Coton au Togo : promesses non tenues d’OLAM, la colère monte chez les producteurs


Les points clés :

  • La production togolaise de coton-graine est en baisse : environ 60 403 tonnes récoltées en 2024-2025, soit une chute de près de 10 % comparée à la campagne précédente.

  • Les producteurs accusent Olam (actionnaire majoritaire de la NSCT) de mauvaise gestion, manque de transparence et rendements stagnants, malgré des investissements annoncés.

  • Des objectifs ambitieux sont fixés pour 2025-2026 (93 000 tonnes sur 110 000 hectares), mais le climat, les ravageurs et les difficultés d’intrants restent des obstacles majeurs.


Le coton, longtemps pilier de l’économie togolaise rurale, cristallise aujourd’hui querelles et déceptions. Depuis l’entrée d’OLAM en tant que principal actionnaire de la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) en 2020, beaucoup d’espoir s’est manifesté autour de la relance de la filière. La promesse d’augmenter la production, d’améliorer les rendements et de renforcer les revenus des producteurs a pourtant été contrebalancée par une série de résultats jugés insuffisants par les acteurs de terrain. Les producteurs, fédérés dans la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton (FNGPC), dénoncent des promesses non tenues, des chiffres qu’ils contestent, une gestion opaque et des conditions de travail de plus en plus difficiles dans un contexte climatique instable.

Rétrospective de la filière : production, rendements et objectifs

Les données officielles confirment une campagne 2023-2024 qui avait marqué un retour en force pour la filière : la production s’est élevée à 70 000 tonnes de coton-graine, sur environ 79 200 hectares, avec un rendement moyen de 815 kg/ha. Ces chiffres représentaient une hausse notable après plusieurs campagnes en recul. Par exemple, la campagne 2022-2023 avait produit environ 46 549 tonnes sur 66 017 hectares, avec un rendement autour de 705 kg/ha.

Cependant, la saison suivante (2024-2025) ne confirme pas cette amélioration de façon durable. Le bilan officiel indique une production de 60 403 tonnes avec un rendement moyen de 797 kg/ha, ce qui représente une baisse de près de 10 % en volume par rapport à la campagne 2023-2024, qui avait produit environ 67 000 tonnes. L’objectif fixé pour 2024-2025 était de 66 000 tonnes, ce qui n’a pas été atteint.

Ces variations montrent que les progrès sont fragiles, soumis aux aléas du climat, à la disponibilité des intrants et à la capacité des producteurs à mobiliser les ressources nécessaires.

Conflits, critiques et perceptions des producteurs

Depuis l’arrivée d’OLAM, les producteurs togolais expriment de plus en plus fortement leur mécontentement. L’une des principales sources de tension est l’écart perçu entre les rendements annoncés par la NSCT / OLAM et la réalité des champs. Le président de la FNGPC, Koussouwè Kouroufei, critique les chiffres que les producteurs considèrent comme gonflés ou peu transparents. Par exemple, il affirme que les rendements “officiels” sont parfois très supérieurs à ce que les producteurs observent, et met en cause des révisions successives des superficies emblavées et des rendements.

Les accusations vont au-delà des chiffres. Les producteurs dénoncent des retards dans la livraison des intrants (engrais, pesticides), des coûts élevés non compensés, l’imputabilité des coûts de production (travail, entretien, intrants) et le manque de partage des bénéfices. Certains parlent de “dette” mise sur la fédération ou sur les groupements, sans transparence sur son calcul.

Le contexte climatique pèse lourd. Sécheresses, sécheresses localisées, pluies irrégulières lors des semis, plus l’invasion de ravageurs comme les jassides, sont régulièrement mentionnés parmi les causes majeures des pertes. Comme dans beaucoup d’autres filières agricoles en Afrique de l’Ouest, les troubles climatiques aggravent la vulnérabilité d’une production déjà soumise à des marges étroites.

Promesses d’OLAM vs réalités terrain

Quand OLAM prend 51 % du capital de la NSCT, les ambitions annoncées sont fortes. L’entreprise vise à multiplier la production nationale “par 3,5 d’ici 2025”, dans un secteur jadis dynamique. L’objectif d’atteindre 135 000 tonnes de coton-graine avait été évoqué.

