Le Ghana et Le Nigéria préparent un accord historique d’échange électricité contre gaz


Les points clés :

  • Ghana et Nigéria négocient un accord inédit de troc consistant à échanger du gaz contre de l’électricité lors de la Conférence sur l’énergie du futur.

  • Le Ghana dispose d’un surplus électrique qu’il exporte déjà vers plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, tandis que le Nigéria souffre toujours de déficits malgré ses ressources gazières abondantes.

  • Ce projet, s’il se concrétise, pourrait transformer l’intégration énergétique régionale, renforcer l’industrialisation et améliorer l’accès à l’électricité.


À l’occasion de la Conférence sur l’Énergie du Futur (FEC) organisée à Accra, le ministre ghanéen de l'Énergie et de la Transition verte, John Abdulai Jinapor, a révélé que des pourparlers étaient en cours avec le Nigéria pour un échange inédit de ressources énergétiques : le Ghana importerait du gaz naturel nigérian, le convertirait en électricité dans ses centrales, puis lui en renverrait une partie. « Nous discutons actuellement de la possibilité de mettre en place un accord de troc où nous prendrions leur gaz, le transformerions en électricité et reviendrions l’électricité au Nigéria dans un esprit de coopération ouest-africaine », a-t-il indiqué.

Ce mécanisme repose sur un constat clair : le Ghana exporte déjà de l’électricité à plusieurs voisins, le Togo, le Burkina Faso, le Bénin et la Côte d’Ivoire, bénéficiant d’un surplus grâce à son mix énergétique diversifié. De l’autre côté, le Nigéria, malgré ses immenses réserves gazières, voit près de 45 % de sa population mal desservie en électricité et continue de torcher une part considérable de son gaz faute d’infrastructures adéquates.

Au-delà d’un simple échange, cet accord se veut une réponse à des enjeux énergétiques fondamentaux : sécuriser l’approvisionnement, réduire le gaspillage du gaz par torchage, et palier les lacunes du réseau nigérian. Toutefois, la mise en œuvre exigera des investissements substantiels dans les infrastructures transfrontalières, une harmonisation réglementaire poussée, ainsi que des mécanismes clairs de tarification et de livraison.

Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large de coopération énergétique au sein de la CEDEAO. Il accompagnerait les efforts régionaux de consolidation du marché commun électrique, tout en devenant un puissant levier d’industrialisation régionale, de compétitivité économique et d’amélioration des conditions de vie pour des millions de ménages.

Par ailleurs, le Ghana poursuit activement la diversification de son mix énergétique. Il explore depuis plusieurs années l’énergie nucléaire civile : en 2024, il a signé un accord avec la société américaine Regnum Technology Group pour déployer un réacteur modulaire NuScale VOYGR-12, et il se positionne comme un hub de formation pour les SMR en Afrique. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté de garantir une base énergétique stable tout en soutenant ses ambitions exportatrices.

Pourquoi est-ce important ?

Cet accord de troc incarne une vision nouvelle de la coopération énergétique ouest-africaine. Elle met à profit les atouts complémentaires du Ghana et du Nigéria pour renforcer la souveraineté énergétique du sous-continent. Ghana, en tant que producteur d’électricité excédentaire, trouve ici une nouvelle source de valorisation pour ses capacités industrielles. Le Nigéria, quant à lui, sécurise son approvisionnement sans dépendre uniquement de son réseau national instable.

Au-delà, ce modèle peut être qualifié d’insurrection énergétique : il tire parti des asymétries industrielles entre États pour bâtir une architecture plus résiliente et plus intégrée. Il pousse les États à coopérer, incite aux investissements structurants et pourrait donner un coup d’accélérateur à l’industrialisation régionale, à la création d’emplois et à la transformation économique.

Sur le plan de la transition énergétique, ce mécanisme sert d’exemple pour promouvoir des solutions durables et efficientes, réduisant le torchage de gaz tout en améliorant l’alimentation électrique. Le projet nucléaire du Ghana s’inscrit harmonieusement dans cette trajectoire, en renforçant sa capacité de production baseload et en l’inscrivant dans une logique de long terme.

Ce modèle pourrait même inspirer d’autres partenariats similaires en Afrique, permettant de capitaliser sur les avantages comparatifs des nations voisines plutôt que de reproduire des schémas isolés et inefficaces.

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