Burkina : 104 milliards FCFA mobilisés pour une offensive agropastorale « made in Faso »


Les points clés :

  • Le gouvernement burkinabè alloue plus de 104 milliards FCFA à la campagne agropastorale 2025-2026 pour soutenir le monde rural.

  • Les objectifs de production fixés sont ambitieux : 7 millions t de céréales, 1 514 280 t de cultures de rente, 830 081 t d’autres cultures vivrières, 617 876 t de viande, 100 000 t de poissons, 208,5 millions de litres de lait, 121,2 millions de tonnes d’œufs.

  • La stratégie combine intrants subventionnés (15 000 t de semences, 70 000 t d’engrais), équipements (608 tracteurs, 1102 motoculteurs) et infrastructures (25 000 ha de bas-fonds réhabilités, 185 forages à gros débit).


Au Burkina Faso, l’heure est à la mobilisation massive des moyens pour transformer en profondeur le monde rural. L’annonce faite par le ministre de l’Agriculture de plus de 104 milliards de FCFA d’investissements pour la campagne 2025-2026 marque un tournant dans l’ambition de souveraineté alimentaire du pays.

Cette enveloppe sans précédent s’inscrit dans le cadre de l’« Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 » et de l’initiative présidentielle pour l’autosuffisance alimentaire. Le président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, a officiellement remis les clés de ce dispositif à Bobo-Dioulasso le 22 mai 2025, devant les acteurs du secteur rural.

Le programme est vaste : 7 millions de tonnes de céréales attendues, 1 million 514 280 t de cultures de rente, 830 081 t d’autres cultures vivrières, 617 876 t de production animale (viande), 100 000 t de poissons, 208,525 millions de litres de lait et 121,207 millions de tonnes d’œufs. Ces chiffres témoignent de l’intention de couvrir à la fois les besoins alimentaires et de renforcer les filières structurantes.

Pour y parvenir, le dispositif prévoit des intrants et équipements massifs : 15 000 t de semences, 70 000 t d’engrais minéraux, produits phytosanitaires, 608 tracteurs, 1102 motoculteurs, 485 motopompes, 29 969 tubes PVC, 315 kits d’irrigation, etc. Sur le plan des ressources animales, 2 250 noyaux reproducteurs de petits ruminants, 2 794 kits de volaille, 1000 animaux d’embouche et plus de 67 millions de doses de vaccins vétérinaires sont mobilisés.

Le volet infrastructure n’est pas négligé : plus de 25 000 ha de bas-fonds aménagés ou réhabilités, dont 15 000 ha en aménagement sommaire, et près de 185 forages à gros débit ont été réalisés pour garantir l’accès à l’eau et renforcer l’irrigation.

Sur le plan institutionnel, le gouvernement a annoncé plusieurs réformes majeures pour structurer les filières et moderniser les modes de production et de transformation. La création du Conseil burkinabè des filières agropastorales et halieutiques (CBF), de l’Agence Faso Abattoir (AFA), la restructuration de la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS), la mise en place du Fonds de souveraineté alimentaire « Fonds Dumu Ka Fa » et de la Société burkinabè d’intrants et matériels agro-pastoraux (SOBIMAP) font partie des mesures annoncées.

Cependant, comme tout plan ambitieux, plusieurs défis doivent être relevés. Le démarrage tardif de la campagne dans certaines zones a été signalé, ce qui pourrait réduire l’effet des mesures si la pluviométrie ou les conditions climatiques ne suivent pas. Par ailleurs, l’absorption des intrants, l’entretien des équipements, et la transformation locale restent des maillons faibles qu’il faudra suivre de près.

Reconnaître ces risques ne diminue pas l’importance de l’effort : c’est un signal clair que le Burkina Faso entend passer d’une logique de simple production à une logique de « système agropastoral complet », intégrant mécanisation, irrigation, élevage, transformation et stockage.

Pourquoi est-ce important ?

Pour l’Afrique de l’Ouest, l’initiative burkinabè présente trois grands enjeux. D’abord, elle met en lumière la montée en puissance de politiques orientées vers la souveraineté alimentaire, dans une région souvent dépendante des importations alimentaires et fragile face aux chocs climatiques et sécuritaires. Le fait que des États mobilisent des sommes de l’ordre de >100 milliards FCFA pour le rural témoigne d’un renouveau stratégique.

Ensuite, l’investissement massif dans les intrants, l’irrigation et l’élevage traduit la volonté de diversifier l’économie rurale, d’accroître la productivité, de réduire les pertes post-récolte et d’intégrer davantage de valeur ajoutée locale. Pour les pays voisins de l’UEMOA ou de la CEDEAO, il s’agit d’un modèle à suivre ou au minimum à prendre en compte : l’intégration régionale des chaînes de valeur pourrait bénéficier de telles politiques.

Enfin, sur le plan économique et social, ce dispositif peut contribuer à créer des milliers d’emplois en zones rurales, à renforcer les revenus des producteurs, à réduire la pauvreté rurale et à stabiliser les territoires. Dans un contexte où les crises sécuritaires, sanitaires et climatiques s’accumulent, la transformation structurelle du monde rural devient un pilier de développement et de résilience pour toute la sous-région.

En somme, le Burkina Faso ne mène pas seulement une campagne agricole : il engage un changement de paradigme où le rural devient un moteur et non plus un secteur résiduel. Cette vision mérite d’être observée de près, évaluée et peut-être reproduite ailleurs en Afrique de l’Ouest.

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