Filière soja : le Togo lance la campagne 2025-2026 avec l’ambition de stabiliser les revenus des producteurs


Les points clés :

  • Le prix plancher du kg de graine de soja pour la campagne 2025-2026 au Togo est fixé à 220 F CFA, soit une baisse par rapport à la campagne précédente.

  • Le volume commercialisé est fixé à 200 000 tonnes, dans un contexte d’exportation et de concurrence internationale accrue.

  • La filière doit relever de multiples défis : accès aux intrants, financement, mécanismes de gouvernance et alignement sur les marchés mondiaux.


L’annonce faite à Lomé le 23 octobre 2025 lors de la 7ᵉ édition du lancement officiel de la campagne de commercialisation du soja et de ses dérivés marque un moment charnière pour la filière togolaise. Le seuil plancher de 220 F CFA par kilogramme de graine, validé après concertation des trois familles professionnelles de la filière (“Fédération nationale des coopératives productrices de soja – FNCPS”, “Association togolaise des transformateurs de soja – ATTS”, et “Association nationale des commerçants-exportateurs du soja – ANCES”), traduit une adaptation aux conditions internationales, mais aussi une tension sur la compétitivité des producteurs locaux.

Cette campagne 2025-2026 ne se déroule pas dans un vide économique : la baisse du prix par rapport aux 250 F CFA de la campagne précédente s’explique, selon le président du Conseil interprofessionnel de la filière soja du Togo (CIFS-Togo), M. Koriko Mounirou, « par la tendance baissière du prix à l’international ». Un signal clair que la filière locale est fortement exposée aux dynamiques mondiales.

Le volume retenu pour cette campagne, 200 000 tonnes, est également à mettre en regard de l’objectif annoncé par le secteur togolais d’atteindre 500 000 tonnes pour la saison 2025-26. Cela signifie que, malgré l’optimisme affiché, l’écart entre ambition et seuil retenu pour la commercialisation reste sensible.

Une filière en mutation et en tension

Le soja a pris une place croissante dans l’économie agricole togolaise. Il est désormais un produit stratégique, tant pour l’alimentation que pour l’export. Selon le rapport de l’Enhanced Integrated Framework, la production est passée de moins de 25 000 tonnes en 2015 à plus de 200 000 tonnes en 2021. Cette montée en puissance montre les efforts d’organisation de la chaîne de valeur : coopératives, transformation locale, accès à l’exportation.

Pour autant, cette forte croissance est accompagnée de défis structurels. Le message du directeur de cabinet du ministère chargé du Commerce lors du lancement tenait en quelques mots : « la filière fait face à de nombreux défis ». Il a rappelé la nécessité d’accroître les superficies cultivables, de faciliter l’accès aux intrants et financements, et d’améliorer la productivité et le rendement. À l’évidence, le point de fixation du prix plancher s’inscrit dans une logique de stabilisation du revenu des producteurs, mais aussi de sécurisation de l’ensemble de la chaîne.

La baisse du prix (220 F CFA vs 250 F CFA) laisse transparaître la pression exercée par le contexte global : les marchés internationaux du soja, les normes étrangères (notamment à destination de l’UE), et les coûts domestiques (intrants, main-d’œuvre, transformation). Le secteur doit conjuguer compétitivité internationale, durabilité locale et juste rémunération des producteurs.

Gouvernance, organisation et mécanismes d’appui

L’accord interprofessionnel signé entre les trois familles de la filière (FNCPS, ATTS, ANCES) formalise divers aspects : prix, volume à vendre, documents d’acheminement, postes de vérification, et dispositions pour la réussite de la campagne. Cette gouvernance est un point clé dans la structuration de la filière.

Le président du CIFS-Togo a mis en avant plusieurs objectifs : stabiliser le marché par des mécanismes transparents, sécuriser durablement le revenu des producteurs, renforcer les capacités financières des transformateurs et commerçants via de nouveaux mécanismes de crédit, et consolider l’organisation de la filière. Cette logique de structuration est essentielle pour répondre aux attentes d’une filière qui doit gagner en maturité.

Pourquoi est-ce important ?

Pour l’économie ouest-africaine, la filière soja togolaise illustre plusieurs enjeux majeurs. D’abord, l’agriculture ne peut plus être pensée uniquement en volume de production : la valeur ajoutée, la transformation locale, l’accès aux marchés internationaux et la rémunération des producteurs sont tout aussi décisifs. La fixation d’un prix plancher officiel engage l’État et les acteurs à structurer la filière, ce qui est un signe positif.

Ensuite, la dimension exportatrice prend progressivement de l’importance. Avec une ambition de 500 000 tonnes, le Togo se positionne non plus comme un acteur local mais comme un acteur régional du soja. Cela implique de satisfaire aux normes internationales, aux chaînes de valeur mondiales, et d’optimiser les coûts domestiques.

Enfin, cette dynamique renforce l’intégration inter-états et le développement régional : une filière forte au Togo peut devenir un pôle pour la sous-région, créer des emplois, dynamiser les transformations agro-alimentaires, et contribuer à la sécurité alimentaire et aux exportations.

En conclusion, la campagne soja 2025-2026 au Togo, avec ses 220 F CFA/kg, ses 200 000 tonnes revendiquées, et ses défis de compétitivité, est bien plus qu’un simple lancement agricole : elle symbolise l’ambition d’un pays de faire de son agriculture un secteur stratégique d’insertion sur le continent.

Précédent
Précédent

Togo : grosse surprise, Yawa Djigbodi Tsègan à la tête de l’Office Togolais des Recettes

Suivant
Suivant

Togo - Agroécologie : la révolution du compost express