Mais jusqu’à aujourd’hui, ces objectifs ne sont pas atteints. Malgré la campagne 2023-2024 encourageante, les rendements restent en dessous des projections optimistes, et les producteurs estiment ne pas obtenir les bénéfices attendus. Le maintien d’un prix d’achat de coton-graine à 300 FCFA/kg, la fixation des prix des engrais (NPK, Urée) à des tarifs subventionnés dans certaines campagnes, montrent un effort de l’État, mais les retours perçus par les producteurs restent mitigés.

Des objectifs pour la prochaine saison sont affichés : la campagne 2025-2026 vise une production de 93 000 tonnes, avec 110 000 hectares emblavés. Pour y parvenir, les acteurs parlent d’améliorer les pratiques culturales, renforcer l’encadrement technique (proximité), atténuer les effets des aléas climatiques et garantir l’accès aux intrants.

Analyse des causes : structurelles, climatiques, organisationnelles

La baisse observée malgré des surfaces emblavées importantes montre que le simple étalement des surfaces ne garantit pas l’augmentation de la production. Le rendement à l’hectare reste l’élément critique. Le rendement de ~797 kg/ha en 2024-2025 montre une légère réduction par rapport à la campagne précédente, et reste jugé insuffisant par les producteurs.

Les intrants jouent un rôle clé. Des retards ou des insuffisances dans la fourniture d’engrais et pesticides sont régulièrement évoqués. Certains producteurs se plaignent de coûts d’intrants non compensés, d’importations coûteuses ou de problèmes logistiques. L’amélioration des pratiques culturales, le semis précoce, la lutte contre les ravageurs sont fréquemment proposés comme remèdes.

Le climat demeure un facteur exogène significatif. Les sécheresses au Sud lors des semis, la variabilité des pluies, des stress hydriques surtout dans les régions moins arrosées ou mal équipées, affaiblissent les rendements. Les campagnes récentes montrent que même avec de bonnes surfaces, les résultats peuvent être perturbés par ces aléas.

Le management, la transparence, la gouvernance sont également mis en cause. L’implication des producteurs dans les décisions, la fiabilité des chiffres officiels, la répartition équitable des revenus, la clarification des dettes ou charges imputées aux producteurs, tout cela figure parmi les revendications de la Fédération.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que le coton n’est pas seulement une culture parmi d’autres pour le Togo, mais un élément central de la sécurité économique, sociale et rurale. Il constitue un levier de revenus pour des centaines de milliers de producteurs, permet de soutenir l’économie des régions rurales, contribue à la transformation locale, à l’emploi, et à l’équilibre des échanges commerciaux.

Dans le contexte ouest-africain, les dynamiques sur le coton sont observées de près. Des pays comme le Bénin, le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire aussi cherchent à renforcer leur filière, à améliorer les rendements, et à capter plus de valeur ajoutée localement. Si le Togo, avec un partenaire tel qu’OLAM, ne parvient pas à tenir ses promesses, cela pourrait décourager les investissements ou renforcer la méfiance des producteurs vis-à-vis des partenariats public-privé.

Les enjeux climatiques, eux, ne concernent pas que le Togo : sécheresses, ravageurs ou pluies irrégulières sont des réalités ouest-africaines. La résilience de la filière exige non seulement une meilleure gestion, mais aussi une adaptation technologique, des mécanismes de soutien, une recherche agronomique renforcée. Cela pose la question de la souveraineté alimentaire et de la réduction des importations, surtout dans les produits dépendants du coton (textiles, etc.).

Enfin, la crédibilité des engagements des entreprises investissant dans les filières agricoles est mise à l’épreuve. Si les entreprises ne parviennent pas à démontrer transparence, partenariats équitables et gains tangibles pour les producteurs, cela risque de refroidir les partenariats futurs. Le Togo, en fixant des objectifs ambitieux pour 2025-2026, se donne des repères. Le succès ou l’échec de ces campagnes servira d'exemple pour la région.

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