Togo - Agroécologie : la révolution du compost express
Les points clés :
Une innovation togolaise permet de réduire le cycle de compostage traditionnel de 3 mois à seulement 14 jours grâce à un « composteur modélisé ».
Le coût de production estimé est de 45 FCFA/kg avec un prix de vente possible de 70 FCFA/kg, ce qui promet un bénéfice net de ~37 500 FCFA par mois pour un composteur traitant 1,5 tonne de déchets organiques.
Cette technologie s’inscrit dans une logique de fertilisation durable des sols et de réduction de l’usage des engrais chimiques, avec des effets attendus sur l’environnement et l’économie rurale.
L’agriculture en Afrique de l’Ouest est confrontée à plusieurs verrous : faibles rendements, dépendance aux intrants chimiques, sols dégradés, et processus souvent longs et coûteux pour passer à une agriculture durable. Au Togo, l’entreprise togolaise TMSU International, sous la direction du professeur Agbati Koffigan, a mis au point un système dit « composteur modélisé » permettant de réduire drastiquement le temps de compostage de 3 mois à 14 jours.
Cette innovation ne se limite pas à un gain de temps. Elle permet aussi un compost de qualité homogène, utilisable pour la fertilisation, ce qui ouvre la voie à une agriculture plus résiliente, à moindre coût, et plus compétitive. L’idée est de rendre l’agroécologie accessible aux petits producteurs, souvent freinés par les contraintes de temps, de ressources et de complexité.
Les données économiques qui parlent
Le professeur Koffigan a indiqué que le coût de production du compost avec ce système s’élève à environ 45 FCFA par kilogramme, et que le prix de vente pourrait atteindre 70 FCFA/kg. Ce qui signifie, pour un opérateur traitant 1,5 tonne de déchets organiques par mois, un bénéfice net d’environ 37 500 FCFA chaque mois. Sur cinq ans, cet opérateur pourrait générer un bénéfice net de ~2 250 000 FCFA, soit trois fois l’investissement initial estimé à 750 000 FCFA. Ces scénarios économiques rendent l’agroécologie non seulement viable mais potentiellement rentable.
Par ailleurs, l’application plus large de cette technologie peut permettre une réduction de l’usage d’engrais chimiques et des intrants importés, avec des effets sur la balance des paiements, la souveraineté agricole et la protection des sols et nappes phréatiques.
Intégration dans les dynamiques nationales et régionales
Le projet s’inscrit dans un contexte plus large de transition vers l’agroécologie au Togo. Le réseau national des acteurs de l’agroécologie, RéNAAT, a engagé depuis 2023 des dispositifs de production d’intrants organiques dans plusieurs régions, équipant des centres de compostage, de biodigesteurs, et formant des producteurs.
Ces efforts sont une réponse aux hausses de prix des engrais chimiques, à la pression sur les fertilisants importés, et à la nécessité de renforcer la résilience des exploitations agricoles face aux changements climatiques. Dans ce cadre, la technologie du composteur modélisé apparaît comme une brique clé pour structurer une filière locale d’intrants organiques, créer des emplois, et améliorer la durabilité.
Les freins et défis à anticiper
Bien que prometteur, ce virage comporte aussi des défis. La disponibilité des matières premières organiques reste un enjeu, notamment pour structurer une production à grande échelle. Le projet RéNAAT relève que dans les centres équipés, la mobilisation de biomasse a posé problème.
La formation des opérateurs, le suivi de la qualité du compost, la logistique de commercialisation, et l’accès au marché restent des barrières. Le changement de paradigme pour les producteurs (passer d’intrants chimiques à compost organique) nécessite aussi des formations et des garanties de performance.
Perspectives et potentiel d’adoption
Si cette technologie se diffuse, elle peut transformer les chaînes de valeur agricoles ouest-africaines : les sols peuvent retrouver leur fertilité, les exploitations réduisent leur dépendance, les filières locales d’intrants se développent, et une nouvelle économie rurale se construit autour de la bioéconomie circulaire. Le Togo pourrait devenir un modèle pour d’autres pays sahéliens où les contraintes sont similaires.
Pourquoi est-ce important ?
L’agriculture en Afrique de l’Ouest doit répondre à plusieurs impératifs simultanés : nourrir une population croissante, faire face aux changements climatiques, réduire la dépendance aux intrants importés, et structurer des chaînes de valeur plus locales. Le cas togolais illustre que l’innovation locale, ici un composteur accéléré, peut jouer un rôle déterminant.
Sur le plan économique, rendre rentable la production d’intrants organiques ouvre une nouvelle voie pour les exploitations rurales, crée de la valeur locale, et peut attirer des financements d’agro-écologie. Sur le plan environnemental, cela contribue à restaurer les sols, diminuer la pollution, et renforcer la résilience face aux sécheresses. Sur le plan social, cela offre des opportunités d’emploi dans les zones rurales et favorise l’insertion des jeunes.
Pour l’Afrique de l’Ouest, le modèle togolais montre qu’un changement systémique est possible : la technology appropriation locale, les chaînes d’intrants organiques, la coordination entre acteurs publics, privés et de la recherche. En capitalisant sur ces dynamiques, les pays de la région peuvent faire de l’agriculture durable un moteur de croissance inclusive.