UEMOA : l’Union vise un déficit à 3,2 % du PIB en 2026, portée par une croissance vigoureuse et une inflation contenue

Les points clés :

  • Le déficit budgétaire de l’UEMOA devrait reculer de 5,1 % en 2024 à 3,2 % du PIB en 2026, selon les projections officielles.

  • La zone enregistre une croissance de 6,5 % au T2 2025 et une inflation de 0,6 % au même trimestre, contribuant à restaurer les équilibres.

  • Les orientations de politique reposent sur une meilleure mobilisation fiscale, une maîtrise des dépenses et un soutien aux investissements structurants.

Dans un contexte mondial troublé par les incertitudes géopolitiques, la montée des coûts de financement et les chocs sur les matières premières, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) fait le pari d’un assainissement macroéconomique mesuré mais ambitieux. Lors de son Conseil des ministres du 6 octobre 2025 à Dakar, le président du Conseil, Amadou Coulibaly, ministre ivoirien de l’Économie et des Finances, a dévoilé des projections qui, si elles se confirment, pourraient redessiner le profil macroéconomique de la zone : un déficit budgétaire ramené à 3,2 % du PIB en 2026, une croissance maintenue autour de 6,3 % et une inflation maîtrisée à 1,2 %. Ces chiffres illustrent la combinaison d’un contexte interne porteur, consommation, investissements, infrastructures, et d’une discipline budgétaire remontée en priorité.

Des tendances lourdes : croissance, inflation et finances publiques

Les performances récentes de l’UEMOA sont encourageantes. Selon les données officielles, la croissance du PIB a atteint 6,5 % au deuxième trimestre 2025, légèrement inférieure au 7,0 % du trimestre précédent. Ces résultats traduisent une dynamique de l’activité soutenue.

La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans sa Note de conjoncture économique d’avril 2025 évoque même des taux de croissance de 7,3 % sur certains trimestres, signe de la vivacité observée dans plusieurs pays membres.

Sur le front des prix, l’inflation a affiché une décrue marquée. Au deuxième trimestre 2025, le taux glissement annuel ressort à 0,6 %, contre 2,2 % au trimestre antérieur. En moyenne annuelle, les projections placent l’inflation à 1,2 % en 2025, contre 3,5 % en 2024.

Cette modération des prix trouve ses sources dans une offre vivrière suffisante dans la zone, la baisse des prix mondiaux des produits énergétiques et alimentaires importés, ainsi que l’ajustement des prix des carburants.

Du côté des finances publiques, l’UEMOA entrevoit un chemin de consolidation. Le déficit budgétaire global de la zone est passé de 5,1 % du PIB en 2024 à un chiffre projeté de 3,7 % en 2025, avant de viser 3,2 % en 2026. Ces projections sont rendues crédibles par la volonté affichée des États membres de renforcer la mobilisation des recettes fiscales et de mieux maîtriser les dépenses publiques.

Les États membres expliquent que la réduction progressive du déficit sera le fruit d’une discipline budgétaire renforcée, assortie de réformes fiscales et d’optimisation dans l’exécution des dépenses publiques.

Mécanismes d’ajustement et leviers mobilisés

Pour parvenir à cette trajectoire de redressement, l’UEMOA compte sur plusieurs leviers. Le premier est la mobilisation accrue des recettes fiscales. Le FMI souligne que beaucoup d’États de la zone s’orientent vers des stratégies de recouvrement plus agressives, une extension de l’assiette fiscale et un renforcement des contrôles (ex : formalisation, lutte contre l’évasion).

Un autre levier est la rationalisation des dépenses publiques : priorisation des dépenses sociales et infrastructurelles, réduction des gaspillages, contrôle des engagements. Le Conseil ministériel a pour mission de surveiller l’exécution de ces orientations en 2026.

Par ailleurs, la croissance robuste de la zone crée un effet favorable : la consommation intérieure, porteur de dynamisme, contribue à élargir la base fiscale (TVA, impôts indirects). Les investissements publics, notamment dans les infrastructures énergétiques et de transport, représentent une composante clef du modèle de croissance retenu.

