L’intelligence artificielle : outil d’influence de la démocratie en Afrique de l’Ouest ?
Crédit image : ChatGPT studio générative
Les points clés :
L’IA est à la fois un levier d’amélioration des processus électoraux et un outil de manipulation politique.
Les campagnes de désinformation alimentées par l’IA ont quadruplé en Afrique depuis 2022, avec l’Afrique de l’Ouest en première ligne.
Des initiatives locales émergent pour encadrer l’usage de l’IA, mais une stratégie régionale concertée reste à construire.
L’IA, nouvel acteur du théâtre politique ouest-africain
En avril 2025, le Centre pour la Démocratie et le Développement (CDD-West Africa) publiait un rapport révélateur : Artificial Intelligence (AI) and Democratic Stability in West Africa : A Game-Changer or a Passing Disruption? . Ce document souligne l’ambivalence de l’IA dans la région : outil de modernisation démocratique d’une part, facteur de déstabilisation d’autre part.
Le Ghana, souvent cité en exemple pour ses transitions pacifiques, a intégré l’IA dans son processus électoral de 2024 via l’application « I Vote », visant à informer les électeurs et réduire les cas de privation de vote . Cependant, cette même élection a été entachée par des deepfakes et des campagnes de désinformation, mettant en lumière les risques associés à l’IA.
L’ombre grandissante des campagnes de désinformation
Le Centre africain des études stratégiques (ACSS) rapporte une explosion des campagnes de désinformation en Afrique, passant de 47 en 2022 à 189 en 2024, soit une multiplication par quatre . L’Afrique de l’Ouest concentre 43 % de ces campagnes, souvent orchestrées depuis l’étranger par des acteurs étatiques comme la Russie, la Chine ou certains États du Golfe.
Au Burkina Faso, des comptes pro-junte se sont révélés être des créations algorithmiques, illustrant l’utilisation de l’IA pour manipuler l’opinion publique. Ces actions visent à discréditer des institutions comme la CEDEAO, en les présentant comme influencées par des puissances occidentales.
Des initiatives locales pour encadrer l’usage de l’IA
Face à ces défis, plusieurs pays ouest-africains ont commencé à élaborer des stratégies nationales en matière d’IA, s’inspirant des recommandations de l’UNESCO sur l’éthique de l’intelligence artificielle . Le Bénin, le Ghana, le Nigeria et le Sénégal ont ainsi intégré des principes éthiques dans leurs politiques, mettant l’accent sur la transparence, la protection des données et le développement de compétences locales.
Au Ghana, la coalition Ghana Fact-checking Coalition, composée de plusieurs organisations, a déployé des outils d’IA pour détecter et contrer la désinformation lors des élections de 2024 . Cette initiative a permis de sensibiliser la population et de renforcer la confiance dans le processus électoral.
Pourquoi est-ce important ?
L’intégration de l’IA dans les processus démocratiques en Afrique de l’Ouest représente une opportunité majeure pour renforcer la transparence et l’efficacité des institutions. Cependant, sans une régulation adéquate et une coopération régionale, l’IA peut devenir un vecteur de déstabilisation, exacerbant les tensions politiques et sociales.
Pour préserver la stabilité démocratique et favoriser le développement économique, il est crucial que les pays ouest-africains collaborent pour établir des normes communes en matière d’IA, investissent dans l’éducation numérique et renforcent les capacités locales. Seule une approche concertée permettra de tirer pleinement parti des avantages de l’IA tout en minimisant ses risques.