Nigéria : un emprunt colossal de 21,5 milliards $ pour revitaliser les infrastructures

Ce choix s’inscrit dans le cadre du Budget 2025‑2026 (Crédit image : Republic Of Togo)


Les points clés :

  • Le Sénat nigérian a validé le plan d’emprunt extérieur global de 21,5 milliards $ pour le budget 2025‑2026.

  • Une obligation domestique de 757 milliards nairas (~490 millions $) est autorisée pour solder les arriérés de pensions CPS.

  • Inclut aussi une levée de 2 milliards $ en monnaie étrangère sur le marché local, une pratique innovante conforme aux réformes.


Le 22 juillet 2025 restera une date charnière dans l'histoire économique récente du Nigéria. Le Sénat fédéral a officiellement approuvé un ambitieux plan d’emprunt de 21,5 milliards $, proposé par le président Bola Tinubu pour financer une vaste palette de projets structurants sur plusieurs années. Ce choix s’inscrit dans le cadre du Budget 2025‑2026, validé dans le Medium Term Expenditure Framework (MTEF), déjà intégré dans les grands axes budgétaires du pays.

L'approvisionnement en financement extérieur comprend une composante représentée par 4 milliards €, 15 milliards de yens japonais et une subvention de 65 millions €, soulignant la diversité des sources et le positionnement géopolitique dans le montage de ce dossier. On y retrouve aussi des prêts concessionnels aux durées allant de 20 à 35 ans, couverts légalement par le Fiscal Responsibility Act et le Debt Management Act.

Une attention particulière est accordée aux projets prioritaires. Parmi eux figure la réhabilitation du corridor ferroviaire oriental, avec une allocation de 3 milliards $ pour relancer la ligne Port Harcourt–Maiduguri, longtemps en sommeil. Le plan inclut également l’alimentation électrique, l’eau potable, la santé, l’éducation et l’agriculture.

Le Sénat a également validé l’émission d’une obligation domestique de 757 milliards nairas visant à solder les pensions non payées dans le cadre du régime contributif (CPS) jusqu’en décembre 2023. Une autre initiative innovante autorise la levée de 2 milliards $ sur le marché local sous forme d’instrument en devises, une première qui pourrait contribuer à attirer l’épargne locale en devises et limiter les pressions sur les réserves de change.

Si plusieurs sénateurs, comme Sani Musa ou Adetokunbo Abiru, ont défendu ces emprunts comme conformes aux standards internationaux, d'autres, tels que Abdul Ningi, ont exprimé des réserves sur l’absence de transparence quant à l’allocation et au mécanisme de remboursement. Ces débats publics soulignent la tension entre urgence de financement et exigence de bonne gouvernance.

Paradoxalement, ce plan d’emprunt intervient alors que le Nigéria a déjà vu sa dette publique franchir la barre des 121 000 milliards nairas (≅ 150 milliards $) en mars 2025, avec un ratio de service de la dette excédant 90 % des recettes fédérales. À cela s’ajoute le ralentissement du prêt garanti par Aramco, d’une valeur de 5 milliards $, rendu compliqué par la baisse des cours du pétrole.

Face à cette situation, la stratégie du gouvernement repose sur un effet multiplicateur : les investissements massifs devraient stimuler la croissance, créer des emplois et améliorer les services publics, tout en soutenant les réformes engagées depuis 2023, notamment la fin des subventions sur le carburant et la dévaluation du naira.

Pourquoi est‑ce important ?

Ce tournant budgétaire incarne une problématique centrale pour l’Afrique de l’Ouest : comment concilier la nécessité de financer des infrastructures vitales avec la maîtrise du risque de surendettement. Le Nigéria, géant démographique et économique, entend transformer ces emprunts en un moteur régional puissant.

Si ces financements sont mobilisés efficacement, ils peuvent propulser une réindustrialisation, améliorer les connexions logistiques (notamment ferroviaires) et renforcer les capitaux humains dans les zones rurales et urbaines. Pour les pays voisins, ce serait un signal d’opportunité : des projets partagés, des échanges accrus, une compétition régionale plus structurée.

A contrario, si l’emprunt n’est pas accompagné d’une gouvernance rigoureuse, ce plan pourrait nourrir un cercle vicieux de dette publique excessive, grevant les budgets futurs au bénéfice du service de la dette. La réussite repose donc sur deux conditions : gestion transparente des fonds et transformation tangible des secteurs prioritaires.

Cette dynamique s’inscrit dans la logique de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf) : un Nigéria mieux connecté et plus productif sert de pivot à une intégration sous-régionale plus inclusive et durable.

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