Sénégal–Mauritanie : pour le bien du commerce, plus de frais de charge à la frontière de Rosso
Cet accord marque une étape politique et économique majeure (Crédit image : Afrimag)
Les points clés :
Le 11 juillet 2025 marque la fin de la rupture de charge à Rosso, simplifiant drastiquement le transport routier entre Sénégal et Mauritanie.
L'exploitation du géant gazier transfrontalier Greater Tortue Ahmeyim promet d’alimenter la croissance régionale via un potentiel de 2,5 Mt/an dès 2025.
L’enjeu du jour : fluidifier les corridors commerciaux et intégrer le gaz dans une stratégie de développement conjoint pour booster l’économie ouest-africaine.
À Rosso, sur la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, le rideau est définitivement tombé sur des années de contraintes logistiques. Jusqu’à présent, chaque camion était contraint de décharger sa marchandise avant de la recharger, une rupture de charge contraignante qui alourdissait les coûts de 15 à 30 %, générait des retards et compliquait la traçabilité des flux. Le 11 juillet 2025, les ministres en charge des transports, Yankhoba Diémé pour le Sénégal et Ely Ould Veirik pour la Mauritanie, ont signé une convention à Rosso afin de supprimer cette obligation et augmenter la fluidité des échanges. Leur engagement est soutenu par un comité mixte réunissant douanes, transporteurs, chargeurs et collectivités, garant de sa bonne application.
Cette avancée logistique s’inscrit dans une dynamique régionale d’intégration renforcée. Depuis janvier 2025, un accord sur la libre circulation des citoyens, signé par les Premiers ministres Ousmane Sonko et Mokhtar Diaye, avait amorcé la convergence entre les deux pays.
Greater Tortue Ahmeyim : gaz et croissance, une manne transfrontalière
En parallèle, le champ gazier Greater Tortue Ahmeyim (GTA) entre dans une phase décisive. Exploitée conjointement par BP, Kosmos Energy, Petrosen et SMHPM, l’infrastructure offshore en phase 1 prévoit une production de 2,5 Mt d’un gaz liquéfié (LNG) dès 2025, avec une ambition de 10 Mt/an à terme. Le projet capitalise sur des réserves estimées entre 25 et 50 trillions de pieds cubes (≈ 700 à 1 400 milliards de m³) .
Repères économiques :
2,5 Mt/an = ± 570 MUSD de revenus en 2025 pour la région.
Réserves totales estimées entre 1 400 milliards de m³ dans un bloc partagé.
Projet prévu pour générer 30 à 50 ans de revenus durables .
Ce gaz transfrontalier ouvre une synergie politique et économique : le Sénégal renforce son statut de nation "frontier", tandis que la Mauritanie, disposant d’un marché moins diversifié, pourrait connaître une percée structurelle dans son PIB. Le projet GTA est validé comme « projet national stratégique » depuis 2021, soulignant son rôle central dans l’attractivité régionale.
Une stratégie intégrée pour un corridor durable
La convergence entre la libération du corridor routier et l’avènement du gaz offshore n’est pas un hasard. Le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et le Maroc visent la connexion Dakar–Nouakchott–Casablanca–Bamako, un axe clé pour dynamiser le commerce intra-africain dans le cadre de la ZLECAF. L’élimination de la rupture de charge booste l’efficacité opérationnelle, réduit les coûts logistiques et installe un corridor protégé et traçable.
Ce cadre s'inscrit aussi dans une politique panafricaine de souveraineté énergétique et de création d’un pôle stratégique d’exportation de LNG vers l’Europe ou l’Afrique du Nord. Il permet l’alignement des infrastructures physiques (routes, ports, pipelines) avec les ambitions énergétiques.
Pourquoi est-ce important ?
Cet accord marque une étape politique et économique majeure. Il transforme une frontière redoutée en relais territorial fluide, favorisant l’essor du commerce régional, la baisse des coûts et l’accélération des exportations. L’exploitation du GTA offre aux économies voisines une ressource stratégique pour diversifier leur modèle économique et renforcer leur résilience financière.
Pour l’économie ouest-africaine, c’est un signe fort : les pays de la CEDEAO montrent leur capacité à traduire des accords politiques en gain concret pour les citoyens. Les États tirent parti ensemble d’un projet énergétique partagé qui crée des opportunités de création d’emplois, de recettes fiscales et d’investissements. Le corridor modernisé consolide la ZLECAF, stimulera la chaîne logistique régionale et favorisera des effets de diffusion vers le Mali et le Burkina Faso.
Du nord au sud de l’espace CEDEAO, cette alliance portuaire, énergétique et économique incarne une illustration concrète de coopération sud-sud réussie, alignée avec les objectifs d’intégration régionale et de développement durable.