Abidjan : avec “Jeunes Experts”, l’INPHB trace la voie d’une formation utilitaire pour vaincre le chômage des diplômés


Les points clés :

  • « Jeunes Experts » veut rendre les jeunes diplômés et professionnels de moins de 40 ans immédiatement opérationnels en entreprise à Abidjan.

  • Le programme combine six mois de formation : métiers, soft skills, projets pratiques, en présentiel et à distance, avec mentors.

  • Chaque promotion comptera 35 participants, sélectionnés sur dossier, entretiens et tests, soutenue par institutions privées et mécénat.


À Abidjan, le 1ᵉʳ octobre 2025, l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INPHB), en partenariat avec le Club Expertise Locale, a lancé officiellement “Jeunes Experts”, un programme qui promet de réduire l’écart entre formation académique et exigences du monde professionnel. En Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays ouest-africains, les jeunes diplômés peinent souvent à trouver un emploi stable ou à répondre aux attentes techniques et comportementales des entreprises. Le chômage des jeunes, la sous-utilisation des compétences acquises à l’université, et l’inadéquation entre curricula et marché sont des défis persistants. « Jeunes Experts » ambitionne de donner aux jeunes les outils non seulement pour être embauchés, mais pour réussir dès leur entrée dans l’entreprise.

“Jeunes Experts” : concept, modalités et promesses

Le dispositif vise les jeunes diplômés et professionnels âgés de moins de 40 ans. Il se déroule sur une durée de six mois, pendant laquelle les participants suivent trois volets : les compétences métiers (finance, marketing, communication, ressources humaines), les compétences comportementales (soft skills : leadership, communication, résolution de problèmes, entrepreneuriat), et des cas pratiques/projets encadrés par des mentors provenant du Club Expertise Locale ou des entreprises partenaires.

La sélection est rigoureuse : seulement 35 participants par cohorte, choisis sur dossier, entretiens, et tests psychotechniques. Les sessions de formation alterneront entre présentiel et modules en ligne (via Google Meet, Teams). Plusieurs sponsors institutionnels et privés appuient déjà le programme, tout comme des universités, grandes écoles et entreprises locales. Le mentorat bénévole constitue une part de l’accompagnement, ce qui fait intervenir le réseau local dans le soutien des jeunes talents.

L’initiative est ainsi conçue comme un tremplin, non simplement un atelier de formation : les participants doivent sortir du programme avec des compétences directement utilisables, une confiance renforcée, et une meilleure employabilité.

Contexte ivoirien : le défi de l’employabilité

Côte d’Ivoire fait partie des pays où le dynamisme démographique est élevé, mais où l’absorption de jeunes diplômés dans le marché du travail tarde à suivre. En 2025, plusieurs programmes nationaux visent à atténuer ce problème. Par exemple, le programme PNSAR (Programme National de stages, d’apprentissage et de reconversion) destiné à 142 000 jeunes âgés de 16 à 40 ans mis en place en 2024-2025.

Autre initiative, l’ouverture de dix écoles techniques et professionnelles nouvelles pour l’année académique 2025-2026, parmi lesquelles des lycées professionnels dans les zones rurales ou moins bien desservies. Ces mesures montrent la volonté de l’État ivoirien de moderniser la formation, d’offrir des parcours plus adaptés aux exigences du marché, notamment dans les secteurs techniques, du numérique, de l’énergie, etc.

Malgré ces efforts, des écarts subsistent : formation théorique non appropriée, infrastructures ou équipements de formation insuffisants, rareté des stages ou immersions professionnelles, limite dans les compétences comportementales ou transversales (soft skills). « Jeunes Experts » se positionne donc dans ce sillage, en complément des actions publiques, avec une forte focalisation sur les compétences utilisables immédiatement et l’expérience pratique.

