Togo : 100 jeunes formés à la mécanisation agricole, un levier pour moderniser l’agriculture rurale
Les points clés :
Le Togo achève la formation de 100 jeunes conducteurs et opérateurs de tracteurs, répartis entre Kara (50) et Tové (50), dans le cadre de sa stratégie nationale de mécanisation.
Cette formation, d’une durée d’environ trois mois, couvre conduite, entretien, labour, semis et maintenance d’engins agricoles.
L’initiative s’inscrit dans une politique plus large de déploiement de tracteurs et d’accessoires agricoles dans les préfectures, à un coût fixé à 40 000 FCFA/ha.
Le 7 octobre 2025, le Togo a franchi une étape marquante dans sa stratégie de modernisation agricole en remettant les certificats à une deuxième vague de jeunes formés à la conduite et la maintenance d’engins agricoles, à l’Institut national de formation agricole (INFA) de Tové. Cette action, menée conjointement par l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et le ministère de l’Agriculture, s’inscrit dans une dynamique de mécanisation croissante du secteur rural. Alors que le pays fait face à des défis structurels, faible mécanisation, déficit en compétences, contraintes dans l’accès aux équipements, l’initiative vise à créer une réserve de techniciens qualifiés pour accompagner les agriculteurs dans un virage technique souvent inachevé.
Le dispositif de formation : modalités, contenu et bénéficiaires
La formation a été réalisée en deux sessions complémentaires. La première s’est tenue au centre SCOOPS BON COURAGE de Kara, dans le nord, où 50 jeunes issus des régions des Savanes, Kara et centrale ont suivi une session de deux à trois mois, incluant théorie, pratique, maintenance, code de route, secourisme et entrepreneuriat agricole. Les participants ont reçu leurs certificats le 18 août 2025.
La seconde session, à INFA Tové, a concerné 50 jeunes des régions maritime et plateaux, avec le même programme intensif couvrant conduite d’engins (tracteurs, remorques, charrues, pulvérisateurs), techniques de labour, semis, entretien, maintenance. Le 7 octobre 2025, une cérémonie officielle a marqué la remise des certificats de cette formation.
L’ANPE souligne que cette formation est “qualifiante” et conçue pour répondre à un besoin réel du marché : un manque criant de ressources humaines compétentes dans la conduite et l’entretien des équipements agricoles.
L’INFA de Tové, structure de référence en formation agricole, offre déjà des cursus Bac Pro Agroéquipement, licence pro, etc., ce qui confère une assise institutionnelle au dispositif.
Contexte politique et stratégique : la stratégie nationale de mécanisation
Cette action ne surgit pas de nulle part mais s’inscrit dans un cadre plus vaste : en juin 2025, le ministère de l’Agriculture a annoncé le déploiement de tracteurs et accessoires agricoles dans les directions régionales et préfectures. Ces équipements seront mis à disposition des agriculteurs sous forme de prestations de service, avec un tarif fixé à 40 000 FCFA/ha.
Cette mesure s’inscrit dans la vision du gouvernement visant à améliorer les rendements agricoles, stimuler la mécanisation et réduire les coûts de main-d’œuvre manuelle. Le ministère a recommandé l’organisation par zone, avec des demandes groupées, pour optimiser la logistique liée au déplacement des tracteurs.
Par ailleurs, le Togo a engagé des partenariats internationaux pour structurer la formation en agroéquipement. Le programme EVOFIA, avec l’appui de l’Agence technique agricole (ATA), prévoit de former 400 primo-apprenants en mécanique agricole d’ici 2030 pour soutenir l’entretien du parc public et privé d’engins (estimé à plus de 150 machines).
Cette stratégie combine l’approche de formation avec la mise à disposition des équipements, pour créer un écosystème durable de mécanisation.
Enjeux, défis et leviers de réussite
L’enjeu fondamental est double : d’une part, répondre au besoin en techniciens capables de conduire, maintenir et réparer les tracteurs, et d’autre part, s’assurer que ces compétences soient mobilisées efficacement sur le terrain, en particulier dans les zones rurales les plus isolées.
Un défi immédiat est l’absorption des diplômés : les bénéficiaires doivent trouver des débouchés, que ce soit auprès des coopératives, des services de mécanisation régionaux, ou en tant que prestataires privés. Sans débouchés, le capital humain risque d’être sous-utilisé. Le gouvernement devra prévoir des dispositifs d’insertion, contrats de service agricole ou incitations pour employer ces jeunes.
