FIL 2025 : le Togo fait converger les ambitions africaines et la puissance chinoise


Les points clés :

  • La 20ᵉ édition de la FIL (28 novembre–14 décembre 2025) place la République populaire de Chine au rang de pays invité d’honneur, attirant plus de 30 entreprises chinoises et annonçant une dynamique de coopération renforcée.

  • Le commerce sino-togolais, déjà estimé à plusieurs milliards de dollars, s’affiche en forte hausse, illustrant le rôle croissant de la Chine comme principal partenaire d’importation du Togo.

  • Au-delà des expositions, la FIL 2025 incarne une opportunité structurante pour l’industrialisation, le transfert technologique, les chaînes de valeur et l’attractivité des investissements, pour le Togo et l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest.


La 20ᵉ édition de la Foire Internationale de Lomé, qui coïncide avec le 40ᵉ anniversaire du Centre Togolais des Expositions et Foires (CETEF), marque un tournant pour l’événement phare du Togo. Sous le thème « 40 ans d’histoire, 20 éditions : un regard sur le passé, un cap sur l’avenir », l’édition 2025 s’annonce ambitieuse.

Le choix de la Chine comme pays invité d’honneur n’est pas neutre. Il reflète la profondeur croissante des relations économiques, commerciales et industrielles entre Lomé et Pékin. Plus de 30 entreprises chinoises, issues des provinces de Hunan, Hebei et d'autres régions, exposent cette année des technologies, équipements, produits manufacturés, solutions industrielles ou agro-alimentaires.

La cérémonie d’ouverture, présidée par le ministre délégué chargé du Commerce, Kossi Tenou, aux côtés de l’ambassadrice chinoise Wang Min, a mis en avant la volonté d’utiliser la foire non seulement comme un salon commercial, mais comme un “catalyseur d’opportunités économiques, d’investissements et de partenariats”.

Ainsi, la FIL 2025 n’est plus seulement une vitrine de produits et de commerce, mais un terrain d’engagement stratégique pour relancer l’industrialisation, stimuler les transferts technologiques, renforcer la coopération bilatérale et repositionner le Togo dans les circuits mondiaux de production et de distribution.

Chiffres clés : la Chine, pivot du commerce togolais

Les statistiques récentes confirment l’importance de la Chine dans les échanges du Togo. En 2024, les importations togolaises en provenance de Chine s’élevaient à environ 670,11 millions de dollars, couvrant des biens variés : véhicules, équipements électriques et électroniques, machines, acier, plastiques, meuble, habillement…

À l’inverse, les exportations togolaises vers la Chine s’élevaient à environ 212,69 millions de dollars en 2024, principalement des matières premières : produits oléagineux, fruits, cacao, cuivre, coton, aluminium…

Ces chiffres témoignent d’un déséquilibre structurel : le Togo importe largement plus de biens manufacturés, d’équipements et de biens de consommation que ce qu’il exporte vers la Chine. Mais ce déséquilibre s’inscrit dans un cadre de dépendance croissante, ce que montrent les données récentes confirmant la Chine comme principal fournisseur du Togo.

Depuis 2023, le commerce bilatéral entre la Chine et le Togo avait déjà atteint, selon les autorités, 2,3 milliards de dollars pour les sept premiers mois de l’année, traduisant une reprise et une intensification des flux commerciaux.

Ces données, mises en lumière pendant la FIL, renforcent l’idée que le Togo n’est plus seulement un petit marché africain : il est un hub stratégique pour la Chine en Afrique de l’Ouest, possible porte d’entrée vers les marchés voisins.

Au-delà des stands : un espace pour l’industrialisation, les chaînes de valeur et la transformation économique

À la fois vitrine commerciale, rendez-vous d’affaires et laboratoire d’idées, la FIL 2025 ambitionne de stimuler des dynamiques de long terme. Selon le discours inaugural, la foire se présente comme un lieu de “rencontres B2B, d’échanges, de partenariats, de projets d’investissement, de transferts technologiques”, et non comme un simple salon de consommation.

La présence massive d’entreprises chinoises dans des secteurs variés, technologies, machines agricoles, métallurgie, câbles, agro-industrie, construction, offre aux opérateurs togolais l’opportunité de moderniser leurs capacités : c’est une fenêtre pour doter le pays d’une base industrielle plus solide, d’augmenter la valeur ajoutée locale, d’amorcer des filières de transformation, et non rester dans le schéma exportation de matières premières.

Le Togo, via cette foire, peut attirer des investissements étrangers directs, des partenariats de production, des transferts de compétences, voire des joint-ventures : c’est un pas vers l’industrialisation durable, un appui pour la diversification économique, la création d’emplois, la montée en gamme des exportations.

La digitalisation de la foire, via la plateforme e-FIL (réservation en ligne, stand, gestion numérique, badges, matchmaking B2B), montre également une volonté de professionnalisation, de modernisation des pratiques, de rendre l’événement plus accessible, plus visible, plus transparent.

Risques, défis : attention aux asymétries, à la dépendance et à la gouvernance des partenariats

Mais l’opportunité ne se réalise pas automatiquement. Plusieurs défis et risques sont à garder à l’esprit. Le premier réside dans le déséquilibre structurel des échanges : comme le montrent les données, le Togo importe massivement des biens manufacturés de Chine, tandis que ses exportations restent principalement des matières premières ou des produits peu transformés. Sans transformation locale et montée en qualité, le risque est que le pays reste dépendant des importations, sans réelle montée en valeur ajoutée.

Un autre enjeu majeur concerne la gouvernance, la transparence et la capacité à transformer les promesses en projets concrets. La présence à la foire, les annonces de partenariats, les rencontres B2B, ne garantissent pas automatiquement des investissements, des usines, des emplois, des transferts technologiques. Cela dépendra de la volonté politique, de la régulation, du cadre institutionnel, de la capacité des entreprises togolaises à saisir l’opportunité.

Enfin, il y a le risque d’une dépendance excessive à l’économie chinoise : tant pour l’importation de biens manufacturés que pour les investissements. À long terme, cela peut limiter la souveraineté économique, rendre le pays vulnérable aux fluctuations extérieures, et réduire l’espace de manœuvre pour développer des partenariats diversifiés.

Pourquoi est-ce important ?

La FIL 2025, avec la Chine comme invitée d’honneur, n’est pas qu’un salon commercial. Elle incarne un pari stratégique pour le Togo, et par extension pour l’Afrique de l’Ouest, sur la voie de l’industrialisation, de la montée en valeur, de la transformation économique. Si le Togo parvient à tirer parti des partenariats présentés, à décliner les coopérations en projets concrets, en usines, en transfert technologique, en chaînes de valeur, alors cette foire pourrait marquer le début d’une nouvelle ère.

Pour l’Afrique de l’Ouest, c’est un signal : un pays de taille modeste peut servir de plateforme régionale, s’ouvrir à des partenaires globaux, attirer des investissements, et espérer une transformation structurelle, à condition d’une vision, d’une gouvernance et d’un cadre économique cohérent.

La FIL 2025 peut ainsi contribuer à stimuler l’industrialisation endogène, la création d’emplois durables, la diversification des exportations, l’intégration régionale, la réduction de la dépendance aux matières premières. Elle peut devenir un moteur de développement, un catalyseur d’avenir.

Mais le pari n’est pas gagné. Son succès dépendra de la capacité des acteurs, gouvernement, entreprises, investisseurs, à concrétiser les promesses, à construire des projets solides, durables, mutuellement bénéfiques.

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