Inclusion financière au Togo : l’enquête nationale qui pourrait tout changer
Les points clés :
Le Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (INSEED) démarre une enquête nationale du 6 novembre au 6 décembre 2025 pour mesurer l’accès et l’utilisation des services financiers au Togo.
L’opération se fait en collaboration avec Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et vise à distinguer clairement l’offre formelle vs informelle et à identifier les freins majeurs à l’inclusion financière.
Le Togo affichait déjà un taux d’utilisation des services financiers d’environ 87 % en 2023, et cette enquête doit permettre de transformer ces acquis en actions ciblées pour les ménages vulnérables, les femmes, les jeunes et les zones rurales.
Depuis ce jeudi 6 novembre 2025, le Togo s’est lancé dans une opération d’envergure : interroger les ménages et les entreprises sur l’accès et l’utilisation des services financiers. Cette initiative, menée par l’INSEED en partenariat avec la BCEAO, marque une étape essentielle dans la stratégie nationale d’inclusion financière du pays.
Cette enquête a valeur de repère : l’objectif est doublement ambitieux : établir une photo-référence de la demande et de l’offre de produits financiers au Togo et dégager les obstacles qui freinent encore l’accès aux services bancaires, financiers formels et informels. Les citoyens sont invités à collaborer activement, les agents enquêteurs se rendront dans les foyers et entreprises de tout le territoire, munis de badges officiels, et toutes les données seront traitées conformément à la loi statistique N°2011-014, assurant la confidentialité.
La portée de cette initiative prend tout son sens quand on replace le Togo dans le contexte régional. Le pays enregistre déjà un taux d’utilisation des services financiers estimé à 87 % en 2023, preuve d’un progrès spectaculaire au fil des années.
Toutefois, la question reste : cette utilisation est-elle équitablement répartie ? Avec cette enquête, les autorités entendent sonder au-delà des chiffres globaux, les zones semi-urbaines et rurales, les femmes, les jeunes, le secteur informel.
Economiquement, cette démarche stratégique revêt plusieurs implications. L’inclusion financière est un levier reconnu de la croissance inclusive : lorsque les ménages ont accès à des comptes, des crédits adaptés, qu’ils peuvent épargner ou investir, l’activité économique s’en trouve stimulée, la vulnérabilité réduite et l’entrepreneuriat renforcé. Dans cet esprit, le Togo se donne les moyens de repenser ses instruments de microfinance, de digitalisation des services bancaires et de financement des PME. Cette enquête devrait fournir aux décideurs des données robustes pour orienter les politiques publiques, les investissements étrangers et privés, et mieux cibler les innovations financières.
Par ailleurs, l’opération s’inscrit dans le cadre plus large de l’espace monétaire de l’UEMOA. Elle permettra de disposer de données comparables entre les États membres, afin de renforcer la coordination régionale et de stimuler la fluidité des flux financiers intra-régionaux.
Cependant, les défis restent nombreux. Disposer de bons outils statistiques, c’est un préalable, mais encore faut-il que les réformes suivent. L’accès bancaire, la confiance dans les institutions, la capacité à rembourser des crédits, la digitalisation, l’éducation financière, l’infrastructure numérique ou électrique : tout cela conditionne la traduction des résultats de l’enquête en transformation réelle. Le Togo devra veiller à ce que les données recueillies ne restent pas un exercice de reporting mais donnent naissance à des programmes concrets.
Pourquoi est-ce important ?
Pour l’économie ouest-africaine, cette initiative togolaise est emblématique. Elle montre que l’inclusion financière n’est pas seulement une question sociale ou d’aide, mais un pilier structurel du développement économique. En permettant à plus de citoyens et d’entreprises, notamment dans le secteur informel, d’entrer dans l’écosystème financier, on augmente le bassin de crédit, la mobilisation de l’épargne domestique, et on prépare un terrain plus solide pour des investissements productifs.
Dans la sous‐région, un pays comme le Togo qui améliore sa couverture financière contribue à renforcer l’intégration économique : des artisans qui accèdent à des micro-crédits, des agriculteurs qui s’équipent, des PME numériques qui se financent, cela génère non seulement de l’activité locale mais aussi des chaînes de valeur régionales. Considérant que l’UEMOA vise l’harmonisation des services financiers et la réduction des disparités, ce type d’enquête fournit le matériau indispensable à l’action coordonnée.
Ensuite, dans un contexte mondial où les capitaux sont volatils, la diversification des sources de financement devient essentielle. Quand un État sait mieux qui utilise quels services financiers et comment, il devient plus crédible auprès des partenaires, plus apte à structurer des instruments d’épargne nationaux, et moins dépendant des flux externes. Le Togo, par cette enquête, pose une pierre à son architecture de souveraineté financière.
Enfin, sur le plan humain et social, l’accès aux services financiers est un levier d’inclusion réelle : les femmes, les jeunes, les populations rurales qui étaient jusque-là marginalisées peuvent désormais entrer dans le jeu économique à part entière. Cela contribue à la réduction des inégalités, au renforcement de la résilience face aux chocs (économiques, climatiques, sanitaires) et à l’accélération de la croissance inclusive.
En plaçant l’inclusion financière au cœur de l’action publique, le Togo se donne les moyens de transformer l’accès en opportunité, les données en stratégie, et l’épargne en investissements pour une économie plus forte et plus juste.