Sénégal et FMI : la dette cachée au cœur d’un nouveau pacte de réformes
Les points clés :
Une mission du FMI a révélé que le déficit budgétaire du Sénégal avait été sous-estimé de 5,6 points de PIB et que la dette publique atteignait désormais 99,7 % du PIB.
L’économie sénégalaise est restée résiliente en 2024, avec une croissance autour de 6 % et une inflation faible (~0,8 %), malgré un déficit de 11,7 % et une dette estimée à 105,7 % du PIB.
Le FMI conditionne toute reprise de programme à des réformes fortes : rationalisation des exonérations fiscales et suppression progressive des subventions énergétiques non ciblées.
Une mission du Fonds monétaire international (FMI), menée par Edward Gemayel, s’est rendu au Sénégal du 18 au 26 mars 2025 afin d'examiner les écarts révélés par un rapport de la Cour des comptes publié le 12 février. Ce rapport a mis en lumière des erreurs significatives dans les données budgétaires de 2019 à 2023. L’audit confirme que le déficit moyen a été revu à la hausse de 5,6 points de PIB, et que la dette publique de l’administration centrale est passée de 74,4 % à 99,7 % du PIB à fin 2023, un écart substantiel qui masque notamment des emprunts cachés équivalant à 25,3 points de PIB.
Malgré ce contexte, l’économie sénégalaise a montré une résilience notable en 2024. Avec un PIB réel en croissance d’environ 6 %, notamment soutenu par le secteur des hydrocarbures, et une inflation maintenue à 0,8 %, le pays a évité une crise immédiate. Toutefois, la facture demeure lourde : le déficit budgétaire s’établissait à 11,7 % du PIB, et la dette publique atteignait 105,7 % à la fin de l’année. Le ministère des finances confirme en outre une forte explosion des coûts de service de la dette : en augmentation de 44,5 % en fin 2024 à 822,3 milliards FCFA, et de 24 % supplémentaire au premier trimestre 2025, ces pressions financières compliquent considérablement l’équilibre budgétaire.
En réponse, le FMI souligne l’urgence de mesures correctrices fortes : il recommande la rationalisation des exonérations fiscales jugées inefficaces ainsi que la suppression progressive des subventions énergétiques coûteuses et non ciblées. Ces mesures doivent permettre de restaurer la crédibilité budgétaire et de renforcer les marges de manœuvre fiscales du Sénégal.
Les autorités sénégalaises ont déjà fait savoir leur intention de solliciter un nouveau programme d’appui du FMI. Le Fonds, pour sa part, se dit prêt à accompagner le pays dans l’élaboration d’un plan de réformes ambitieux, aligné avec la stratégie nationale de développement. Ces discussions ne pourront néanmoins débuter qu’après la mise en œuvre effective des premières mesures correctrices, et après examen par le Conseil d’administration du FMI.
Pourquoi est-ce important ?
Cette situation est un tournant dramatique mais également porteur d’opportunités pour le Sénégal et la sous-région. En exposant la dette véritable du pays, l’audit et la mission du FMI mettent en lumière des problèmes de transparence financière profondément structurels. Le signal adressé est clair : la gouvernance et la rigueur budgétaire sont des fondements indispensables pour récupérer la confiance des partenaires financiers.
Sur le plan macroéconomique, l'enjeu est de taille. Redresser les finances publiques est indispensable pour réduire la vulnérabilité du pays face aux chocs extérieurs, éviter des coûts d’emprunt prohibitifs et stabiliser le cadre économique. Cela permettra également de libérer des ressources pour financer les priorités de développement telles que l’éducation, les infrastructures ou la sécurité alimentaire.
Politiquement, ce scandale fiscal pourrait devenir un déclencheur pour une nouvelle ère de réforme. Le nouveau gouvernement, porté par une majorité assumée, bénéficie d’un espace politique favorable pour impulser une politique de rupture alliant transparence, efficacité de l’État et relance économique.
Régionalement, ce cas rappelle aux autres Etats ouest-africains les dangers du déficit caché et de la mauvaise gouvernance. Le suivi et l’exécution correcte des réformes pourraient servir de levier pour relancer la coopération régionale, notamment au sein de l’UEMOA, marquée par l’impératif de stabilisation budgétaire commune.
Au-delà, le redressement sénégalais pourrait offrir une feuille de route pour les économies émergentes : transparence financière, audits indépendants, réformes structurelles, et rétablissement de la confiance sont les conditions sine qua non d'une stabilité durable et d’un accès reconquis aux financements internationaux.