Sénégal : la plate-forme APPEL métamorphose les marchés publics

(Crédit photo : Toutafrica)


Les points clés :

  • Le Sénégal lance la plateforme numérique « APPEL » (Achats Publics en Procédures Électroniques) pour digitaliser 100 % du cycle des marchés publics.

  • La commande publique représente aujourd’hui entre 15 % et 20 % du PIB national et pourrait générer jusqu’à 300 milliards FCFA d’économies annuelles grâce à cette réforme.

  • Cette initiative s’inscrit dans la stratégie nationale « New Deal Technologique », visant à numériser 90 % des services publics d’ici 2034, et à renforcer la gouvernance et l’attractivité du Sénégal.


Au Sénégal, la gestion des marchés publics entre désormais dans une phase profondément transformée avec le lancement de la plateforme APPEL, mise en œuvre par l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP). L’outil, inauguré le 14 octobre 2025, a pour ambition de numériser l’ensemble des procédures : publication des avis d’appel d’offres, dépôt des candidatures, évaluation automatique et attribution finale.

Jusque-là, les opérateurs devaient se déplacer, acquitter des frais d’impression, faire face à des délais administratifs et à un accès inégal aux opportunités. Avec APPEL, tout devient accessible en ligne, 24 heures sur 24, un changement de paradigme.

Une numérisation au cœur d’un agenda plus large

L’initiative ne se limite pas à un simple outil : elle s’inscrit dans le cadre du New Deal Technologique, la stratégie numérique du Sénégal pour la période 2024-2034, qui vise à digitaliser 90 % des services publics.

La plateforme APPEL s’inspire des meilleures pratiques observées au Maroc, au Rwanda ou à l’Île Maurice et prévoit de s’interfacer avec les bases de données du Trésor, du fisc et du registre du commerce.

Sur le plan technique, elle intègre des dispositifs de cybersécurité (signature électronique, chiffrement, horodatage) et s’appuie sur des ingénieurs sénégalais, ce qui renforce l’appropriation locale.

Enjeux, défis et retombées attendues

L’adoption de la plateforme APPEL pose plusieurs enjeux. D’une part, elle vise à accroître la transparence, à limiter les risques de favoritisme et à faciliter l’accès des PME aux marchés publics.

D’autre part, la modernisation de la commande publique est aussi un levier d’attractivité pour les investisseurs, car elle améliore la prévisibilité et la fiabilité des dépenses publiques.

Pour les entreprises locales, la digitalisation réduit les coûts d’accès (impression, transport, dossiers physiques), accroît la participation et ouvre des marchés auparavant difficiles d’accès. Selon certaines estimations, l’accès des PME pourrait s’améliorer, tandis que le coût d’accès pourrait diminuer de l’ordre de 40 %.

En revanche, la réussite dépendra fortement de l’accompagnement des acteurs : formation des agents publics, sécurisation des plateformes, sensibilisation des entreprises, adaptation des processus administratifs.

Une dimension environnementale et économique moins directe mais tout aussi pertinente

Bien que centrée sur la commande publique, la réforme contribue également à la durabilité et à l’efficience administrative. La réduction du recours au papier, aux déplacements physiques et aux impressions de masse est un volet environnemental non négligeable. L’un des responsables a ainsi évoqué la baisse de « l’empreinte écologique de la passation des marchés publics ».

Par ailleurs, les économies générées, jusqu’à 300 milliards FCFA, peuvent être redirigées vers des secteurs stratégiques (infrastructures, santé, éducation, agriculture) et soutenir la transformation économique du Sénégal.

Pourquoi est-ce important ?

Pour l’Afrique de l’Ouest, et plus largement pour les économies émergentes, cette initiative du Sénégal constitue un signal fort. D’abord, elle montre que les États peuvent moderniser leurs processus internes, ce qui renforce leur crédibilité auprès des investisseurs internationaux et des institutions financières. Elle contribue à réduire les coûts de transaction, à améliorer le climat des affaires et à stimuler l’investissement privé.

Ensuite, dans la zone de la Union économique et monétaire ouest‑africaine (UEMOA), où la gouvernance des marchés publics a souvent été pointée comme un handicap, le Sénégal pourrait devenir un modèle. L’harmonisation et la numérisation des procédures peuvent favoriser l’intégration régionale, permettre la mutualisation des fonctions et améliorer l’attractivité de l’ensemble de la sous-région.

Enfin, sur le plan environnemental, même si le lien n’est pas explicitement formulé, la réduction des impressions papier, la diminution des déplacements physiques et la fluidification des marchés publics participent d’une logique de consommation de ressources plus sobre, ce qui est parfaitement cohérent avec les enjeux de développement durable en Afrique.

Pour les pays voisins, cette réforme est autant une source d’inspiration qu’un défi : il s’agit désormais de bâtir des administrations intelligentes, capables d’accompagner la transformation économique, de renforcer la transparence et de libérer le potentiel de l’investissement privé pour générer croissance et emplois.

En somme, la plateforme APPEL au Sénégal incarne un tournant majeur. Elle ne se limite pas à la digitalisation d’un processus administratif : elle place la gouvernance, l’efficacité et la confiance comme fondements de la construction d’un modèle économique africain plus performant, plus durable et mieux connecté à l’ère numérique.

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