Forum GFRAS 2025 : le Sénégal mise sur le conseil agricole pour asseoir sa souveraineté alimentaire
Les points clés :
Le Global Forum for Rural Advisory Services (GFRAS) se tiendra du 11 au 13 novembre 2025 à Dakar, Sénégal.
Le thème retenu est « Les services de conseil rural dans l’enseignement supérieur et dans les politiques agricoles ».
Le Sénégal engage cette initiative comme « un acte politique fort » pour placer le conseil agricole au cœur de sa stratégie de souveraineté alimentaire.
Au cœur de Dakar, au Sénégal, se prépare un événement majeur pour l’agriculture et le développement rural en Afrique : la 15ᵉ réunion annuelle du Forum mondial pour le conseil agricole et rural, organisée par GFRAS. Le rendez-vous est fixé du 11 au 13 novembre 2025, à Diamniadio, au Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD). Cette manifestation ne se limite pas à un rassemblement d’experts, elle symbolise une ambition nationale du Sénégal : ériger le conseil agricole non comme un simple maillon technique, mais comme un levier central de transformation des systèmes agro-alimentaires, de souveraineté et d’innovation.
Le contexte est clair : les services de conseil agricole et rural (SCR) constituent aujourd’hui un facteur de productivité, d’innovation, de résilience face aux chocs environnementaux et une passerelle vers une agriculture modernisée et inclusive. Comme l’a souligné M. Alpha Ba, secrétaire d’État en charge des coopératives et de l’encadrement paysan, « accueillir ce grand rendez-vous mondial n’est pas seulement un privilège, mais un acte politique fort qui traduit l’engagement du Sénégal à placer le conseil agricole et rural au cœur de sa stratégie de souveraineté alimentaire ».
L’édition 2025 du GFRAS portera sur le thème intitulé « Rural advisory services in higher education and in agricultural policies and programmes », mettant ainsi l’accent sur la connexion indispensable entre enseignement supérieur, recherche, services de conseil et politiques agricoles. Cette orientation traduit une compréhension renouvelée que le conseil moderne ne se limite pas à la formation sur le terrain : il doit être intégré dans la gouvernance, l’éducation, l’innovation numérique, l’agroécologie et la gestion territoriale.
Pour le Sénégal, ce forum s’inscrit dans sa « Vision Sénégal 2050 », qui vise à faire de l’agriculture et de l’agroalimentaire l’un des quatre moteurs de croissance et d’emploi national. Le document officiel note que le secteur contribue à 15,5 % du PIB et mobilise près de 60 % de la population active rurale. Il est donc logique que le pays fasse du conseil agricole un pilier stratégique.
Par ailleurs, le forum rassemblera environ 250 participants issus des secteurs public, privé et de la société civile, venant d’Afrique et d’ailleurs. Ces acteurs échangeront sur des ateliers, des visites de terrain, des programmes éducatifs, des modèles de conseil, et des politiques publiques innovantes.
La tenue de ce forum coïncide aussi avec une période où les contraintes agricoles se complexifient : changement climatique, fragmentation des chaînes de valeur, transformation numérique, pression démographique, et nécessité de valoriser les filières locales. Dans ce cadre, les services de conseil agricole apparaissent comme une interface indispensable entre le producteur, l’innovation technologique, l’organisation coopérative et les marchés. Le forum du Sénégal s’annonce donc comme un moment charnière pour repositionner le rôle des organisations paysannes, des plateformes de formation, des institutions de recherche et des autorités publiques.
Un élément à souligner : l’inscription du thème du conseil dans le cadre de l’enseignement supérieur. Cela montre que le Sénégal et GFRAS entendent professionnaliser cette fonction : former des conseillers agricoles compétents, intégrer les modules de conseil dans les cursus universitaires et techniques, et développer des systèmes de gouvernance et de suivi. Cette logique s’appuie sur la reconnaissance que l’agriculture ne peut plus se contenter d’un transfert simple de technologie : elle requiert un accompagnement stratégique, calibré, digitalisé et territorial.
De surcroît, pour le Sénégal, ce forum est un vecteur diplomatique et de confiance. Il met le pays au centre d’un débat global sur l’agro-écologie, l’innovation rurale et les systèmes alimentaires. Il permet aussi d’attirer des partenariats internationaux, de valoriser des acteurs locaux et de renforcer l’écosystème agro-innovant. Un tel effet-levier ne doit pas être sous-estimé.
En pratique, la préparation du forum impose au Sénégal de structurer des mesures concrètes : renforcer les organisations paysannes, mettre en place une politique nationale de conseil agricole inclusif, développer la numérisation des services, assurer la formation, et procurer les outils logistiques et de financement nécessaires aux conseillers et aux producteurs. Cela implique une montée en compétences et une transformation institutionnelle.
Enfin, la dimension rurale du conseil est centrale : il s’agit d’animer les territoires, d’articuler les chaînes de valeur agricoles, d’aider à l’introduction de pratiques agro-écologiques, de structurer la gouvernance locale, de réduire les pertes post-récolte, d’améliorer l’accès aux intrants et aux marchés. Le forum affiche cette ambition d’un conseil agricole modernisé pour des exploitations familiales plus performantes, plus résilientes et mieux intégrées aux économies régionales.
Pourquoi est-ce important ?
Pour l’économie ouest-africaine, l’organisation de ce forum au Sénégal n’est pas qu’un événement symbolique : c’est une boussole pour l’action. Premièrement, en plaçant le conseil agricole et rural au cœur de la stratégie, le Sénégal montre que l’industrialisation du secteur agricole ne passe plus uniquement par les machines ou les intrants, mais par le capital humain, les organisations paysannes, la diffusion de l’innovation et la structuration des territoires.
Deuxièmement, cette démarche nourrit la souveraineté alimentaire régionale. Dans une zone où la dépendance aux importations demeure forte, renforcer les services de conseil revient à améliorer la productivité, la diversification des filières, la résilience aux aléas climatiques, et la performance économique des exploitations rurales, ce qui a des effets directs sur les emplois ruraux, la réduction de la pauvreté et la stabilité sociale.
Troisièmement, pour les autres pays de l’espace de l’Union économique et monétaire ouest‐africaine (UEMOA) et de la CEDEAO, le Sénégal pose un modèle. En mettant l’accent sur le conseil agricole inclusif et professionnel, il illustre une voie de transformation structurelle que d’autres peuvent suivre. Le partage de bonnes pratiques, les échanges lors du forum, et les partenariats qui en découleront auront un effet d’entraînement.
Enfin, à l’heure de la transition écologique, des enjeux climatiques et de la digitalisation, les services de conseil revêtent un rôle stratégique pour ajuster les pratiques agricoles, intégrer les technologies numériques, développer l’agroécologie, mobiliser les jeunes et les femmes, et assurer un développement agricole durable. Ce sont autant de conditions pour que l’agriculture devienne un moteur de la croissance inclusive et de l’économie de demain.
En résumé, le forum de Dakar est plus qu’un rendez-vous : c’est un signal fort que l’agriculture ouest-africaine, par le biais du conseil et de l’innovation, veut tourner la page d’une simple production vers une transformation durable, territorialisée et intégrée.