Togo : avec GEST-EXO, l’OTR digitalise les exonérations douanières, vers un guichet unique en ligne

La plateforme GEST-EXO ne sort pas de nulle part (Crédit image : OTR)


Les points clés :

  • Le 30 septembre 2025, l’Office Togolais des Recettes (OTR) a lancé GEST-EXO, une plateforme numérique pour gérer les demandes d’exonération et franchise douanière en ligne.

  • La future obligation d’usage débute le 1ᵉʳ janvier 2026 : passé ce délai, aucun dossier papier ne sera accepté.

  • GEST-EXO s’intègre automatiquement au système douanier SYDONIA, avec traçabilité complète et alertes en temps réel.


Au Togo, une réforme douanière d’envergure entre en application : l’OTR inaugure GEST-EXO, un outil numérique permettant aux opérateurs économiques de demander des exonérations et franchises douanières en un clic, en abandonnant progressivement les lourdeurs du papier et les files d’attente en bureaux. Cette digitalisation s’inscrit dans la logique plus large de modernisation du système fiscal togolais, de réduction de la fraude, de gain d’efficacité administrative et de renforcement de la confiance des investisseurs. Si le pari de la fiabilité technique, de l’adoption par tous et de la garantie contre les blocages est gagné, le Togo peut franchir un cap dans la facilitation des échanges et la gouvernance douanière. 

GEST-EXO : fonctionnement, avancées et modalités

À compter du 30 septembre 2025, GEST-EXO est officiellement opérationnel. Dès cette date, les opérateurs économiques (entreprises, importateurs, exportateurs) peuvent déposer leurs requêtes d’exonération ou de franchise via une interface web sécurisée. Lors du lancement, le Commissaire des Douanes et Droits Indirects (CDDI), Atta-Kakra Essien, a précisé que la plateforme assure une gestion fluide des demandes, de leur soumission jusqu’à la transmission automatique au système douanier SYDONIA.

Le fonctionnement repose sur plusieurs innovations : d’une part, chaque étape du dossier est traçable, avec des alertes en temps réel pour informer l’utilisateur (acceptation, rejet ou demande de complément). D’autre part, GEST-EXO est interconnecté à SYDONIA, la plateforme douanière utilisée pour les déclarations de marchandises et contrôles. L’objectif est que la demande d’exonération ne soit plus une étape distincte au format papier, mais un passage fluide dans le flux douanier numérique.

Une période transitoire de trois mois est prévue (jusqu’à fin 2025) pour que les opérateurs terminent les dossiers déjà engagés selon l’ancienne procédure. Passé le 1ᵉʳ janvier 2026, tout dossier devra impérativement être soumis via GEST-EXO, aucun dossier physique ne sera plus accepté.

La plateforme est accessible sans coût complémentaire pour l’utilisateur, hormis la quittance normale de 5 000 F CFA, applicable comme auparavant. Le mécanisme vidé l’enrôlement d’actions manuelles, réduit les délais de transmission, et minimise les erreurs dues aux manipulations papier.

Contexte de réforme douanière au Togo et synergies numériques

GEST-EXO ne sort pas de nulle part : il s’inscrit dans une stratégie progressive de digitalisation de l’administration togolaise. Depuis juin 2025, l’OTR a digitalisé le laissez-passer pour les marchandises, ainsi que d’autres services en ligne comme la création de NIF ou le paiement de la TVM (Taxe sur les Véhicules à Moteur).

Dans le secteur des produits pétroliers, une réforme stricte est déjà en place depuis le 1ᵉʳ juillet 2025 : tout camion quittant un terminal pétrolier doit déposer une déclaration douanière détaillée via SYDONIA World avant départ. Cette exigence vise la traçabilité, la lutte contre la fraude, et la transparence sur les flux de carburants.

Sur le plan des engagements de réforme, le Togo a explicitement inscrit dans ses matrices de réformes (par exemple la "Reform Matrix 2022") l’objectif de renforcer l’évaluation des importations et le contrôle des exonérations douanières via des outils numériques.

Par ailleurs, des études antérieures sur le cas togolais montrent que l’OTR a déjà amorcé une transformation numérique. Le rapport “Using Digital Technologies to Improve Tax Collection – The Case of Togo” (ICTD) relève que l’OTR a adopté des e-services (via TMoney, Flooz) et que cela a facilité les déclarations fiscales, amélioré la conformité et réduit les coûts de conformité. Toutefois, les défis demeurent : financement limité, compétences IT, résistance au changement, problèmes de connectivité.

Dans le contexte du commerce international, l’importance d’une interopérabilité numérique dans les douanes est largement documentée. Par exemple, les systèmes ASYCUDA (dont SYDONIA est une déclinaison) sont cités comme des piliers de la simplification douanière, de la réduction des erreurs, de la traçabilité des documents et de l’interconnexion entre opérateurs et administrations, dans le rapport ASYCUDA 2024.

Le Togo, en automatisant l’exonération via GEST-EXO, met en pratique les principes de facilitation du commerce mis en avant par la communauté internationale : réduire les obstacles non tarifaires, gagner en transparence, fluidifier les échanges. (Doing Business – volet “Trading across Borders”).

