseil souligne la nécessité de discipline financière et de mobilisation de ressources nouvelles pour éviter que cet écart ne se creuse. Le projet annuel de performance 2026 a été adopté avec un budget équilibré de 7 706 millions FCFA (soit 7,706 milliards FCFA) dont 3 504 millions attendus des ressources internes et 4 202 millions à mobiliser auprès de partenaires externes.

Au-delà des chiffres, c’est la réforme de la Tranche Commune Entente (TCE) qui foi de second plan. Le mécanisme, par lequel les loteries nationales des États membres alimentent un fonds commun, est repositionné comme instrument de financement alternatif. Chaque État contributeur via sa loterie nationale participera à cette finance communautaire dont l’objectif est de doter le Conseil de ressources régulières et plus autonomes. À titre d’illustration, la TCE 2025 prévoit, au Togo, un financement d’un centre médico-social à l’Université de Kara pour un total de 125 millions FCFA, avec 25 millions de chaque loterie nationale membre.

La gouvernance régionale occupe une place centrale dans les débats. Lors de la session, le ministre togolais des Affaires étrangères, Prof. Robert Dussey, président par intérim de la session, a insisté sur la discipline budgétaire, la transparence, la conformité des États membres aux engagements de contributions, et la cohésion régionale face aux menaces sécuritaires qui frappent certains pays membres (notamment le Burkina Faso et le Niger).

Ce recentrage du Conseil de l’Entente marque un tournant : l’institution ne veut plus uniquement être un cadre de concertation, mais devenir un acteur opérationnel de programmes partagés, financés et exécutés, avec un accent sur l’intégration dans l’espace ouest-africain. Cette ambition implique d’adopter des outils modernes de financement, de renforcer le suivi des performances, de professionnaliser la gestion des projets, et d’assurer une cohérence entre les politiques nationales et l’action communautaire.

Pourquoi est-ce important ?

Dans un contexte ouest-africain où les grands mécanismes d’intégration peinent parfois à produire des résultats tangibles, le redressement du Conseil de l’Entente présente une reprise managériale et stratégique notable. Le renforcement du financement à travers des mécanismes innovants tels que la TCE, ainsi que le souci d’une meilleure gouvernance, sont des signaux adressés à la fois aux investisseurs et aux populations.

Pour les pays membres, disposer d’un instrument régional crédible peut permettre de mobiliser des ressources à moindre coût, d’accélérer des projets communs (infrastructures, formation, développement rural), et de renforcer la solidarité face aux défis sécuritaires et économiques. Le fait que le projet annuel 2026 soit conçu comme « équilibré » est révélateur d’un effort de rigueur qui pourrait inspirer d’autres organisations régionales.

Plus largement, dans une Afrique qui cherche à se financer par elle-même, à promouvoir l’intégration économique et à réduire sa dépendance aux bailleurs externes, un Conseil qui se structure, réforme ses outils financiers et élargit son champ d’action, participe à cette dynamique d’autonomie. Le modèle de mobilisation mixte, contributions internes + financements innovants, pourrait être dupliqué dans d’autres espaces régionaux.

En résumé, la session de Lomé du Conseil de l’Entente laisse entrevoir une institution repositionnée, mieux armée pour répondre aux enjeux de développement, de solidarité et d’intégration ouest-africaine. Son succès dépendra de la mise en œuvre effective de ces réformes, de la mobilisation des États membres et de la crédibilité qu’elle saura gagner aux yeux des partenaires et des populations.

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