Dangote passe à l’offensive : 300 000 barils d’essence en route vers les États-Unis, une première
Les points clés :
La méga-raffinerie Dangote a expédié sa première cargaison d’essence, 300 000 barils, vers la côte Est des États-Unis.
La capacité de production est de 650 000 barils par jour, positionnant le Nigeria comme exportateur global de produits pétroliers finis.
Des dérivés avaient déjà été expédiés vers le Moyen-Orient et Singapour, confirmant l’entrée de Dangote sur les marchés internationaux.
Lorsque le tanker Gemini Pearl a quitté la jetée de la raffinerie Dangote près de Lagos le 26 août, chargé d’environ 300 000 barils d’essence, il marquait un tournant stratégique. C’est la première fois que le Nigeria exporte directement du carburant raffiné vers les États-Unis, selon des données de Kpler, via le média The Guardian. Destination : la côte Est américaine, avec une possible arrivée à New York ou dans le New Jersey.
Cette opération intervient moins d’un an après l’ouverture officielle de la raffinerie, en mai 2023, conçue pour traiter 650 000 barils par jour, ce qui en fait la plus grande raffinerie « single-train » du monde. Elle transforme désormais le Nigeria de traditionnel importateur de produits pétroliers finis en un acteur solide de l’exportation.
Cette première expédition vers les États-Unis s’inscrit dans une série de mouvements globalisés. En effet, Dangote a déjà envoyé trois cargaisons LR2, deux vers le Golfe moyen-oriental et une vers Singapour. Ces actions interviennent dans un contexte favorable : les prix de l’essence sur la côte atlantique américaine augmentent, les stocks sont bas, créant des opportunités d’arbitrage.
À l’échelle mondiale, cette entrée sur le marché triangulaire intervient à un moment où de nombreuses raffineries européennes réduisent leurs capacités en raison des coûts environnementaux croissants, tandis que des concurrents asiatiques et moyen-orientaux continuent de moderniser leurs installations. Dangote y trouve un avantage : une géolocalisation stratégique sur l’Atlantique, entre deux hémisphères économiques.
Cependant, des défis techniques subsistent. Fin août, l’unité de conversion de la raffinerie (RFCCU) a connu une panne due à des fuites de catalyseur, nécessitant une mise à l’arrêt de deux semaines au minimum. Cette indisponibilité a raccourci sa capacité de production, alors même que l’unité avait déjà été contrainte à des réductions de rendement depuis mai.
Parallèlement, la raffinerie diversifie ses sources d’approvisionnement. En août, elle a importé pour la première fois du brut ghanéen (Sankofa), tout en approchant un taux de fonctionnement de 70%, soit environ 610 000 barils par jour.
Pourquoi est-ce important ?
Cette première expédition vers les États-Unis constitue plus qu’un jalon symbolique. Elle traduit la maturité industrielle du groupe Dangote et sa capacité à peser dans la réorganisation de la géopolitique énergétique mondiale. En assumant son statut d’exportateur, le Nigeria réduit sa dépendance à l’égard de ses voisins ou de l’importation de carburants transformés.
Dans le contexte africain, cette affirmation industrielle est une source d’inspiration : une raffinerie locale de grande échelle, d’abord conçue pour répondre au besoin national, qui s’érige en scénario d’autosuffisance et de surplus exportable. Cela crée potentiellement des emplois, booste les devises, et transforme le pays en un hub énergétique continental.
Le timing est aussi savamment choisi. Les dislocations du marché mondial, maintenance des raffineries au Moyen-Orient, ralentissements européens, ouvrent des débouchés à long terme. Dangote pourrait se positionner comme fournisseur alternatif agile, à condition de stabiliser ses installations techniques.
Enfin, au niveau politique et financier, cette montée d’ambition peut encourager la confiance des investisseurs internationaux, susciter des partenariats technologiques, et repositionner l’Afrique de l’Ouest sur la carte énergétique globale.