Avantages attendus, risques et défis de mise en œuvre

Le principal avantage attendu est le gain de temps : les demandes qui aujourd’hui peuvent prendre des semaines (entre vérifications, allers et retours entre bureaux) pourraient être traitées en quelques jours, voire quelques heures, selon la complexité du dossier. AllAfrica signale que ce nouveau système peut transformer des démarches longues en opérations « en quelques minutes ».

La transparence est un autre atout : en rendant traçables les étapes du dossier, le système réduit les possibilités de blocages arbitraires ou de circuits informels. L’alerte en temps réel assure que l’opérateur est informé de chaque décision, réduisant l’opacité.

Par intégration à SYDONIA, GEST-EXO garantit cohérence entre demandes d’exonération et déclaration de marchandises, limitant les incompatibilités ou les décalages des bases de données. La synergie numérique renforce la cohérence administrative.

Pour le secteur privé, cette réforme peut être un signal favorable : un environnement administratif plus prévisible, rapide et moins sujet aux surcoûts induits par les lenteurs ou les intermédiaires informels. Cela peut rendre le Togo plus attractif pour les investisseurs qui recherchent des cadres fiables et digitalisés.

Cependant, les défis ne sont pas négligeables. Le premier risque est l’adoption généralisée : les opérateurs, en particulier les plus petits, doivent se familiariser avec la plateforme, disposer de connexion internet, maîtriser les outils numériques. L’OTR devra fournir un accompagnement, des sessions de formation et des supports de terrain.

La robustesse technique de GEST-EXO est cruciale : toute panne, bogue ou dysfonctionnement dans les moments critiques pourrait générer des blocages massifs et une perte de confiance. L’architecture doit supporter les pics de trafic, garantir la sécurité des données, la continuité de service, et la résilience face aux attaques ou tentatives de fraude.

Un autre défi est de s’assurer que le système ne devienne pas une nouvelle source de blocage : si les conditions d’acceptation, les critères, ou les vérifications automatiques sont trop stricts ou opaques, les opérateurs peuvent subir des refus fréquents ou des demandes de compléments exagérées, ce qui annulerait l’effet de simplification.

Enfin, la transition nécessite une vision à long terme de maintenance (mise à jour logicielle, support technique, financement durable) et une gouvernance solide (contrôles, audits, recours en cas de litige). Le système dépendra aussi de la qualité de l’intégration avec SYDONIA et de la synchronisation avec les autres services de l’État.

Scénarios et opportunités pour le Togo

Si GEST-EXO fonctionne comme prévu, le Togo pourrait franchir un seuil dans la facilitation des échanges. Le port autonome de Lomé, qui ambitionne de devenir un hub logistique régional, pourrait bénéficier d’un cadre douanier plus rapide et prévisible, favorisant les transitaires, les importateurs et les exportateurs. Une réduction des délais et des coûts induits pourrait renforcer la compétitivité des marchandises togolaises dans la sous-région.

La digitalisation des exonérations est également un instrument de lutte contre la corruption dans les chaînes de dispense des privilèges fiscaux. En automatisant les trajectoires, en documentant les décisions, en réduisant les contacts humains (et les marges possibles), le système peut contribuer à restaurer la confiance entre opérateurs et administration.

La réforme peut aussi servir de laboratoire pour le réflecteur régional : d’autres pays de l’UEMOA ou de la CEDEAO pourraient observer, adapter et adopter des systèmes comparables. Une convergence numérique des procédures douanières (exonérations, franchissements, transit) pourrait émerger à terme, renforcer l’intégration régionale.

Dans le court terme, l’effet sur les recettes fiscales pourrait être positif si les exonérations maljustifiées ou frauduleuses sont réduites, les contrôles renforcés, et les demandes abusives filtrées. En revanche, si les exonérations légitimes sont ralenties ou bloquées, cela pourrait freiner certaines activités économiques, surtout dans les secteurs dépendant d’importations d’équipements ou intrants exonérés.

Le pari est que l’innovation administrative devienne un levier réel de croissance et de performance publique. Si le Togo réussit cette transition numérique, il renforcera sa crédibilité auprès des partenaires, bailleurs et investisseurs.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que la mise en ligne de GEST-EXO n’est pas simplement un acte technique, mais une rupture administrative potentielle dans la gouvernance douanière togolaise. En passant du papier au numérique, le Togo ambitionne de réorienter la relation entre l’État et les opérateurs vers davantage de transparence, d’efficience et de confiance.

Dans le cadre de l’économie ouest-africaine, ce type de réforme est un levier stratégique pour renforcer les corridors commerciaux internes, réduire les délais de transit, harmoniser les pratiques dans l’espace UEMOA et améliorer l’attractivité logistique du Togo. D’autres pays de la région pourraient s’inspirer de cette démarche pour digitaliser leurs procédures d’exonération, franchissement ou transit.

Sur le plan macroéconomique, une administration douanière plus efficace peut contribuer à augmenter les recettes publiques, réduire les pertes liées à la fraude ou aux dysfonctionnements, et renforcer la capacité de l’État à investir dans des infrastructures, la santé, l’éducation.

Néanmoins, ce succès dépendra de la capacité de l’OTR à accompagner les acteurs, à garantir la stabilité technique, à répondre aux défis de connectivité, de formation, de mise à jour continue, et de résilience aux cyberrisques. L’adoption par l’ensemble des opérateurs, y compris les plus petits, sera déterminante pour que GEST-EXO devienne un outil structurant et non un simple gadget administratif.

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