La BOAD injecte 20 milliards FCFA au Togo : un pari sur la mécanisation et l’irrigation pour relancer l’agriculture

Les points clés :

  • La BOAD accorde 20 milliards FCFA pour la phase 1 du Programme d’Appui à la Mécanisation Agricole et à l’Irrigation (PAMAI) au Togo.

  • Cette opération s’inscrit dans un ensemble de 8 engagements régionaux totalisant 148,15 milliards FCFA, portant le cumul des financements BOAD à 9 939,6 milliards FCFA.

  • Le PAMAI vise à déployer du matériel moderne au sein des Centres Régionaux de Mécanisation Agricole (CRMA), renforcer les rendements agricoles et stimuler les revenus des exploitants ruraux.

Lors de sa 148ᵉ réunion du Conseil d’administration, tenue le 9 octobre 2025, la BOAD a approuvé huit nouvelles opérations d’investissement pour un montant global de 148,15 milliards FCFA, dont 20 milliards FCFA sont alloués au Togo pour la mise en œuvre de la phase 1 du Programme d’appui à la mécanisation agricole et à l’irrigation (PAMAI). Cette décision porte à 9 939,6 milliards FCFA le cumul des engagements de la banque régionale depuis sa création.

À travers ce financement, la BOAD entend soutenir la modernisation du secteur agricole togolais en facilitant l’accès à des équipements d’irrigation et de mécanisation, à déployer via les Centres Régionaux de Mécanisation Agricole (CRMA). Les CRMA existent déjà dans certaines zones comme Kara et Kpalimé, et le financement servira à étendre leur couverture territoriale.

Le programme s’inscrit dans la stratégie nationale de transformation agricole du Togo, visant à faire de l’agriculture un pilier de croissance inclusive, à améliorer la productivité, à sécuriser l’alimentation et à accroître les revenus des producteurs, notamment dans les zones rurales.

La BOAD elle-même souligne que cette opération est alignée avec son « Plan stratégique Djoliba », qui priorise le financement des infrastructures productives dans les États membres de l’UEMOA.

Analyse des enjeux et défis attendus

L’engagement de la BOAD constitue une étape importante, mais il n’est pas sans défis. Le financement de 20 milliards est significatif, mais pour un pays où l’agriculture emploie une large part de la population, cet apport doit être bien structuré pour produire un effet de levier durable.

Le bon déploiement dépendra notamment de la capacité opérationnelle des CRMA à absorber et entretenir le matériel moderne. Des lacunes dans la maintenance, les compétences techniques locales ou la gestion logistique pourraient freiner l’impact.

L’accès des petits producteurs à ces services est également critique. Si seuls les exploitants mieux équipés peuvent bénéficier des équipements, on risque que l’inégalité territoriale se creuse. Pour maximiser l’effet, les modalités de prestation (location de matériels, services de proximité, formation) seront déterminantes.

Un autre défi réside dans l’irrigation durable. Fournir des équipements d’irrigation doit s’accompagner d’une stratégie de gestion de l’eau (études hydrologiques, maintenance, gouvernance de ressources) pour éviter les gaspillages ou la surexploitation.

La réussite exige aussi un suivi rigoureux et des indicateurs de performance clairs : taux d’usage des équipements, gain de rendement, retour sur investissement pour les exploitants, emploi rural généré.

Enfin, pour aller plus loin, la phase 2 du programme pourrait intégrer la numérisation de la gestion de l’eau et le recours aux solutions d’irrigation solaire, afin d’améliorer l’efficacité énergétique et la durabilité environnementale.

Comparaisons régionales et bonnes pratiques

Dans d’autres pays de l’UEMOA ou d’Afrique de l’Ouest, des programmes similaires de mécanisation et irrigation ont permis de stimuler la productivité. Par exemple, le Programme Irrigation et Mécanisation au Burkina Faso a contribué à l’intensification agricole dans certaines régions, bien que les résultats soient variables selon l’accès au crédit et la maintenance des équipements.

La BOAD a déjà soutenu des projets d’infrastructures agricoles dans la zone, ce qui lui confère une expertise institutionnelle et une légitimité accrue. L’intégration de la dimension irrigation dans un programme de mécanisation est particulièrement pertinente dans un contexte où le changement climatique affecte la répartition des pluies.

Pour maximiser l’impact, certains États privilégient des modèles hybrides incluant le secteur privé (concessions, partenariats public-privé) pour la fourniture, la maintenance ou l’exploitation des équipements agricoles.

Scénarios d’impact et projections

Si le Togo parvient à utiliser efficacement ces 20 milliards FCFA, plusieurs gains peuvent se matérialiser : une augmentation des rendements (jusqu’à 20–30 % selon les cultures semi-irrigables), une baisse de la pénibilité du travail, une réduction des pertes post-récolte grâce à une meilleure gestion hydrique, et une hausse des revenus agricoles.

Sur le plan macroéconomique, un surcroît de production agricole peut contribuer à la croissance du PIB rural, à la réduction des importations alimentaires, et à une amélioration de la balance commerciale agroalimentaire.

Si le taux d’adoption des équipements atteint 50 % dans les zones ciblées dans les trois premières années, le programme pourrait déclencher des effets multiplicateurs dans les secteurs de la maintenance, des intrants, de la logistique, de la formation et des services agricoles.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que l’agriculture, en particulier dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, demeure un pilier de la sécurité alimentaire, de l’emploi rural et de la stabilité économique. Le Togo, comme beaucoup de ses voisins, est vulnérable aux aléas climatiques, à la volatilité des prix des intrants importés et à l’insuffisante productivité des exploitations.

En engageant 20 milliards FCFA à travers la BOAD, le Togo prend un pari sur la transformation structurelle de son agriculture. Si le programme réussit, il pourrait servir de modèle pour d’autres États de l’UEMOA à la recherche d’un équilibre entre mécanisation, irrigation durable et inclusion des petits producteurs.

À l’échelle régionale, ce type d’initiative contribue à renforcer la souveraineté alimentaire collective, à réduire la dépendance aux importations, à stabiliser les prix agricoles, et à promouvoir l’intégration économique dans la sous-région.

Enfin, cet engagement montre que les institutions régionales (comme la BOAD) peuvent jouer un rôle catalyseur pour aligner les ambitions nationales (transformation agricole, résilience climatique, inclusion) avec des financements structurants.

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