Dernière valse d’Akinwumi Adesina à la BAD : nominations controversées à l’approche de la passation avec Sidi Ould Tah
Ce remaniement a été acté alors que le conseil d’administration était en congé (Crédit image : Afriquinfos)
Les points clés :
À un mois de son départ, Akinwumi Adesina multiplie les nominations de hauts cadres à la Banque africaine de développement, suscitant critiques et interrogations.
Plus de 22 responsables ont été promus, dont des cadres proches du président sortant, alors que le conseil d’administration est inactif.
Ce tour de passe-passe arrive à un moment délicat, alors que Sidi Ould Tah, élu à 76 %, entrera en fonction en septembre 2025, marquant une transition stratégique majeure.
À moins de trois mois de la fin officielle de son second mandat (fixée au 1er septembre 2025), Akinwumi Adesina, président sortant de la BAD, a orchestré une vague de promotions de 22 membres de l’organisation. Parmi eux figure son ancien directeur de cabinet Alex Mubiru, désormais responsable de la représentation pour l’Afrique australe. Ce remaniement a été acté alors que le conseil d’administration était en congé, ce qui alimente les accusations de gestion unilatérale illégitime. Plusieurs administrateurs, sous couvert d’anonymat, reprochent au financier nigérian de "décrédibiliser la banque" en refusant de passer le relais au nouveau président et de retarder la transmission des documents essentiels.
Dans ce contexte tendu, le Directeur département Genre, Jemmimah Njuki (Kenya), le Directeur TIC, Bahati Sanga (Tanzanie), ou encore Tom Mnoya Owiyo (Kenya) à la tête de l’Exécution du portefeuille, figurent parmi les principales figures promues. Une série de Country Managers ont également été installés dans une douzaine de pays, avec des profils variés, souvent perçus comme alignés sur l’ère Adesina.
Quand l’intérêt institutionnel et les logiques de transition s’entremêlent
Ces décisions interviennent à un moment charnière : la transition vers Sidi Ould Tah, élu le 29 mai 2025 avec une majorité écrasante de 76,18 % des voix au conseil de gouverneurs de la BAD. Economiste de premier plan, Tah incarne une nouvelle ère marquée par l’exécution, l’innovation et l’intégration des politiques opérationnelles (la "Doctrine Tah"), et il prendra officiellement les rênes le 1er septembre 2025.
Ce contexte révèle une tension entre deux logiques : d’un côté la vision de la continuité institutionnelle portée par Tah, renforcée par ses performances attendues face aux défis du financement international et aux coupes budgétaires (notamment celles des États-Unis), et de l’autre, une logique de pouvoir interne consolidé par Adesina, reflétée par cette série de nominations dans les derniers instants de son mandat.
Le prix de l’influence : stabilité ou controverse ?
Alors que certains saluent ces nominations comme une préparation stratégique pour assurer une certaine continuité dans les dossiers clé de la BAD, d’anciens administrateurs estiment plutôt qu’elles traduisent un empêchement à la passation, voire un risque de blocage opérationnel. Cette période de transition, d’habitude encadrée par les statuts, oppose deux visions : une vieille garde en fin de règne, face à un acteur montante censé impulser une BAD centrée sur l’efficacité et l’impact.
Pourquoi est-ce important ?
Le cas de la BAD est un baromètre institutionnel pour l’Afrique. Il met en lumière le défi de la gouvernance dans les organisations africaines : comment assurer une transition institutionnelle légitime, respectueuse de l’éthique et centrée sur le mandat public plutôt que sur les loyautés personnelles ?
Dans un contexte où la BAD joue un rôle central dans le funding continental, elle représente 318 milliards de dollars de capital et doit combler un déficit estimé à 400 milliards USD par an, la crédibilité institutionnelle est cruciale. Les choix pris par Adesina, s’ils sont mal perçus, risquent de affecter la confiance des États et des bailleurs vers un nouvel leadership.
Enfin, pour les peuples d’Afrique, ce type de crise dépasse l’épaisseur des rapports internes : c’est la capacité même à mener une transformation durable, construite sur la coopération technique, la transparence et l’efficacité, qui est en jeu. Si Tah installe une culture de résultats (son "Doctrin Tah"), il aura là l’occasion de redéployer la BAD comme moteur de la souveraineté financière africaine, sur la base d’une gouvernance renouvelée et respectueuse des principes multilatéraux.