L’IA au service d’une Afrique innovante : la BIDC trace la voie à Rebranding Africa Forum 2025
Les points clés :
Le président de la BIDC, Dr George Agyekum Donkor, a placé l’intelligence artificielle au cœur du discours pour promouvoir une croissance inclusive et souveraine à l’issue du RAF 2025.
Il a avancé une feuille de route structurée pour l’IA : infrastructures numériques, montée en compétences, interopérabilité et gouvernance responsable.
L’IA est présentée comme un catalyseur multisectoriel, de l’agriculture à la santé, mais son adoption doit être contextualisée aux défis africains.
La Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC, aussi appelée EBID en version anglaise) est l’institution financière régionale dédiée à la promotion de projets de développement dans les États membres de l’Union économique ouest-africaine (CEDEAO). Elle intervient sur des volets publics comme privés, notamment dans les secteurs infrastructurels, l’énergie et la technologie.
Lors du Rebranding Africa Forum 2025 (9-12 octobre 2025, à Bruxelles), le thème choisi pour cette édition était centré sur les défis et les opportunités de l’intelligence artificielle (IA) en Afrique. C’est dans ce cadre que Dr Donkor a pris part à la session « Hard Talk » le 10 octobre, pour plaider en faveur d’une IA pensée et menée par l’Afrique pour l’Afrique, instrument de croissance inclusive et de souveraineté numérique.
La BIDC joue déjà un rôle actif dans le financement des infrastructures numériques, des parcs technologiques, des programmes de formation en compétences digitales et des plateformes fintech pour les PME dans ses États membres. Cette posture justifie que sa voix soit entendue lorsqu’on débat du rôle de l’IA comme moteur de transformation.
Agriculture intelligente et climat
Dans le secteur agricole, Dr Donkor a cité l’IA comme un levier d’amélioration des rendements. Grâce à des algorithmes qui combinent données météorologiques, imagerie satellite, détection de parasites ou évaluation de la qualité des sols, les agriculteurs peuvent recevoir des recommandations de fertilisation, de semis ou de lutte phytosanitaire adaptées à leurs parcelles. Cela peut réduire les intrants (engrais, pesticides), diminuer les pertes, et mieux résister aux aléas climatiques.
Par ailleurs, l’IA est de plus en plus envisagée comme un instrument de résilience climatique, en anticipant les stress hydriques ou les événements extrêmes. Une étude récente intitulée Leveraging AI for Climate Resilience in Africa argue que l’IA peut contribuer à l’adaptation climatique, à condition de relever des défis tels que la disponibilité des données, les infrastructures et la gouvernance institutionnelle.
Santé et diagnostic précoce
Dr Donkor a également évoqué l’usage des plateformes de diagnostic fondées sur l’IA en santé. Ces plateformes peuvent aider à détecter précocement des maladies (par analyse d’images radiologiques ou d’analyses biologiques), proposer des traitements personnalisés ou mentaliser des flux sanitaires. C’est un moyen de renforcer les systèmes de santé dans des pays où l’accès aux spécialistes est limité.
Financement, évaluation de projet et gestion de risque
L’une des innovations portées par le président de la BIDC est d’incorporer l’IA dans les processus internes des institutions de financement du développement (IFD). En analysant de volumineux ensembles de données de projet, d’impact socio-économique, de performance sectorielle et de risques, l’IA peut aider à prioriser les investissements, à anticiper les dérives ou les risques, à surveiller les portefeuilles en temps réel et à ajuster les interventions. Cela rend le financement plus efficace, plus transparent et plus orienté vers le résultat.
Les conditions de succès selon la feuille de route de la BIDC
Pour que l’IA soit un vecteur réel de progrès en Afrique de l’Ouest, Dr Donkor a insisté sur quatre piliers :
Infrastructures numériques résilientes : sans connectivité fiable, data centers régionaux, réseaux à haut débit, la traction de l’IA restera limitée.
Développement des talents et compétences locales : formation, recherche, clubs de développeurs, start-ups africaines, pour éviter la dépendance aux technologies étrangères.
Interopérabilité et normes ouvertes : garantir que les systèmes nationaux communiquent entre eux, qu’ils respectent des standards africains (linguistiques, culturels, de données).
Gouvernance responsable et éthique : l’IA ne doit pas aggraver des inégalités ni créer des biais. Elle doit être transparente, auditable, et respecter les droits.
La BIDC appelle à des partenariats avec les États, les universités, le secteur privé et les bailleurs pour co-créer des véhicules de financement innovants, mêlant capitaux, subventions, assistance technique, dont l’impact soit mesurable et tangible.
Enjeux, défis et risques du tournant IA pour l’Afrique
L’IA est une technologie puissante, mais elle n’est pas une solution miracle. Une analyse critique par Brookings, intitulée « AI is not Africa’s savior: Avoiding technosolutionism in digital development », met en garde contre le « technosolutionnisme », l’idée que les problèmes complexes peuvent être résolus uniquement par la technologie. Elle souligne que l’IA doit s’intégrer dans des réalités sociales, institutionnelles et infrastructurelles, et ne pas devenir une bulle de promesses non tenues.
Par ailleurs, les défis sont nombreux :
Le manque de données fiables, localisées et historisées, freine la qualité des modèles.
Des infrastructures énergétiques limitées, l’IA est gourmande en calcul et en puissance, peuvent créer un goulet d’étranglement.
La question de la souveraineté numérique, de la propriété des algorithmes, des données, et des plateformes : les pays doivent éviter de laisser des technologies stratégiques dépendre de fournisseurs extérieurs.
Les risques de biais, de discrimination, de surveillance abusive ou d’exclusion numérique doivent être anticipés par des cadres légaux et éthiques.
Enfin, la capacité des institutions à absorber l’IA, à recruter, à réguler, à piloter les investissements, est un défi majeur. Beaucoup d’états africains n’ont pas encore les cadres réglementaires ni les ressources humaines suffisantes pour gouverner l’IA.
L’impact potentiel sur l’Afrique de l’Ouest et les dynamiques nationales
Si bien orchestrée, l’IA peut accélérer la transformation économique en Afrique de l’Ouest. Dans le domaine agricole, elle peut contribuer à mieux valoriser les chaînes de valeur, réduire les pertes post-récolte, optimiser les intrants et accroître la résilience climatique. Dans la santé, elle peut compenser le déficit de spécialistes, améliorer les diagnostics et les résultats sanitaires. Pour les institutions financières, elle permet de sélectionner et d’accompagner les projets avec une plus grande efficacité.
Pour les États, l’IA représente aussi une arme de souveraineté : en bâtissant leurs propres plateformes, en développant des écosystèmes locaux, en évitant de dépendre de grandes entreprises technologiques étrangères. En Afrique de l’Ouest, déjà confrontée à des défis de connectivité, d’inégalités sociales et de vulnérabilité climatique, le pari de l’IA doit être couplé à des politiques solides dans les infrastructures, l’éducation, l’environnement et la législation.
La prise de parole de Dr Donkor au RAF 2025 marque une étape : une institution régionale comme la BIDC affirme que l’IA ne sera pas qu’un gimmick technologique, mais un pilier de développement inclusif. C’est un signal aux gouvernements, aux banques, aux acteurs du privé et de la recherche : l’Afrique doit investir dans l’IA dès maintenant, mais avec lucidité et rigueur.