Recoupements avec d’autres programmes et bonnes pratiques régionales

D’autres pays ou initiatives récentes montrent que ce type de programme peut produire des résultats notables quand il est bien conçu et soutenu. Par exemple, le programme « Youth Job » en Côte d’Ivoire, porté par l’ONG Youth Education via AY Solutions, propose une formation de six mois pour diplômés, avec modules techniques, soft skills et assistance pour l’insertion professionnelle. Ce programme cible également le genre (jeunes femmes/jeunes hommes) et alterne formation en présentiel et modules digitalisés. « Jeunes Experts » hérite de cette logique.

Au-delà de la Côte d’Ivoire, plusieurs analyses montrent que la correspondance entre les offres de formation et les demandes du secteur privé est cruciale. Un rapport de l’ACET (Afrique) note que les transitions école-travail bien orchestrées, avec participation du secteur privé, stages, mentorat, modélisation de compétences, réduisent sensiblement le chômage des jeunes. Le défi des soft skills, la pratique, et l’adaptation aux réalités locales apparaissent comme des points récurrents.

Conditions de réussite & risques

Le succès de « Jeunes Experts » dépendra de plusieurs facteurs. D’abord de la qualité des formateurs et mentors, de leur proche connaissance des pratiques professionnelles locales, mais aussi des exigences réelles des entreprises. Si la formation reste trop académique, ou trop éloignée des outils et process utilisés dans les entreprises, la mise en œuvre risque d’être peu efficace.

Ensuite, du financement durable. Le soutien des sponsors, entreprises, institutions est essentiel ; mais il faudra aussi penser au coût de la formation, au matériel, aux ressources humaines, aux infrastructures, à l’accès internet, etc. Si ces coûts ne sont pas bien pris en compte, cela pourrait limiter la portée ou la qualité du programme.

Troisièmement, de l’intégration effective des participants dans le monde professionnel. Le passage de la formation à l’emploi dépend fortement du réseau, des stages, de l’insertion via des entreprises partenaires. Sans engagement concret des entreprises à absorber les talents, le programme pourrait rester une “belle vitrine” sans effets durables.

Enfin, d’autres risques résident dans l’inégalité d’accès (régions, genre, milieu social), dans la capacité des participants à suivre les sessions en ligne, dans les infrastructures logistiques, et dans la pérennité du mentorat.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que « Jeunes Experts » s’inscrit dans la trajectoire urgente de transformation socio-économique en Afrique de l’Ouest où la jeunesse constitue une proportion majeure de la population. Le chômage des jeunes diplômés, l’inadéquation de la formation et la vulnérabilité aux chocs économiques font de l’employabilité un enjeu clé de stabilité, de croissance inclusive et de cohésion sociale.

Dans un pays comme la Côte d’Ivoire, avec sa croissance économique rapide mais aussi ses déséquilibres régionaux et sociaux, un programme qui rend les jeunes immédiatement opérationnels peut contribuer à réduire le chômage, diminuer la migration vers les grandes villes, et améliorer les revenus à l’échelle locale.

Régionalement, ce type d’initiative est une pièce du puzzle de la transformation structurelle : quand plusieurs États ouest-africains mettent en place des programmes similaires (formations techniques, apprentissage, soft skills, partenariats université-entreprise), il devient possible de mutualiser les retours d’expérience, d’harmoniser les compétences, de favoriser la mobilité des jeunes et des compétences à l’intérieur de la région.

Enfin, dans le contexte mondial de transition (numérique, verte, post-Covid), les entreprises recherchent de plus en plus des profils adaptables, avec compétences techniques mais aussi savoir-être, et des jeunes capables de monter en compétence rapidement. « Jeunes Experts » témoigne de l’idée que la formation ne peut plus être simplement académique : elle doit être pertinente, agile, orientée vers le marché.

Précédent
Précédent

UEMOA : la PI-SPI redéfinit les paiements instantanés dans l’espace franc CFA

Suivant
Suivant

Climat & innovation à Lomé : le Climathon 2025 installe le Togo comme laboratoire ouest-africain des solutions durables