La maintenance des équipements constitue un autre point critique. Les tracteurs et accessoires exigent un suivi régulier, des pièces de rechange, des ateliers bien équipés. Si ces éléments ne sont pas disponibles localement, la panne pourrait décourager la mécanisation. D’où l’importance de coupler formation avec un soutien à la mise en place d’ateliers de réparation, de chaînes d’approvisionnement de pièces, etc.
La cohérence géographique pose aussi question : les jeunes formés à Kara ou Tové doivent idéalement être déployés dans des zones proches de leur lieu de formation, mais aussi là où les équipements sont acheminés. Un réseau de déploiement bien planifié est essentiel pour éviter des zones “mécanisations désertes”.
La durabilité de l’effort dépendra de l’accompagnement institutionnel, du financement, de la maintenance budgétaire du programme, et de la continuité. Une formation ponctuelle sans renouvellement, sans équipements additionnels ou sans soutien aux opérateurs pourra mener à un effet ponctuel, mais non transformateur.
Enfin, l’acceptabilité sociale, en particulier pour les agriculteurs peu habitués aux machines, doit être soigneusement gérée : sensibilisation, formation des agriculteurs à coopérer avec les opérateurs, sûreté sur les engins, assurance contre les risques, etc.
Effets attendus et retombées
Si l’initiative est bien portée, plusieurs impacts attendus sont probables :
D’abord, amélioration des rendements agricoles par une meilleure préparation des sols, des semis plus réguliers, des travaux optimisés. La mécanisation peut permettre de cultiver plus de surface avec les mêmes ressources humaines, ou d’intervenir au bon moment.
Deuxièmement, réduction de la pénibilité et des délais de travaux agricoles, ce qui libère du temps pour les agriculteurs, augmente leur efficacité et peut réduire les pertes liées au retard de certaines opérations culturales.
Troisièmement, création d’emplois qualifiés en zone rurale : les jeunes formés peuvent devenir des prestataires de services agricoles dans leurs communautés, offrant des services de traction, labour, semis, entretien, etc.
Quatrièmement, sécurisation des investissements publics et privés en matériel : lorsque les opérateurs sont formés, les risques de mauvaise utilisation ou de panne se réduisent, ce qui rend l’investissement en équipements plus sûr.
Enfin, cette démarche renforce la transition vers une agriculture moderne, plus compétitive, mieux connectée aux marchés, ce qui contribue à la sécurité alimentaire nationale, à la réduction de la dépendance aux importations alimentaires et à la valorisation des territoires agricoles.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que ce programme de formation est un acte concret dans la construction d’un secteur agricole modernisé, et pas seulement un effet d’annonce. Dans un pays où l’agriculture reste un pilier économique et social, doter les jeunes ruraux de compétences techniques en mécanisation est une stratégie de long terme fondée sur l’humain.
Pour le Togo, l’initiative rejoint les efforts du gouvernement de rendre l’agriculture plus productive, durable, et de réduire les contraintes liées à la main-d’œuvre manuelle, aux retards dans les opérations agricoles, et aux coûts élevés des services techniques importés. Le fait de professionnaliser les opérateurs facilite aussi l’absorption des équipements déployés (tracteurs, matériels), et diminue le risque de machines inutilisées ou abandonnées.
Au plan régional ouest-africain, cette démarche peut servir de modèle : beaucoup de pays manquent de techniciens qualifiés pour mécaniser à échelle rurale. Le Togo peut exporter ce modèle de formation, renforcer des synergies avec les projets de mécanisation régionaux, ou participer à des échanges de compétences.
Si l’outil est bien financé, maintenu, et si les jeunes trouvent des débouchés, c’est un cercle vertueux : plus d’agriculture productive, plus d’emploi, plus d’attractivité pour le rural, création de services agricoles, meilleure inclusion des jeunes en zone rurale.
Mais le pari tient à la persévérance. Sans suivi, insertion, amélioration des chaînes de valeur, ce type de formation risque de n’avoir qu’un impact limité. Ce qu’on fait aujourd’hui doit être ancré dans un système global de développement agricole. Si le Togo parvient à le faire, il contribuera non seulement à nourrir sa population, mais à positionner son agriculture comme un acteur central du développement économique.