Bamako, nouvelle capitale de l’innovation agricole ouest-africaine

(Crédit image : Riccardo Mayer)


Les points clés :

  • Le Marché des Innovations et Technologies Agricoles (MITA) 2025 met la gestion intégrée des sols au cœur de la transformation agricole en Afrique de l’Ouest.

  • Plus de 100 technologies seront présentées à Bamako du 20 au 24 octobre 2025, visant à régénérer 50 millions d’hectares de terres dégradées.

  • Cette édition s’inscrit dans une convergence entre recherche, innovation et marché, renforçant la résilience climatique et alimentaire des systèmes agricoles de la sous-région.


C’est dans un contexte régional marqué par la dégradation des terres, l’épuisement des sols, et les aléas climatiques croissants que la cinquième édition du MITA s’installe à Bamako. Organisé par Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF), du 20 au 24 octobre 2025, sous le thème « Facilitation de l’accès aux technologies et innovations agricoles de gestion intégrée des sols », cet événement apparaît comme un carrefour stratégique pour l’avenir agricole de l’Afrique de l’Ouest.

L’enjeu est immense : les sols sont à la fois un pilier de la production agricole, un régulateur environnemental et un levier fondamental de résilience aux changements climatiques. Le lancement récent du réseau de recherche Sol AfricaO, visant à améliorer les connaissances sur les sols ouest-africains (salinisation, perte de matière organique, acidification…) vient rappeler l’urgence du sujet. Ainsi, le MITA 2025 ne se limite pas à un salon d’exposition : il s’affirme comme un catalyseur de diffusion technologique, de partenariats et de transformation systémique.

Au-delà de l’exposition : un dispositif pensé pour l’impact

L’édition 2025 promet d’être plus qu’un simple stand d’innovation. Le programme prévoit l’exposition de « plus de 100 technologies et innovations éprouvées en gestion intégrée des sols », selon le site du CORAF. Parmi celles-ci figurent des biofertilisants augmentant les rendements jusqu’à 40 %, un système de compostage rapide réduisant les coûts d’engrais de 60 %, et des capteurs intelligents pour gérer précisément les nutriments. Le tout s’inscrivant dans une logique « climato-intelligente » et sensible au genre, à la nutrition et à l’accessibilité économique.

L’événement organise par ailleurs des sessions B2B permettant aux fournisseurs et utilisateurs de technologies de conclure des accords structurants. Cette mise en relation concrète entre offre technologique et demande produit l’effet recherché : sortir la recherche du laboratoire pour la transformer en outils opérationnels sur le terrain. Le communiqué précise que « le MITA constitue une plateforme stratégique d’échanges et de diffusion d’innovations éprouvées, capables de renforcer la résilience agricole face aux défis climatiques et économiques ».

Quantifier l’enjeu des sols et du climat

Les données sont parlantes. L’Afrique de l’Ouest fait face à une vaste dégradation des terres : érosion hydrique ou éolienne, acidification, perte de matière organique, salinisation. Le réseau Sol AfricaO rappelle que l’agriculture repose sur des sols sains : « les sols sont la pierre angulaire du bon fonctionnement des écosystèmes ». Or, selon les organisateurs du MITA 2025, l’adoption accrue des technologies pourrait « régénérer 50 millions d’hectares de terres dégradées ». Si l’on considère que l’Afrique de l’Ouest compte près de 560 millions d’hectares d’espaces agricoles (source : FAO), alors la cible correspond à près de 9 % du potentiel régional. C’est un objectif ambitieux, mais proportionné aux enjeux de souveraineté alimentaire et climatique.

Les freins à lever et les leviers à activer

Toutefois, l’investissement en innovation s’accompagne de défis significatifs : l’accès aux technologies, leur appropriation, la capacité de financement, la formation des acteurs et une gouvernance efficace. Le MITA 2025, dans son appel à technologies, exige que les innovations soient « déjà éprouvées, climato-intelligentes, sensibles à la nutrition et au genre, socialement acceptables et économiquement accessibles ». Autrement dit, l’événement vise à nier la simple introduction de gadgets pour privilégier des solutions ancrées dans le contexte ouest-africain.

Les deux dimensions centrales dont l’Afrique de l’Ouest doit disposer sont la recherche (développement de technologies adaptées) et la chaîne de diffusion (mécanismes d’adoption, financement, partenariats public-privé). Le MITA 2025 apparaît comme le lieu de convergence de ces dynamiques.

Le rôle pivot des jeunes, des femmes et du genre

Un autre point essentiel mis en avant par le CORAF est l’inclusion des femmes et des jeunes dans l’innovation agricole. Le précédent MITA 2024 à Lomé avait ainsi mis en évidence la participation de 264 acteurs, dont 84 femmes et 73 jeunes. L’édition 2025 poursuit dans cette logique. L’accent est mis non seulement sur l’accès aux technologies, mais aussi sur leur appropriation par des groupes traditionnellement marginalisés. Cela renforce l’effet de levier structurant pour l’emploi rural, l’autonomisation économique et la diffusion de pratiques durables.

Zoom sur quelques innovations clefs

Parmi les technologies citées, on retrouve :

• un biofertilisant testé pour augmenter les rendements de maïs, « BioNBiochar », développé au Cameroun et sélectionné pour le MITA 2025.

• des capteurs intelligents de nutriments, permettant un dosage plus fin et une réduction remarquable des coûts et des intrants chimiques.

• des systèmes de gestion intégrée des sols (amendement, rotation culturale, couverture végétale, système d’irrigation modulée) qui combinent productivité accrue et réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Une dynamique cohérente avec les priorités régionales

Le MITA 2025 s’inscrit dans un calendrier d’actions plus large, notamment avec la création du réseau Sol AfricaO, qui vise à renforcer la recherche-sols dans la sous-région. Il s’inscrit aussi dans les objectifs de transformation agricole et de souveraineté alimentaire prônés par la CEDEAO et le partenariat de recherche CORAF : « production, post-récolte, transformation, mécanisation, etc. ». Autrement dit, cette édition ne se contente pas de pallier des déficits techniques : elle vise à aligner la recherche, l’innovation et la politique publique.

Pourquoi est-ce important ?

Cet événement adopte une importance stratégique pour l’Afrique de l’Ouest sous plusieurs angles. Premièrement, au plan économique, la gestion durable des sols et l’adoption de technologies agricoles permettent d’augmenter les rendements, d’améliorer la productivité, de réduire les coûts et de dynamiser les revenus ruraux, des leviers essentiels à la transformation structurelle de nos économies. Deuxièmement, sur le plan environnemental et climatique, ces innovations offrent des voies concrètes pour atténuer et adapter les systèmes agricoles aux effets du changement climatique : stockage de carbone, réduction des intrants chimiques, systèmes de gestion optimisés. Troisièmement, au niveau social, l’intégration des jeunes, des femmes et des acteurs locaux, couplée à la diffusion de technologies accessibles, contribue à une croissance plus inclusive, un enjeu fondamental pour nos sociétés.

Pour les pays de l’UEMOA et de la CEDEAO, le MITA 2025 constitue un outil clé de leur agenda de transition agroécologique, de développement rural et de sécurité alimentaire. Il permet de raccourcir la distance entre recherche et action, entre innovation et mise à l’échelle, entre production et durabilité. Dans un monde où la terre, les semences, l’eau et le climat deviennent des variables critiques d’un futur incertain, cette convergence de technologies et partenariats via le MITA est plus qu’une nécessité : c’est un pivot de résilience économique et environnementale pour l’Afrique de l’Ouest.

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