Une autre dimension essentielle est la stabilité monétaire. En contexte de faible inflation, la BCEAO conserve ses taux directeurs inchangés (refinancement à 3,25 %, facilité marginale à 5,25 %) pour soutenir les conditions de crédit dans l’UEMOA. Cette stabilité pousse à rassurer les marchés et limite la pression sur le coût de la dette.

Enfin, l’amélioration du solde extérieur joue un rôle de soutien : la zone bénéficie de flux de devises renforcés, notamment via des exportations d’hydrocarbures et des ressources extérieures mobilisées par certains États. Cette amélioration contribue à atténuer les contraintes de financement externe et à stabiliser les balances de paiement.

Risques, incertitudes et contraintes à surmonter

Toute trajectoire de redressement macroéconomique est soumise à des risques. En premier lieu, la dépendance aux chocs externes prix des matières premières, coût du crédit international, volatilité des devises peut fragiliser le scénario. Une remontée des taux mondiaux ou une détérioration des termes de l’échange pourrait renchérir le service de la dette et peser sur les marges budgétaires.

Ensuite, les projections de recettes fiscales reposent sur des succès de réforme dans des environnements hétérogènes : certains États rencontrent des contraintes structurelles (faible base formelle, économie informelle dominée). La mise en œuvre effective meilleure collecte, transparence, lutte contre l’évasion peut buter sur des résistances institutionnelles ou fiscales.

La maîtrise des dépenses, notamment dans les dépenses obligatoires (salaires, subventions) ou dans les projets d’investissement, nécessite une planification prudente. Si certains États ne parviennent pas à contenir les dérives, le redressement pourrait s’amoindrir.

L’autre contrainte est la soutenabilité de la dette publique. Même si le déficit se réduit, le stock de dette reste élevé dans plusieurs États, avec des coûts de service sensibles. Le Trésor des États pourrait être confronté à des arbitrages difficiles entre investissement, social et dépenses de fonctionnement.

Enfin, la cohérence entre États membres dans la zone est un défi : les divergences de performance budgétaire, de stabilité politique ou de capacités institutionnelles peuvent créer des tensions. L’Union doit veiller à ce que les États les plus fragiles ne déséquilibrent pas le socle commun.

Comparaisons régionales et approche du plafond de 3 %

La trajectoire ciblée de déficit à 3,2 % du PIB en 2026 se rapproche du plafond communautaire de 3 % souvent cité dans les critères de convergence monétaire. Le FMI et les bailleurs recommandent une discipline rigoureuse pour préserver la crédibilité de l’UEMOA.

Dans d’autres régions d’Afrique, certains États cherchent également à ramener leurs déficits par une combinaison de réformes fiscales et d’austérité modérée. Mais la stabilité conjointe de la zone (monnaie partagée, intégration) impose un ajustement coordonné.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que ce scénario d’ajustement incarne une stratégie de résilience collective pour l’UEMOA. En adoptant un cap de déficit modéré et en misant sur la croissance, la zone cherche à restaurer ses marges macroéconomiques, à renforcer sa crédibilité auprès des marchés internationaux et à créer un cadre stable pour l’investissement régional.

Pour les États membres, cela signifie disposer d’une marge de manœuvre pour financer les infrastructures, les services sociaux, tout en évitant une spirale de dette excessive. La stabilité des prix, si elle se confirme, améliore le pouvoir d’achat, réduit les incertitudes pour les entreprises et accroît l’attrait pour les capitaux.

Régionalement, ce modèle d’assainissement peut servir de repère aux autres unions économiques africaines ou aux États hors zone CFA. Il souligne l’importance de la convergence macroéconomique dans les zones monétaires partagées et la valeur d’une discipline commune.

Cependant, le défi est de taille. Le chemin sera fragile et dépendra de la sincérité des réformes, de la capacité à surmonter les chocs externes, et de la solidarité entre États. Si la trajectoire est respectée, l’UEMOA renforcera sa stabilité, sa compétitivité et son rôle dans l’économie ouest-africaine. Si elle flanche, les risques de déséquilibres monétaires, budgétaires, financiers redeviendront prégnants.

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