Nigeria : la Banque centrale baisse son taux directeur à 27% pour soutenir la croissance
Les points clés
La Banque centrale du Nigeria (CBN) a réduit son taux directeur de 50 points de base à 27 %, la première baisse depuis 2020, dans un contexte de désinflation continue.
L’inflation, qui avait culminé autour de 31 % en 2024, s’est repliée à 20,1 % en août 2025, marquant un cinquième mois consécutif de baisse.
L’économie nigériane a enregistré une croissance de 4,23 % au deuxième trimestre 2025, la plus forte en quatre ans, soutenue par un rebond dans le secteur pétrolier et le dynamisme du secteur non pétrolier.
La décision de la CBN de baisser son taux directeur vient après une période prolongée de resserrement monétaire initié pour contenir l'inflation élevée et stabiliser la monnaie. Cette politique stricte a culminé en 2024 par des hausses successives. L’abaissement du taux à 27 % ce 23 septembre 2025 constitue la première détente monétaire depuis 2020, un geste symbolique pour soutenir la reprise économique.
Le gouverneur Olayemi Cardoso a motivé ce choix par une stabilisation observée des prix : l’inflation en glissement annuel est passée à 20,12 % en août 2025, après avoir atteint des niveaux record en 2024. Il a également souligné la nécessité de soutenir l’investissement, de relâcher un peu la pression sur les entreprises et de stimuler l’activité économique dans un environnement encore fragile.
Au plan macroéconomique, le Nigeria affiche des signes d’embellie. Son PIB a progressé de 4,23 % sur un an au T2 2025, soit le rythme le plus rapide en quatre ans, porté par un redressement de la production pétrolière (≈ 1,68 million de barils/jour) et une performance robuste du secteur non pétrolier (3,64 % de croissance) selon les données officielles. Les autorités prévoient une croissance annuelle de l’ordre de 4,17 % pour l’ensemble de 2025.
La reprise n’est pas exempte de tensions : le déficit budgétaire pourrait atteindre 4,7 % du PIB, tandis que le ratio de la dette publique s’établit autour de 52 % du PIB. Le Nigeria est également soumis à des risques externes : volatilité des prix du pétrole, conditions de financement mondiales serrées, pressions monétaires internationales, etc.
Enjeux, risques et contraintes
L’abaissement du taux directeur est une manœuvre délicate : la CBN doit ménager un équilibre entre la consolidation du repli inflationniste et le soutien à la reprise. Une coupe trop agressive risquerait d’infléchir les anticipations ou de relâcher la pression sur le naira, ce qui pourrait raviver les tensions inflationnistes.
De plus, l’institution monétaire doit tenir compte de la dynamique de liquidité interne : selon des sources, le taux de prêt interbancaire (overnight) a chuté de 100 points de base à 25,5 %, précisément parce que l’excès de liquidité dans le système pousse à une reconfiguration des taux courts. La CBN a également ajusté les bornes de sa fourchette de taux (standing lending facility et deposit facility).
Un autre défi structurel est l’ancrage durable des anticipations inflationnistes. Pour que cette détente soit crédible, la CBN devra démontrer qu’elle ne revient pas sur les principes de discipline monétaire. Les réformes structurelles, suppression progressive des subventions, réforme fiscale, contrôle du déficit, jouent un rôle fondamental dans cette crédibilité.
Enfin, le Nigeria doit composer avec sa vulnérabilité aux chocs externes. Une baisse soudaine du prix du pétrole, une hausse des taux mondiaux, ou une fuite de capitaux pourrait renverser la tendance favorable, forçant la CBN à recourir à de nouveaux resserrements.
Perspectives
Si la désinflation se confirme et que la dynamique de croissance se maintient, la CBN pourrait poursuivre un cycle de baisses progressives du taux directeur au cours de 2025-2026, selon certaines estimations (jusqu’à 700 points de base possibles selon certains analystes). Un tel chemin permettrait de stimuler l’investissement privé, de relâcher les contraintes de crédit et d’accompagner la croissance sans déclencher un regain inflationniste.
La performance du Nigeria pourrait aussi servir d’effet d’entraînement dans la sous-région ouest-africaine. Des banques centrales voisines pourraient envisager des ajustements prudents de leur politique monétaire si elles observent une stabilisation durable dans les grands marchés régionaux.
Cependant, tout dépendra de la capacité de l’État nigérian à consolider ses finances publiques, à garantir une gestion responsable de la dette, à diversifier les sources de revenus, et à maintenir la stabilité macroéconomique.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que ce geste de la CBN n’est pas simplement symbolique : c’est une tentative de repositionner la politique monétaire nigériane dans une phase plus accommodante après des années de conditions pénalisantes pour le secteur privé et l’investissement. Si elle est bien gérée, cette détente pourrait contribuer à relancer l’investissement, à alléger les coûts de financement, à restaurer la confiance des marchés et à favoriser la croissance inclusive.
Pour l’économie ouest-africaine, le Nigeria reste une locomotive régionale. Une reprise soutenue, accompagnée d’une politique monétaire crédible, pourrait renforcer l’intégration des marchés financiers, influencer les flux d’investissement, et créer un contexte de regain de confiance dans la région.
Enfin, dans un contexte mondial incertain, particulièrement pour les économies dépendantes des matières premières, la capacité d’un pays à manoeuvrer entre inflation, croissance et stabilité monétaire est un indicateur clé de résilience. Le Nigeria, par cette décision, montre sa volonté de s’adapter, mais le succès dépendra de sa ténacité dans les réformes structurelles, de sa discipline budgétaire et de sa capacité à absorber les chocs exogènes.