Sénégal – Dette publique record de 23 273 milliards FCFA : le fardeau invisible qui alourdit l’économie

Un montant record


Les points clés :

  • Le Sénégal affiche une dette publique record de 23 273 milliards FCFA à fin 2024.

  • Plus de 70 % de cette dette est libellée en devises étrangères, exposant le pays à un risque de change élevé.

  • Le service de la dette a bondi de 24 % au premier trimestre 2025, pesant lourdement sur les finances publiques.


Un voile s’est levé sur l’ampleur réelle de l’endettement du Sénégal. Longtemps chiffrées de manière contradictoire, les données ont été clarifiées dans le dernier Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DPBEP) 2026‑2028 : la dette de l’administration centrale a atteint 23 273,4 milliards FCFA à fin 2024, soit une progression fulgurante de 27,2 % en un an. Cette révision, justifiée par l’intégration de la dette bancaire jusque-là occultée, clôt un long débat entamé entre les chiffres annoncés par l’ancien Premier ministre Ousmane Sonko et ceux de l’ère précédente.

Une dette dominée par les devises et la dette externe

Le profil de la dette dévoile une structure inquiétante : près de 71 % est libellée en devises étrangères, principalement en euros, tandis que seulement 29 % reste en FCFA. Cette prédominance du hors-zone franc expose le Sénégal à une vulnérabilité accrue face aux fluctuations monétaires, même si l’euro offre une moindre volatilité . Par ailleurs, près de 99 % de la dette bénéficie de maturités moyennes à longues, réduisant les risques de refinancement à court terme, mais la situation reste fragile au regard du contexte international et des notes souveraines affaiblies .

Le service de la dette, crève-coeur budgétaire

Plus préoccupant encore, le poids du service de la dette dans les finances publiques ne cesse d’augmenter. Au premier trimestre 2025, près de 225,24 milliards FCFA ont été mobilisés pour rembourser intérêts et principal, soit 24,16 % des prévisions de la Loi de Finances initiale. Cette hausse représente un bond de 24 % en un an, conséquence directe de l’augmentation simultanée des dettes intérieures et extérieures.

Déséquilibre croissant entre recettes et dépenses

Le déséquilibre budgétaire se manifeste également dans un décalage frappant entre recettes et dépenses. Sur le premier trimestre 2025, les recettes internes se sont élevées à 1 027,82 milliards FCFA (21,44 % de l’objectif annuel), tandis que les dépenses ont atteint 1 419,45 milliards FCFA, générant un déficit préoccupant. La chute des subventions extérieures (‑71 %) accentue cette pression et fragilise davantage le budget public.

Contexte global : note B abaissée et programme FMI suspendu

Les révélations d’un audit commandité en 2024 avaient déjà provoqué un séisme : la dette, jusque-là masquée, s’élevait à près de 100 % du PIB, contre environ 75 % précédemment annoncé. En conséquence, le FMI a suspendu son programme, tandis que Moody’s a abaissé la note souveraine à B, restreignant l’accès aux marchés. Reuters rapportait qu’une nouvelle assistance du FMI était suspendue à la validation des réformes, notamment la suppression d’avantages fiscaux et subventions énergétiques.

Pourquoi est-ce important ?

La dette massive du Sénégal représente un défi majeur non seulement pour l’économie nationale, mais pour l’ensemble de l'Afrique de l’Ouest. La dépendance aux devises expose tous les États de l’UEMOA à des chocs extérieurs. Un renforcement des marchés domestiques est donc essentiel : l’émission de bons souverains en FCFA, le recours aux investisseurs locaux, et la désinflation de la dette étrangère sont autant de leviers à actionner pour construire une finance plus souveraine.

Sur le plan régional, le cas sénégalais interpelle : tout manquement de transparence impacte la confiance des bailleurs et complique la mutualisation des ressources à travers la ZLECAf ou la BDCEAO. Les efforts de réforme, notamment la rationalisation des subventions et la restructuration de la dette, doivent s’inscrire dans une perspective durable, sinon risquer de pénaliser l’appétence des investisseurs étrangers et freiner l’élan économique qui caractérise l’Afrique de l’Ouest.

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