Enfoncement à la BRVM : trois séances de recul trades-forcées et un signe de fragilité pour l’économie de l’UEMOA
Les points clés :
Les indices de la BRVM enregistrent une troisième séance consécutive de baisse, le BRVM Composite reculant de -0,78 % à 334,57 points.
Les grandes capitalisations pèsent lourds : une perte de 30,13 milliards FCFA pour Orange Côte d’Ivoire et des titres touchant le seuil réglementaire de -7,50 %.
Une seule valeur se distingue : NEI‑CEDA progresse de +7,37 % à 1 020 FCFA, démontrant la présence de poches de résistance dans un marché globalement affaibli.
La séance récente de la BRVM symbolise un moment de tension dans la finance de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Après une série de trois jours à la baisse, le marché s’enfonce dans ce que plusieurs analystes décrivent comme une liquidation de portefeuilles, conduite par la méfiance et le repositionnement des investisseurs. Le BRVM Composite a clôturé à 334,57 points, un recul de 0,78 %. Ce mouvement est significatif non seulement par la valeur de l’ajustement, mais aussi par la nature des valeurs concernées : les grandes capitalisations sont en première ligne, ce qui amplifie l’impact sur l’ensemble de l’indice.
Le cas d’Orange Côte d’Ivoire est emblématique : l’entreprise pèse suffisamment pour faire basculer le sentiment de marché, avec une perte de capitalisation de 30,13 milliards FCFA. À ses côtés, des titres comme Nestlé Côte d’Ivoire et Bernabé CI subissent des baisses proches de -7,49 %, atteignant la limite maximale autorisée par la réglementation de variation. Un tel niveau de dislocation, au sein d’un environnement autrefois perçu comme stable, appelle à s’interroger sur les facteurs sous-jacents.
Plus encore, ce qui inquiète est la vitesse et l’ampleur du retrait. Les volumes échangés sont restés modérés mais concentrés : la séance a vu environ 1,33 milliard FCFA de transactions, AGL ayant occupé à elle seule 11,12 % du total avec 147,77 millions FCFA. Cela suggère que le marché n’est pas en pause, mais en repositionnement actif, les investisseurs semblent anticiper un scénario peu favorable.
Pourtant, ce mouvement baissier est à nuancer. Toutes les valeurs ne sont pas à la baisse : NEI-CEDA s’affiche +7,37 %, SODECI +6,23 % malgré un contexte moins favorable, et Onatel Burkina Faso affiche +2,73 %. Ces exceptions montrent que le marché n’est pas uniforme et que certains acteurs, sur des fondamentaux résilients, réussissent à tirer leur épingle du jeu. Cela invite à penser que le recul global pourrait cacher une rotation sectorielle ou un changement de biais des investisseurs.
Cette série négative intervient dans un contexte plus large de fragilité macroéconomique et de défiance vis-à-vis des grands titres. L’UEMOA, via la BRVM, reste un marché relativement peu liquide, concentré et vulnérable aux événements exogènes. Le fait que la chute touche d’abord les grandes valeurs montre que le risque n’est plus circonscrit à des valeurs secondaires : il traverse tout le marché. Divers analystes considèrent que l’effet risque de contagion est désormais réel, et que la capitalisation, l’infrastructure et la gouvernance des entreprises cotées devront être scrutées avec une attention accrue.
D’un point de vue technique, ce canal baissier prolongé est un signal d’alerte. Quand les indices décèlent trois jours de recul consécutifs, cela peut déclencher un rerating – un repositionnement à la baisse des multiples de valorisation – et un durcissement de l’évaluation des risques. Pour les sociétés et les investisseurs, cela signifie moins de marge de manœuvre : les résultats attendus doivent être plus solides, les réserves de croissance mieux identifiées, et la gouvernance irréprochable.
Enfin, pour la BRVM comme place régionale, cette phase met en évidence l’enjeu de diversification et de profondeur. Un marché dominé par quelques valeurs majeures est structurellement affaibli dans ses retraits. La sous-région devra envisager d’élargir la base des investisseurs institutionnels, renforcer la cotation des PME, améliorer la gouvernance des sociétés cotées et renforcer les infrastructures de marché (reporting, transparence, liquidité) pour amortir les chocs à l’avenir.
Pourquoi est-ce important ?
Pour l’Afrique de l’Ouest, la performance de la BRVM est plus qu’un indicateur boursier : elle reflète la confiance dans le financement régional, dans les entreprises locales et dans la capacité des marchés à jouer un rôle de soutien à l’économie réelle. Le recul actuel montre que la finance régionale reste fragile, vulnérable aux chocs et dépendante de quelques acteurs dominants.
Lorsque la grande capitalisation recule, l’effet domino sur l’ensemble du marché et sur la mobilisation de capitaux domestiques est immédiat. Dans une région qui cherche à renforcer ses marchés financiers pour financer la croissance (infrastructures, agro-industrialisation, énergie, numérique), un marché affaibli limite l’attractivité pour les investisseurs internationaux et réduit la capacité locale à lever des fonds. La sous-région se doit donc de transformer ce moment difficile en opportunité : renforcer ses fondamentaux, élargir sa base, améliorer la gouvernance.
Par ailleurs, pour les économies de l’UEMOA, la bourse est un levier pour l’économie réelle : elle permet aux entreprises locales, aux PME et aux industries naissantes d’accéder à des financements moins coûteux que le crédit bancaire. Un marché sous pression affaiblit ce canal. Le besoin d’un marché régional solide, fiable et attractif est d’autant plus crucial dans un contexte où les capitaux externes se montrent plus frileux.
En conclusion, cette crise de la BRVM est un signal d’alarme mais aussi un appel à l’action. Les acteurs, société cotées, régulateurs, investisseurs, gouvernements, doivent saisir cet instant pour consolider le marché, améliorer la transparence, élargir la participation et assurer que les marchés financiers deviennent un véritable moteur de la croissance inclusive en Afrique de l’Ouest.