Togo : « Main dans la main » pour la souveraineté alimentaire, mais quel plan face aux défis croissants ?


Les points clés :

Le Togo a convié le 22 octobre 2025 la FAO et ses partenaires à Lomé pour débattre du thème : « Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleurs ».

Le programme national agricole (PNIASAN – 2017-2026) vise doter le pays d’une agriculture moderne, nutritionnelle et génératrice d’emplois.

Le nouveau programme de modernisation (ProMAT 2025-2034) mobilise 300 millions USD pour améliorer irrigation, mécanisation, valeur ajoutée et intégration de jeunes et femmes.


L’ouverture de la conférence organisée à Lomé par le ministère togolais de l’Agriculture, de l’Élevage et du Développement rural, en partenariat avec la FAO, constitue plus qu’un simple événement symbolique : elle marque une volonté affirmée d’aligner la politique nationale de souveraineté alimentaire avec des stratégies d’action collective et d’innovation structurelle. Le thème « Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleurs » dessine une perspective d’action concertée entre producteurs, chercheurs, opérateurs privés et institutions publiques, une logique plus que jamais nécessaire face aux multiples défis que traverse la filière agro-alimentaire togolaise.

Un cadre stratégique déjà posé, mais des défis persistants

Le Togo s’est doté d’un cadre d’intervention dès 2013-2017 sous la forme du Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN) couvrant la période 2017-2026. Ce plan, notamment, mobilise des ressources à hauteur de 750 milliards FCFA selon la base de données Climate Laws. L’agriculture emploie plus de 60 % de la population active et représente un pilier socio-économique essentiel.

Malgré cela, plusieurs indicateurs restent préoccupants : faible mécanisation (moins de 1 % des exploitants ont accès à l’irrigation selon le rapport ProMAT) ; usage limité de fertilisants, semences améliorées et équipements modernes. Ces contraintes pèsent sur la productivité, la valeur des cultures et plus largement sur la capacité du pays à garantir une alimentation suffisante, nutritive et stable pour tous.

ProMAT : vers une agriculture orientée marché et résiliente

L’annonce du programme ProMAT en 2025-2034 marque une montée en puissance. Financé par la Banque mondiale à hauteur de 300 millions USD (~165 milliards FCFA), ce programme prévoit notamment l’irrigation de 7 200 hectares, la gestion durable de 50 000 hectares, et l’appui à plus de 340 000 agriculteurs (dont 114 000 femmes et 102 000 jeunes). Le plan vise à faire du Togo « un hub régional de l’agro-industrie et de la nutrition animale ».

Cette orientation marque un glissement profond : de l’agriculture de subsistance vers des chaînes de valeur orientées vers le marché, avec mécanisation, irrigation, transformation locale et intégration des jeunes et des femmes dans ces dynamiques. Lors de la conférence, le directeur de la production agricole a rappelé que l’union des savoirs empiriques et scientifiques, la valorisation locale et la consommation de produits locaux constituaient le cœur de la souveraineté alimentaire.

Vers une action collective et intégrée

L’événement à Lomé a donné une plateforme aux chercheurs et institutions : par exemple, l’ingénieur agroalimentaire de l’Institut togolais de recherche agronomique (ITRA) a souligné l’importance de l’économie circulaire, de la réduction des pertes post-récoltes, de l’équipement de stockage et de transformation afin de renforcer la chaîne agro-alimentaire. Ces maîtres-mots traduisent la conscience que la production seule ne suffit plus ; encore faut-il consolider les maillons post-récolte, la transformation et l’accès aux marchés.

Le partenariat public-privé, l’innovation (digitale, logistique, agronomique), et la gouvernance sont également au centre du débat. La thématique « main dans la main » suggère que les actions sectorielles ne peuvent réussir en silo. Les institutions nationales, les coopératives agricoles, le secteur privé, la recherche et les bailleurs doivent travailler de concert.

Pourquoi est-ce important ?

L’économie ouest-africaine est confrontée à des enjeux multiples : croissance démographique, urbanisation rapide, vulnérabilité climatique, dépendance aux importations alimentaires, et pression sur les systèmes agricoles traditionnels. Dans ce contexte, l’expérience togolaise révèle plusieurs dimensions structurantes.

D’abord, la notion de sécurité alimentaire n’est plus seulement liée à la production agricole, mais s’étend à la souveraineté alimentaire : produire localement, transformer localement, consommer localement. Le Togo affirme à travers ses programmes que cette vision doit s’inscrire dans la logique de valeur ajoutée, de création d’emplois et de stabilité.

Ensuite, l’action collective est nécessaire : l’agriculture, la transformation, la logistique, la recherche, la finance, la gouvernance doivent être articulés. Le format « conference-débat » mobilisant chercheurs, institutions et privés est un pas en ce sens.

Enfin, l’innovation et la modernisation du secteur agricole, irrigation, mécanisation, données, chaînes de valeur, sont indispensables pour que les États de la région se libèrent de la dépendance aux importations alimentaires et deviennent compétitifs. Le Togo, dans cette dynamique, peut servir de modèle pour d’autres États de la sous-région.

En somme, mieux appréhender et piloter la transformation du système alimentaire togolais est une condition clé pour renforcer la croissance, la résilience climatique, et l’inclusion économique. Les pays ouest-africains doivent prendre note : l’agriculture moderne n’est plus optionnelle, elle est stratégique.

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