Chute vertigineuse : le secteur de la construction au Burkina Faso plonge de 40 % au 1ᵉʳ trimestre 2025
Les points clés :
L’indice du chiffre d’affaires du secteur construction au Burkina Faso recule de 40,0 % au 1ᵉʳ trimestre 2025 par rapport au trimestre précédent, selon l’INSD.
Cette contraction touche toutes les composantes : bâtiment (-29,4 %), génie civil (-69,7 %) et activités spécialisées (-27,3 %).
Sur un plan annuel, l’indice global en construction affiche néanmoins une hausse de +18,9 %, témoignant d’une forte volatilité du secteur.
Le secteur de la construction, longtemps perçu comme moteur de l’investissement public, de l’emploi et du développement urbain au Burkina Faso, connaît un retournement spectaculaire au 1ᵉʳ trimestre 2025. D’après l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), l’indice du chiffre d’affaires (ICA) du secteur s’est établi à 159,3 points contre 265,4 au trimestre précédent, soit une chute de 40,0 %.
Cette contraction n’est pas circonscrite à un segment. En effet, la baisse est généralisée : la construction de bâtiments recule de 29,4 %, le génie civil s’effondre de 69,7 % et les activités spécialisées de construction (finition, installation, démolition, etc.) chutent de 27,3 %.
Pour la construction de bâtiments, la baisse est tirée par un recul marqué de la promotion immobilière (–57,4 %) et de la construction de bâtiments complets (–29,7 %). Cependant, en glissement annuel, cette même branche affiche une progression forte (+59,1 %), tirée principalement par les bâtiments complets (+67,0 %), même si la promotion immobilière subit un revers sévère (–78,9 %).
Le génie civil, secteurs routiers, ouvrages publics, réseaux, infrastructures, est particulièrement affecté. Sur la base trimestrielle, la chute est de 69,7 %, et sur un an, l’indice recule de 43,7 %.
Quant aux activités spécialisées de construction (travaux de finition, installations, démolition, etc.), elles enregistrent une baisse de 27,3 % sur la période, avec des segments comme « autres travaux spécialisés » qui reculent de 70,7 %. En glissement annuel, cette branche affiche un recul de 12,5 %.
Cette conjoncture s’inscrit dans un climat d’incertitude économique et de contraintes structurelles : raréfaction ou renchérissement des financements, perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, volatilité des prix des matériaux et pressions macroéconomiques.
Analyse des causes derrière la contraction
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette contraction soudaine :
La fin des effets d’appoint : le quatrième trimestre 2024 avait affiché un pic d’activité (indice à 265,4), possiblement dû à des projets publics lancés en anticipation (budgets d’exercice, fin d’année). Le repli au trimestre suivant pourrait traduire un phénomène de « creux » après une poussée cyclique.
Le financement de projet bloqué ou contraint : la raréfaction du crédit, les taux d’intérêt élevés ou le ralentissement des appuis publics peuvent freiner le lancement ou le suivi des projets BTP.
La hausse des coûts des intrants (ciment, acier, importation des matériaux) ou des difficultés d’importation (contrôles, droits de douane) peuvent rendre beaucoup d’opérations moins rentables ou mises en attente.
L’insécurité ou les contraintes sécuritaires (dans certaines zones du pays) peuvent retarder la mise en œuvre des chantiers ou réduire la disponibilité de main-d’œuvre.
Les problèmes de planification ou les retards administratifs dans les appels d’offres et les autorisations peuvent générer des reports de démarrage.
Enfin, la volatilité des marchés publics, si une part importante des chantiers dépend des commandes de l’État, peut exposer le secteur à des cycles d’irrégularité.
Le contraste entre la chute trimestrielle et la hausse annuelle globale (+18,9 %) suggère que 2024 avait été une année dynamique, mais fortement cyclique, rendant le secteur vulnérable aux chocs de court terme.
Comparaisons régionales et références historiques
Dans les pays de la sous-région ouest-africaine, le secteur de la construction reste souvent un baromètre de la confiance publique et privée. Si l’on prend l’exemple du Bénin, du Sénégal ou du Ghana, les données montrent souvent une croissance régulière, mais avec des cycles d’oscillation sensibles aux chocs macroéconomiques (financement, taux de change, climat d’investissement).
Au Burkina Faso même, les récentes évolutions montraient auparavant une tendance haussière : l’INSD avait rapporté récemment une hausse de l’indice du chiffre d’affaires dans le secteur (par exemple, le passage à 166,9 points à un moment donné).
Mais les cycles sont nets. En 2023, l’indice des constructions spécialisées avait connu des hausses notables selon les séries historiques. Cela indique que le secteur est sensible tant aux impulsions de la demande qu’aux chocs de financement.
Impacts économiques, risques et pistes de rebond
L'effondrement de l’activité dans la construction a des conséquences multiples pour l’économie burkinabè. D’abord, il pèse sur l’emploi : le secteur du BTP est fortement pourvoyeur de main-d’œuvre, directe ou indirecte (fournisseurs de matériaux, transporteurs, artisans). Un recul de 40 % réduit ce vivier d’emplois, avec des effets en cascade dans les zones urbaines comme rurales.
Ensuite, les revenus publics (taxes, droits d’octroi, TVA sur les matériaux) ressentiront la baisse. Dans un contexte budgétaire contraint, cela fragilise la capacité de l’État à financer des infrastructures ou des programmes sociaux.
L’effet sur l’investissement privé est également notable : les promoteurs immobiliers, les entreprises de travaux publics ou les investisseurs dans les infrastructures peuvent redoubler de prudence face à un secteur en contraction.
Mais le rebond est possible à condition de réagir vite. Le pays pourrait stimuler la relance par des programmes publics de bâtiments sociaux, de voiries urbaines, de logements abordables, ou d’infrastructures de base. Le financement concessionnel ou subventionné pourrait amorcer le décollage, en particulier là où le capital privé hésite.
Une autre piste est d’orienter la construction vers des modes plus résilients et durables (utilisation de matériaux locaux, techniques bas-carbone, modularité) pour réduire la sensibilité aux variations de prix d’importation.
Enfin, la concertation public-privé, la simplification des procédures, la transparence dans les marchés publics et l’assurance de la sécurité des chantiers peuvent restaurer la confiance et enclencher une reprise.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que le secteur de la construction est souvent le miroir d’une économie nationale : il capte l’investissement public et privé, génère des emplois, structure les villes, l’habitat, les infrastructures de base. Une chute brutale comme celle observée au 1ᵉʳ trimestre 2025 est un signal d’alarme sur la santé économique du Burkina Faso.
Dans la sous-région ouest-africaine, un tel choc pèse sur la compétitivité, l’attractivité des investissements et la stabilité sociale. Le pays pourrait perdre des parts de marché dans la réalisation d’infrastructures régionales ou transfrontalières si son secteur BTP est perçu comme trop risqué.
Plus largement, cette situation souligne la nécessité de penser la construction non pas comme secteur isolé, mais comme système intégré avec le financement, les chaînes d’approvisionnement, la gouvernance, et la durabilité environnementale. La fragilité du BTP renvoie aux montants parfois fluctuants des dépenses publiques, à la volatilité des flux de capitaux, et à la vulnérabilité aux chocs exogènes (inflation importée, change, crise sécuritaire).
Enfin, une reprise solide dans la construction pourrait jouer un rôle de stimulus pour l’ensemble de l’économie, multiplication des effets multiplicateurs (fournisseurs, matériaux, emplois), mais cela exige une stratégie proactive, des mesures de soutien ciblées, une gestion intelligente du risque et une vision de long terme.