Afrique subsaharienne : la 5G va exploser
Les points clés :
Les abonnements 5G en Afrique subsaharienne passeront de 27 millions en 2025 à 400 millions en 2031, selon le plus récent Ericsson Mobility Report.
Contrairement à d’autres régions du monde, l’Afrique subsaharienne continuera aussi à voir croître ses abonnements 4G, de 490 millions en 2025 à 570 millions en 2031, selon les prévisions d’Ericsson.
Le volume total des données mobiles mensuelles dans la région devrait passer de 2,8 exaoctets à 10 exaoctets d’ici 2031, entraînant une transformation profonde des usages, de l’économie digitale, et des infrastructures.
L’Afrique subsaharienne est à l’aube d’une transformation technologique majeure. Le dernier rapport d’Ericsson, publié en novembre 2025, dessine un avenir dans lequel la 5G, encore marginale aujourd’hui, va connaître une croissance exponentielle, tandis que la 4G restera un pilier central des communications mobiles.
D’ici à 2031, les abonnements 5G dans la région devraient atteindre 400 millions, contre 27 millions en 2025, soit un taux de croissance moyen annuel de 57 %. Ce bond spectaculaire s’inscrit dans le cadre d’un rattrapage technologique, porté par des investissements dans les réseaux, une baisse progressive du coût des smartphones compatibles, et une demande croissante pour des services numériques plus exigeants (vidéo, streaming, services financiers, e-commerce, etc.).
Mais ce n’est pas tout : selon le rapport, l’Afrique subsaharienne sera la seule région au monde à enregistrer une croissance continue des abonnements 4G jusqu’en 2031, passant de 490 à 570 millions. Dans les autres régions, les abonnements 4G sont souvent en forte baisse, au profit de la 5G. Ce constat illustre un double mouvement : la montée de la 5G et la consolidation de la 4G comme standard de transition, un phénomène unique.
Dans le même temps, les réseaux hérités (3G, 2G) sont voués à un déclin rapide : les abonnements 3G doivent chuter d’environ 8 % par an pour atteindre 89 millions en 2031, tandis que la 2G déclinerait de 7 % par an pour arriver à 243 millions.
Au total, l’ensemble des abonnements mobiles (toutes générations confondues) devrait passer d’environ 1,05 milliard en 2025 à 1,31 milliard en 2031, croissance moyenne annuelle d’environ 4 %.
Explosion des usages : quand la donnée redéfinit l’économie
L’impact le plus spectaculaire de cette transition concerne les usages de données. Ericsson prévoit que le trafic mensuel moyen par smartphone dans la région passera de 5,3 Go en 2025 à environ 12 Go en 2031, soit un doublement, sous l’effet de l’essor de la 5G, de l’augmentation de l’adoption des smartphones, et de l’essor des contenus lourds (vidéo, streaming, cloud, etc.).
À l’échelle macro, le trafic mobile global, incluant smartphones, routeurs, tablettes, accès fixes sans fil (FWA), etc ; devrait passer de 2,8 exaoctets par mois en 2025 à 10 exaoctets en 2031. Une progression record, qui place l’Afrique subsaharienne comme la région à la plus forte croissance mondiale en matière de consommation de données.
Ce boom aura des conséquences majeures. D’abord, il favorisera l’émergence et la massification des services numériques : e-commerce, e-santé, e-éducation, fintech, contenus audiovisuels, cloud, télétravail, etc. L’accès large et abordable à la 5G peut devenir un levier de développement économique.
Ensuite, il accentuera la demande d’infrastructures robustes : data centers, backbones fibre, fibre-radio, antennes, densification du réseau, services fixes sans fil (FWA), etc. Ce qui ouvre un vaste chantier pour les opérateurs, les gouvernements, les investisseurs.
