Biocarburants : une croissance mondiale freinée à 0,9 % par an alors que l’ère de l’électricité s’impose

Cette mutation appelle à repenser leurs infrastructures énergétiques (Crédit image : Verband Biofuels Schweiz)


Les points clés :

  • L’OCDE prévoit une croissance de seulement 0,9 % par an pour les biocarburants jusqu’en 2034, loin des taux historiques de progression.

  • Le boom de l’électrification des transports et l’essor des renouvelables réduisent la demande en carburants liquides, même dans les secteurs où les biocarburants avaient un avantage compétitif.

  • Dans un futur marqué par des déplacements d’usages, les carburants liquides continueront de jouer un rôle, surtout dans l’aviation, le transport lourd ou les producteurs pétroliers confrontés à l’évolution des marchés.


Depuis plusieurs décennies, les biocarburants ont tenu une place centrale dans la transition énergétique, vantés comme une voie renouvelable aux carburants fossiles classiques. Pourtant, les dernières projections de l’OCDE-FAO (Agricultural Outlook 2025-2034) montrent un net ralentissement estimé à 0,9 % de croissance annuelle globale pour les biocarburants, un chiffre bien en deçà des ambitions passées.

Ce déclin s’explique en grande partie par l’essor des énergies solaires et éoliennes et une transition vers des solutions plus directes et efficaces, notamment l’électrification des transports. Dans les pays à revenus élevés, cela se traduit par une stagnation ou une diminution nette de la demande de tout carburant liquide, renouvelable ou non. La directive RED III de l’Union européenne illustre cette tendance, en réduisant les objectifs de bioénergie au profit d’approches décarbonées alternatives.

Dans les transports lourds et l’aviation, le potentiel de croissance persiste un peu davantage. Aux États-Unis par exemple, les biocarburants à base de biomasse continuent d’y trouver une niche, malgré une concurrence de plus en plus forte des renouvelables. Toutefois, les coûts de production restent élevés, et leurs expansions sont freinées par des investissements massifs dans le solaire et les batteries.

Selon l’Agence internationale de l’Énergie (IEA), les carburants liquides devraient atteindre un plateau vers 105,5 millions de barils par jour vers 2030, avec une demande routière en forte baisse grâce à la montée des véhicules électriques (EV). Ceux-ci devraient remplacer jusqu’à 5,4 millions de barils/jour de carburant routier d’ici la fin de la décennie. Néanmoins, malgré ces changements, l’aviation, la pétrochimie et le transport maritime continueront à générer une demande significative en carburants liquides.

Cette transition suscite des réflexions profondes chez les pays producteurs de pétrole, dont l’économie pourrait être fragilisée dans les prochaines années s’ils ne diversifient pas leurs revenus. Le monde entame ce que l’IEA appelle l’« Age of Electricity », où l’électricité propre émerge comme la principale source d’énergie, même si le pic du pétrole reste incertain.

Pourquoi est-ce important ?

Le ralentissement de la croissance des biocarburants n’est pas seulement un indicateur technique, il dessine une nouvelle orientation stratégique pour les politiques publiques et l’économie mondiale. Dans un monde où l’électrification prend le pas, les investissements dans les biocarburants risquent de perdre leur efficacité environnementale et économique, à moins d’innover vers des carburants avancés ou durables.

Pour les économies africaines, souvent dépendantes des carburants liquides pour l’électricité, les transports lourds ou l’agriculture, cette mutation appelle à repenser leurs infrastructures énergétiques. Favoriser le solaire, renforcer les capacités de raffinage éthique ou investir dans les biocarburants avancés pourrait alors devenir une stratégie d’adaptation proactive.

Enfin, du côté des pays producteurs, cette décennie s’annonce décisive : diversifier l’économie, investir dans les chaînes de valeur énergétiques renouvelables, ou renforcer les capacités agricoles pour les biocarburants avancés, seront autant de leviers pour sécuriser la transition et éviter un risque de baisse durable des revenus pétroliers.

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