Réformes fiscales au Togo : une décennie de mutation portée par l’OTR


Les trois points clés

  • En dix ans, l’OTR a modernisé et digitalisé la fiscalité togolaise, faisant du pays un modèle en Afrique de l’Ouest.

  • Les recettes fiscales sont passées de 458 milliards FCFA en 2014 à plus de 1 098 milliards FCFA en 2024, malgré la pandémie.

  • Les réformes portent sur la digitalisation, l’élargissement de l’assiette fiscale, la lutte contre la fraude et la professionnalisation des agents.


En Afrique de l’Ouest, la modernisation des systèmes fiscaux est devenue une priorité pour accroître les ressources internes et réduire la dépendance à l’aide extérieure. Depuis sa création en 2014, l’Office Togolais des Recettes (OTR) s’impose comme un acteur central de cette dynamique, positionnant le Togo comme l’un des pays pionniers de la réforme fiscale dans la région.

Une réforme institutionnelle structurante

Né de la fusion des administrations fiscales et douanières, l’OTR a été conçu sur le modèle rwandais pour optimiser, professionnaliser et moderniser la collecte des recettes. Dès ses premières années, l’institution a mis en place des innovations majeures telles que les guichets fiscaux uniques, l’instauration d’un identifiant fiscal unique et la simplification de l’assiette fiscale. Ces mesures ont allégé les charges de conformité pour les contribuables tout en renforçant la capacité de suivi et de mobilisation des recettes.

Une digitalisation progressive

La digitalisation constitue l’un des piliers des réformes. Dès 2016, la plateforme e-impôt a permis aux entreprises de déclarer et de payer leurs impôts en ligne. Cette avancée a ensuite été étendue aux services douaniers, simplifiant les procédures d’importation et d’exportation. En 2023, l’OTR a franchi une nouvelle étape avec le lancement d’une application mobile dédiée à la taxe sur les véhicules à moteur (TVM) et à la gestion électronique des timbres fiscaux. En facilitant l’accès aux services, ces outils numériques ont élargi l’audience de l’OTR aux petits contribuables et aux zones rurales.

Des performances financières notables

Les résultats chiffrés confirment l’efficacité des réformes. En dix ans, les recettes de l’OTR sont passées de 458 milliards FCFA en 2014 à 1 098 milliards FCFA en 2024, soit une progression de plus de 139 %. Même en période de pandémie, la dynamique a été maintenue : en 2023, l’institution a mobilisé 990 milliards FCFA, atteignant 98 % de ses objectifs. En 2024, le seuil symbolique du trillion a été franchi, et les projections pour 2025 visent 1 208,3 milliards FCFA. L’augmentation des recettes domestiques et douanières s’explique notamment par une meilleure maîtrise des exonérations et une réduction des fraudes transfrontalières.

Lutte contre la fraude et élargissement de l’assiette fiscale

Au-delà des performances, l’OTR s’est attaché à élargir la base des contribuables en s’attaquant à l’économie informelle et en intégrant progressivement les activités numériques, comme le commerce en ligne ou le travail indépendant. Le contrôle renforcé des exonérations a permis de limiter les pertes fiscales. Entre 2014 et 2023, le nombre de contribuables recensés est passé de 23 000 à plus de 59 000, soit une multiplication par deux et demie. Ces efforts ont été accompagnés de campagnes de sensibilisation et d’un recours accru aux technologies de data mining pour détecter les anomalies et lutter contre la fraude.

Capital humain et partenariats institutionnels

La professionnalisation des agents a constitué une autre priorité. Avec la création de l’Institut de Formation Fiscale et Douanière (IFFD), l’OTR a misé sur la formation continue, tout en ouvrant ses portes aux fonctionnaires d’autres pays de la région. Cette initiative a transformé le Togo en pôle régional de compétence fiscale. L’OTR s’illustre également par sa participation active à des instances internationales et régionales telles que l’ATAF, l’OCDE-UA ou encore l’UEMOA et la CEDEAO, notamment autour des questions de fiscalité numérique et transfrontalière.

Impacts économiques et perspectives régionales

Aujourd’hui, les recettes mobilisées par l’OTR financent une part importante du développement national. Elles soutiennent la construction d’infrastructures, l’élargissement de la couverture santé universelle et les programmes de transition énergétique. Les recettes fiscales représentent désormais près de la moitié du budget national, un niveau inédit dans l’histoire du pays. L’expérience togolaise inspire déjà ses voisins : le Sénégal, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ont adopté certaines innovations du modèle togolais, notamment en matière de digitalisation et d’organisation institutionnelle.

Enjeux et perspectives

Malgré ces avancées, des défis subsistent. L’intégration fiscale des secteurs émergents de l’économie numérique, la garantie d’une plus grande équité pour ne pas pénaliser les PME et la transparence dans l’utilisation des recettes publiques figurent parmi les priorités. De plus, l’impôt foncier et municipal demeure sous-exploité, alors qu’il pourrait devenir une ressource essentielle pour renforcer la décentralisation et financer les collectivités locales.

Pourquoi c’est important ?

L’expérience de l’OTR illustre comment une réforme institutionnelle ambitieuse et une stratégie axée sur la digitalisation peuvent transformer un système fiscal en dix ans. En augmentant les recettes et en élargissant la base contributive, le Togo a renforcé sa souveraineté financière et réduit sa dépendance à l’aide extérieure. Au-delà du cas togolais, cette évolution offre un modèle pour l’Afrique de l’Ouest, où de nombreux pays cherchent à moderniser leurs administrations fiscales et à mieux financer leur développement. L’OTR démontre que la réforme fiscale, lorsqu’elle est bien pensée et soutenue, peut devenir un véritable levier de croissance économique et de gouvernance publique.

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