Femmes agricultrices du Togo : le poids du foncier, du climat et du crédit menace l’avenir de la production rurale

Les points clés :

  • Les femmes agricultrices togolaises exigent des contrats fonciers à moyen ou long terme, l’insécurité foncière actuelle les empêche d’investir dans la terre.

  • Entre instabilité des pluies, sécheresses et inondations, le changement climatique compromet les récoltes et fragilise les petits agriculteurs, sans filet de protection adapté.

  • L’absence d’un crédit agricole accessible, banques réticentes, micro-finances aux taux élevés, freine l’investissement et la capacité à moderniser la production, notamment chez les productrices à petite échelle.

Dans les champs, là où poussent les cultures vivrières, l’espoir de rentabilité à long terme se heurte souvent à la réalité brutale. Selon les témoignages de femmes agricultrices interrogées via le réseau national des femmes agricultrices du Togo (RENAFAT), le foncier, base même de l’agriculture, reste un sujet de profonde préoccupation. Les baux sont souvent conclu “par campagne”, c’est-à-dire saison après saison, sans sécurité sur plusieurs années. De ce fait, toute perspective d’investissement, en semences, en équipement, en préparation du sol, devient risquée, car l’incertitude plane sur la continuité de l’accès à la terre.

Cette insécurité foncière est aggravée par les effets du changement climatique. Des sécheresses imprévues, des pluies irrégulières ou des inondations bouleversent les calendriers agricoles, compromettant semis et récoltes. « La pluie vient quand elle veut, elle peut cesser quand elle veut », résume l’une des responsables de RENAFAT, évoquant la vulnérabilité désormais structurelle du secteur. Le caractère aléatoire des précipitations fait de l’agriculture un pari incertain, particulièrement pour celles et ceux qui vivent de petits lopins ou de cultures vivrières.

À cela s’ajoute la question cruciale du financement. Les institutions bancaires classiques, jugeant l’agriculture trop risquée, soumis aux aléas climatiques, aux fluctuations de rendement, refusent souvent de financer les petits agriculteurs. Le crédit agricole adapté, avec des taux raisonnables et des cycles alignés sur les saisons agricoles, n’existe pour ainsi dire pas. Les femmes, contraintes, se tournent vers les micro-finances, mais les taux d’intérêt élevés rendent l’opération coûteuse, risquée et parfois peu rentable.

Pourquoi ces défis sont-ils si déterminants pour le Togo ?

Le poids de l’agriculture dans l’économie togolaise est non négligeable. Une part importante de la population rurale dépend de l’agriculture de subsistance ou de production à petite échelle pour vivre, subvenir aux besoins de leur famille, et contribuer à la sécurité alimentaire du pays. Lorsque les conditions foncières, climatiques et financières ne sont pas réunies, c’est non seulement la productivité des exploitations qui souffre, mais aussi la stabilité économique des foyers, l’autonomie des femmes, et la résilience des systèmes ruraux.

Le manque de contrats sécurisés sur la terre a aussi un coût en termes d’investissement : peu ou pas de modernisation, peu de recours à des semences améliorées, peu d’entretien du sol, peu de possibilité d’innovation ou de diversification. Sur le long terme, cela limite la compétitivité de l’agriculture togolaise, sa capacité à produire au-delà du subsistance, à générer des excédents, à alimenter les marchés urbains ou à exporter.

Le changement climatique, s’il n’est pas appréhendé avec des politiques d’adaptation, irrigation, semences résistantes, diversification, assurances agricoles, accroît la vulnérabilité des agriculteurs, met en péril les récoltes, fragilise la sécurité alimentaire. Ce n’est pas seulement un problème local : c’est un enjeu national.

L’accès au crédit, enfin, conditionne la capacité à investir, à croître, à professionnaliser l’agriculture. Sans financement adapté, l’agriculture familiale, souvent portée par des femmes, reste marginale, informelle, vulnérable. Cela limite le développement rural, crée de la pauvreté, perpétue des cycles d’exploitation à faible rendement.

Un cri du cœur, et un appel à des politiques publiques ambitieuses

Les revendications des femmes agricultrices togolaises, relayées par RENAFAT, ne sont pas des doléances isolées, mais un appel à repenser profondément le modèle agricole national. Sécuriser le foncier par des contrats à moyen/long terme, créer des mécanismes de financement adaptés à l’agriculture familiale, développer des politiques d’adaptation au changement climatique, et promouvoir l’agriculture des femmes, voilà autant de chantiers qui pourraient transformer l’agriculture togolaise.

Une transformation agricole inclusive , qui donne aux femmes les moyens, la stabilité, la confiance pour investir, pourrait améliorer la production, la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et le développement rural. Elle pourrait aussi encourager les jeunes, réduire les migrations rurales-urbaines, et renforcer la résilience face aux chocs climatiques ou économiques.

Mais cela demandera de la volonté politique, des réformes foncières, des mécanismes de financement adaptés, des partenariats entre l’État, les institutions financières, les organisations paysannes, la société civile.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que les femmes agricultrices représentent un maillon essentiel de l’économie rurale togolaise, productrices, nourricières, mères, entrepreneuses. Ignorer leurs difficultés, c’est fragiliser tout un segment de l’agriculture, de la sécurité alimentaire, et de la cohésion sociale.

Parce que sans réformes foncières et financières, l’agriculture restera marginale, vulnérable, peu productive, ce qui limitera l’émergence d’un secteur agricole performant, moderne, capable de nourrir le pays, de contribuer aux exportations, de créer des emplois.

Parce qu’au moment où le changement climatique s’intensifie, où les défis environnementaux, démographiques et économiques se multiplient, il est urgent de bâtir une agriculture résiliente, inclusive, durable, ce qui passe par la sécurisation de la terre, l’accès au crédit, la protection des agriculteurs face aux aléas, et le soutien particulier aux femmes.

Ce n’est pas seulement une question rurale, c’est une question nationale, structurelle, de souveraineté alimentaire, de développement économique, de justice sociale.

Les doléances des femmes agricultrices togolaises sont un signal d’alarme et un appel à l’action. Le défi est lancé.

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