Sénégal : quand Qnet révèle les dangers des pyramides financières en Afrique
Les points clés :
Les autorités sénégalaises libèrent 45 victimes retenues dans un faux centre de formation de Qnet à Mbour.
Qnet est accusé de monter des dossiers d’escroquerie basés sur des promesses d’emploi et de revenu pour semer la confusion.
L’affaire relance urgemment le débat sur la régulation des systèmes pyramidaux en Afrique de l’Ouest.
Le 5 juillet 2025, à Mbour, dans l’ouest du Sénégal, les forces de l’ordre ont mis fin à une véritable tragédie : 45 personnes, dont 29 femmes, étaient retenues dans un local présenté comme un centre de formation par les réseaux de Qnet. Selon des témoignages recueillis sur place, ces personnes avaient été attirées par des promesses d’emploi et de gain rapide. C’est dans ce décor que la police, alertée par un habitant préoccupé, découvre un réseau d’arnaque pyramidale aux conséquences humaines dramatiques.
Cette scène fit resurgir un mode opératoire déjà identifié ailleurs : recrutement de jeunes par réseau, promesse d’un « stage professionnel », mais finalement enfermement et extorsion. Un témoin au cœur du scandale révèle que les victimes étaient « piégées » dans des locaux clos, et dépendaient pleinement des organisateurs pour toute interaction avec le monde extérieur.
Qnet, société de vente directe d’envergure mondiale, nie toute implication directe. Elle affirme avoir lancé une vaste campagne « QNET Against Scams » en Afrique de l’Ouest, multiplie les déclarations publiques et assure coopérer « étroitement » avec les autorités pour identifier les escrocs utilisant son nom. À Dakar, elle a distribué flyers pour prévenir le public. À Accra, elle a organisé des rencontres avec des journalistes ouest‑africains à sa direction centrale en Malaisie .
Malgré ces efforts de communication, l’ONG Foroyaa rapporte qu’au moins au Gambie, des victimes évoquent un recrutement collectif et un endettement massif pour rejoindre Qnet, sans rendre les sommes investies. Le modèle de rémunération, fondé sur le multi-level marketing, s’apparente parfois à une « pyramide de Ponzi », majoritairement profitable aux premiers recrutés.
La Banque mondiale ou encore la CEDEAO recommandent une régulation plus stricte des sociétés de vente à paliers dans la région. Déjà, plusieurs gouvernements africains (Togo, Côte d’Ivoire, Cameroun) ont ouvert des enquêtes ou pris des mesures contre Qnet ou ses agents. Au Sénégal, l’arrestation du principal suspect dans l’affaire de Mbour marque un tournant : l’État prend ses responsabilités, invitant la population à signaler toute activité suspecte .
Les données récentes de l’AFP montrent un usage croissant de groupes fermés sur Telegram pour recruter des victimes, à coups de promesses « IA générant 100 % de rendement mensuel », caractéristiques de véritables systèmes pyramidaux. Cette tactique se conjugue à un « brandjacking » sophistiqué où Qnet se fait passer pour une structure institutionnelle internationale. Les escrocs multiplient les faux enregistrements (Nigeria, Kenya, Tchad), créent des certificats bidons (EFCC) ou usurpent la dénomination d’entreprises américaines .
Pour contrer ce phénomène, Qnet affirme avoir obtenu des résultats sur plusieurs fronts : +400 médias mobilisés, 14 webinaires, plus de 140 journalistes sensibilisés. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées au Ghana, en Sierra Leone et au Burkina Faso. En parallèle, la CMA du Kenya publie des alertes, et Abuja a voté une loi criminalisant les pyramides financières .
Pourquoi est-ce important ?
Le démantèlement de ce réseau sénégalais révèle que les pyramides financières ont trouvé en Afrique de l’Ouest un terrain propice ; elles prospèrent dans des environnements où chômage des jeunes et manque de régulation se conjuguent. En ciblant principalement les diplômés et chômeurs, ces réseaux exploitent la précarité sociale.
L’impact économique est lourd : en plus des pertes individuelles, ils fragilisent la consommation et minent la confiance dans les opérateurs institutionnels. Chaque incident érode également l’attractivité du continent pour les véritables investisseurs.
Face à ces phénomènes, les efforts étatiques (Kenya, Nigeria, Sénégal), régionaux (CEDEAO) et privés (Qnet, ONG) convergent pour renforcer les cadres législatifs, alerter les populations et responsabiliser les médias. Le renforcement d’un système d’alerte, joint à la régulation, devient clé pour protéger les citoyens vulnérables.
Si Qnet s’emploie à se dissocier de ces pratiques frauduleuses, l’histoire de Mbour démontre que les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas. Il est urgent d’instaurer des réformes effectives, fondées sur la coopération entre régulateurs, plateformes numériques, forces de l'ordre et citoyens.
En définitive, cette affaire est un signal d’alarme pour l’Afrique de l’Ouest. Elle rappelle qu’une économie durable repose non seulement sur les opportunités offertes aux jeunes, mais aussi sur leur protection contre les illusions financières. La vigilance collective est devenue un levier de développement et de résilience pour la jeunesse et les économies de la région.