AFIS 2025 : l’Afrique mise sur ses propres capitaux pour bâtir sa souveraineté financière


Les points clés :

  • La 5ᵉ édition de l’Africa Financial Summit ‑ AFIS 2025, qui se tiendra les 3 et 4 novembre 2025 à Casablanca (Maroc), rassemble plus de 1 200 dirigeants financiers africains pour débattre du thème : « Unlocking Africa’s Financial Power: Time to mobilise domestic capital at scale ».

  • Le sommet porte une ambition centrale : activer l’épargne africaine, libérer les flux de capitaux locaux (pensions, fonds souverains, assurances, banques), pour financer les priorités continentales, infrastructures, énergie, agriculture, innovation numérique, dans un contexte de raréfaction des capitaux internationaux.

  • Le Maroc, hôte de l’événement, illustre déjà cette orientation avec son statut de hub financier régional (Casablanca Finance City). Le sommet confirme la transition en cours : l’Afrique ne manque pas d’argent, mais de mécanismes pour l’utiliser efficacement chez elle.


Dans le paysage africain de la finance, l’édition 2025 de l’AFIS s’affirme comme un rendez-vous stratégique, non pas uniquement symbolique, mais porteur d’une transformation profonde. Le continent, confronté à la hausse des taux d’intérêt mondiaux, aux tensions géopolitiques et à la contraction de l’aide internationale, entend désormais développer sa propre architecture financière. L’objectif : passer de la dépendance aux capitaux externes à la mobilisation massive des ressources internes.

Casablanca, ville choisie pour accueillir cette édition, n’est pas un hasard. Le Maroc a investi depuis des années dans le développement de sa place financière, structurée autour de Casablanca Finance City qui figure parmi les hubs africains les plus avancés. Le choix de ce lieu pour l’événement renvoie une ambition claire : faire de l’Afrique un acteur autonome de ses propres capitaux.

Le thème central du sommet résume l’enjeu : « Africa does not need saving – it needs its own savings and capital ». Ce constat frappant, remis au centre des débats, sert de base à plusieurs diagnostics. L’un d’eux veut que le continent détienne déjà des masses de capitaux internes pension funds, assureurs, banques commerciales, fintechs ; mais qu’elles restent insuffisamment orientées vers les investissements productifs. Comme le soulignait un rapport récent de l’Africa Finance Corporation (AFC) : l’Afrique dispose de près de 4 000 milliards de dollars potentiels de capitaux internes pouvant financer les infrastructures.

Les sujets à l’agenda de l’édition 2025 sont multiples : marchés de capitaux et gestion d’actifs, banque commerciale, fintech et inclusion financière, assurances, transformations numériques, financement de l’agriculture et des infrastructures, transition climatique, gouvernance et régulation. Le programme dévoilé par AFIS insiste sur la nécessité de régulations ambitieuses, d’instruments financiers régionaux, d’une meilleure intégration des marchés et de partenariats public-privé solides.

Parmi les intervenants annoncés figurent des personnalités de premier plan comme Makhtar Diop (Directeur général de l’International Finance Corporation – IFC), Amir Ben Yahmed (CEO de Jeune Afrique Media Group), ainsi que des ministres, régulateurs, banquiers centraux, représentants de fintechs et de marchés de capitaux.

Ce sommet n’est pas un simple forum de discussion. Il est présenté comme un moment de passage à l’action. Le constat partagé est que la finance africaine doit évoluer : moins de projets pilotés depuis l’extérieur, plus de structuration locale, plus de transformation des taux d’épargne en investissements productifs. Ce virage suppose des réformes de fond : cadres de régulation harmonisés, transparence, gouvernance, marchés de capitaux régionaux plus profonds, renforcement des capacités des institutions financières, instruments innovants (obligations vertes, sukuk, financement climatiques).

Cet engagement se trouve déjà soutenu par des partenariats institutionnels. Par exemple, l’ECOWAS Bank for Investment and Development (EBID) est partenaire institutionnel d’AFIS 2025 et prendra part à une session sur les « Green, Social and Blue Bonds and Green Sukuk ».

Évidemment, ces ambitions ne sont pas sans défis. Les marchés financiers africains sont encore fragmentés, la taille critique des marchés limitée, la couverture instrumentale faible, la réglementation souvent disparate, le recours aux capitaux étrangers reste élevé. Le défi est d’assembler les conditions pour que les capitaux internes circulent vers l’investissement, et non vers des placements liquides ou à faible rendement. Le directeur général de l’IFC a mis en garde : « Le secteur privé doit prendre le relais, par la mobilisation de l’épargne domestique et le renforcement des marchés financiers locaux ».

Au terme de ce sommet, les attentes sont élevées. Il s’agira de voir se concrétiser des feuilles de route, des partenariats opérationnels et des engagements mesurables. Le message est clair : l’Afrique possède les moyens, mais doit désormais organiser les canaux pour que ces moyens servent le développement – plutôt que l’extraction de valeur externe.

Pourquoi est-ce important ?

Pour l’Afrique de l’Ouest, et plus largement pour le continent africain, l’AFIS 2025 revêt une importance stratégique. Le financement du développement est l’un des principaux enjeux de l’heure : infrastructures, énergie, agriculture, numérique, inclusion financière, transition climatique nécessitent des volumes massifs de capitaux. Dans un contexte où l’aide extérieure se contracte et où les taux mondiaux montent, la mobilisation de ressources internes devient un impératif de souveraineté.

La mobilisation de l’épargne locale renforce la résilience économique : elle réduit la dépendance à des flux externes volatils, permet un meilleur alignement des investissements avec les priorités nationales et permet une orientation vers des projets de long terme. Elle soutient aussi la croissance inclusive : des marchés financiers plus profonds, des instruments adaptés aux PME et aux projets productifs favorisent la diffusion des retombées économiques, notamment en zones rurales et parmi les populations moins servies.

La région de l’UEMOA et ses États membres devront tirer parti de ce mouvement pour renforcer leurs économies. L’intégration financière régionale, l’harmonisation réglementaire, l’essor des marchés de capitaux régionaux (comme la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières, la BRVM), le développement des fintechs et la bancarisation accrue sont autant de leviers. Le sommet ouvre une fenêtre pour que les capitaux ouest-africains puissent circuler davantage localement et servir des priorités comme : la transformation agricole, la souveraineté alimentaire, la mécanisation, l’irrigation, la valorisation des ressources.

Enfin, la souveraineté financière évoquée à AFIS ne se limite pas à une revendication symbolique : elle se traduit concrètement par la capacité de financer ses propres ambitions, de choisir ses partenariats, de peser dans les régulations internationales et de favoriser une finance au service du développement local. Les économies ouest-africaines qui agiront activement pourront ainsi se doter de systèmes financiers plus autonomes, plus inclusifs et plus orientés vers l’investissement dans l’économie réelle.

En conclusion, l’AFIS 2025 ne se limite pas à un sommet : c’est un rendez-vous clé dans la dynamique d’une Afrique qui entend reprendre la main. Pour la sous-région ouest-africaine, suivre, participer et s’engager dans cette logique peut faire la différence entre rester simple spectateur des flux de capitaux mondiaux ou devenir acteur de sa propre transformation économique.

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