De plus, la montée en gamme de la connectivité pourrait favoriser l’intégration régionale, à travers le commerce numérique, les services transfrontaliers, les paiements électroniques, les plateformes régionales, et contribuer à une nouvelle ère d’interconnexion et de coopération au sein de l’Afrique de l’Ouest et plus largement dans le continent.
5G + 4G : un duo inédit pour l’Afrique
Le fait que la 4G continue de croître en parallèle de la 5G est un élément stratégique. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, la 4G reste une technologie mature, moins coûteuse, plus exploitée — et certains usages (voix, SMS, data basique, services légers) n’exigent pas la haute performance de la 5G. Deuxièmement, le coût des smartphones 5G et la couverture réseau 5G restent des obstacles à une adoption massive dans les zones rurales, périurbaines ou à faible revenu. Ainsi, la 4G constitue une “assurance d’accès” pour une large frange de la population.
Ce double usage, 4G + 5G, offre une trajectoire de transition réaliste : la 4G assure la continuité des services pour des millions d’usagers, tandis que la 5G monte progressivement pour absorber les besoins futurs en data, qualité, latence, bande passante.
C’est un modèle hybride, mais réaliste, qui correspond aux réalités économiques, géographiques, sociales de l’Afrique subsaharienne. Un modèle potentiellement plus stable, plus inclusif, et moins risqué qu’une “bascule 100 % 5G” trop brutale.
Conditions de succès et défis majeurs
Pour que cette projections deviennent réalité, plusieurs conditions devront être réunies. L’un des plus grands défis sera l’investissement massif dans les infrastructures : antennes, fibre, réseau dorsale (backhaul), data centers, énergie, maintenance. Ce chantier nécessite des capitaux substantiels, publics et privés, mais aussi un cadre réglementaire stable, des politiques incitatives, et une gouvernance transparente.
Le coût des appareils (smartphones 5G) et leur accessibilité pour les populations rurales ou modestes constitue un autre défi. Sans smartphones abordables, la 5G risque de rester concentrée dans les zones urbaines et pour les classes moyennes, ce qui creuserait la fracture numérique.
L’élargissement de la connectivité doit aussi s’accompagner d’un développement des services numériques : contenus locaux, éducation, santé, services publics, e-commerce, fintech, e-agriculture, etc. Sans services adaptés, la connexion seule risque de ne pas produire toute sa valeur.
Enfin, la question de l’inclusion sociétale et de la régulation, protection des données, vie privée, coût des forfaits, égalité d’accès, sera centrale. Les États africains devront mettre en place des politiques pour garantir que la révolution numérique profite à tous.
Pourquoi c’est un tournant crucial pour l’Afrique de l’Ouest et l’ensemble du continent
L’essor simultané de la 4G et de la 5G en Afrique subsaharienne, en particulier dans des pays d’Afrique de l’Ouest, constitue un tournant historique pour la région. Pour la première fois, l’infrastructure mobile pourrait atteindre une maturité suffisante pour soutenir des projets de développement ambitieux : digitalisation des administrations, e-santé, e-éducation, fintech inclusive, commerce numérique, entreprenariat digital, villes intelligentes, etc.
Cette transition pourrait contribuer à réduire la fracture numérique, à offrir de nouvelles opportunités à des millions de jeunes, à stimuler l’innovation, à favoriser l’inclusion financière et sociale, à dynamiser l’économie formelle et informelle.
Pour les États, c’est une chance de moderniser leurs économies, d’attirer des investissements, de diversifier les sources de revenus, et de structurer un écosystème numérique durable.
Pour le continent tout entier, cela ouvre la perspective d’une intégration numérique régionale, d’un renforcement des chaînes de valeurs africaines, d’un rattrapage technologique, et d’une autonomie accrue dans la transformation digitale.
En somme, les prévisions 2025–2031 d’Ericsson ne sont pas que des chiffres. Elles annoncent une révolution numérique qui, si bien conduite, pourrait transformer profondément les sociétés, les économies, les opportunités, et ouvrir un nouveau chapitre pour l’Afrique.