Récoltes records dans l’UEMOA : 74 millions de tonnes de céréales, mais des défis persistants
Les points clés :
La production céréalière de l’UEMOA a atteint environ 74 millions de tonnes en 2024-2025, marquant une hausse de +4,4 % par rapport à la campagne précédente.
Au Togo, la production céréalière s’établit à 1,53 million de tonnes durant la même période, soit un léger recul après plusieurs années de progression.
Malgré ces avancées, des pays comme le Sénégal subissent un fort recul (-54 %) de certaines filières (ex. arachide) à cause des aléas pluviométriques et de la qualité des semences.
Dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la campagne agricole 2024-2025 aura été marquée par un renversement significatif. Après plusieurs années d’augmentation modérée des rendements, la récolte céréalière, principalement maïs, riz, mil et sorgho, atteint un volume estimé à 74 millions de tonnes, selon les informations rapportées. Cette progression de +4,4 % par rapport à la saison 2023-2024 reflète un contexte d’amélioration relative de la production vivrière dans une région souvent exposée aux chocs climatiques et structurels.
Ces données, bien que provisoires, témoignent d’une dynamique encourageante. Toutefois, les chiffres précis nationaux varient considérablement. Au Togo, par exemple, la production céréalière pour cette campagne est de 1,53 million de tonnes, selon des chiffres rendus publics par la BCEAO via les médias spécialisés. Cette légère baisse par rapport aux 1,56 million de tonnes de la saison précédente vient interrompre une tendance de cinq années consécutives de croissance (1,26 million de tonnes en 2019). Elle renvoie directement à des facteurs tels que la disponibilité des intrants, la modernisation des pratiques et la résilience aux aléas.
Au Niger, les données provisoires parlent d’un excédent de plus de 6 millions de tonnes de céréales, avec une augmentation d’environ 900 000 tonnes sur la campagne précédente. Au Burkina Faso, la production de riz a augmenté de 31 %, contribuant à l’élan régional. En revanche, au Sénégal, la production d’arachide, bien qu’elle ne soit pas une céréale, mais fortement liée à l’agriculture vivrière, a chuté de 54 % à 731 000 tonnes dans la campagne 2024-2025 du fait d’un déficit pluviométrique et d’une mauvaise qualité des semences ou des engrais.
Cette évolution contrastée met en lumière à la fois les progrès et les fragilités de l’agriculture régionale. Dans certains pays, l’effort d’augmenter les superficies emblavées, d’améliorer l’accès aux intrants ou de promouvoir des variétés améliorées a porté ses fruits. Dans d’autres, les effets des changements climatiques, l’absence d’accès suffisant aux engrais et la faiblesse de la logistique (transport, stockage, transformation) restent des freins majeurs.
La note de conjoncture de la BCEAO pour septembre 2025 indique explicitement que l’amélioration de la campagne vivrière est « une des raisons de la baisse projetée de l’inflation alimentaire dans l’UEMOA ». Autrement dit, ces résultats agricoles ne sont pas uniquement un bon indicateur pour l’agriculture : ils ont un effet direct sur l’environnement macro-économique, la stabilité des prix, la sécurité alimentaire et les importations de produits céréaliers.
Pour comprendre les défis, il faut s’attarder sur les volumes et la structure de la production. Par exemple, l’« Impact 2030 » de la Commission de l’UEMOA indiquait qu’en 2023 la quantité de production céréalière enregistrée était d’environ 43,6 millions de tonnes (dernière valeur disponible dans le document). Passer à 74 millions en 2024-2025 implique une intensification significative ou une correction méthodologique à vérifier. Néanmoins, la dynamique reste positive.
Le Togo, dans ce contexte, demeure un acteur régulier, quoique confronté au léger recul. Le pays semble viser la stabilisation de sa production autour de 1,5 million de tonnes. Il prévoit d’augmenter la distribution d’engrais (85 000 tonnes contre 78 000 tonnes l’année précédente) notamment dans sa région des Savanes, ce qui témoigne d’une stratégie active pour la campagne à venir.
Cependant, la transformation de ces volumes en valeur ajoutée reste à construire. Il ne suffit pas de produire plus, encore faut-il valoriser, transformer, stocker, exporter, intégrer les chaînes de valeur et réduire les pertes post-récolte. L’UEMOA elle-même l’a souligné dans ses documents stratégiques.
Au Sénégal, la contraction de la filière arachide met en exergue la vulnérabilité aux facteurs extérieurs. Le recul de 54 % de la production signifie que même dans des contextes de bonne dynamique régionale, des secteurs stratégiques peuvent connaître des coups d’arrêt. Cela souligne l’imprévisibilité climatique et la faiblesse de l’investissement dans la qualité et la transformation.
Pour conclure, la campagne 2024-2025 dans l’UEMOA enregistre une progression significative de plus de 4 % de la production céréalière, un fait rare dans un contexte où le continent est souvent importateur net de céréales. Cependant, la disparité entre pays, les défis de qualité, d’infrastructures et de transformation montrent que le chemin vers l’autosuffisance alimentaire reste long et semé d’embûches.
Pourquoi est-ce important ?
Pour l’Afrique de l’Ouest, cette performance agricole revêt une importance stratégique. D’abord, parce que la production céréalière est au cœur de la sécurité alimentaire, de la stabilité des prix, et donc de la cohésion sociale. Une hausse de la production réduira la dépendance aux importations, facilitera la maîtrise des coûts alimentaires et renforcera la résilience face aux chocs externes.
Ensuite, l’intégration régionale, moteur de la stratégie de l’UEMOA, s’appuie sur des productions fortes. Lorsque plusieurs États membres progressent simultanément, cela crée des synergies pour le commerce intrarégional, l’industrialisation agricole et les chaînes de valeur communes. Cela valide aussi l’utilité de politiques communautaires d’appui à l’agriculture.
Enfin, au niveau macro-économique, cette dynamique agricole influence d’autres volets économiques : l’inflation, les importations, la balance commerciale, l’emploi rural, l’investissement dans le secteur privé agricole. En stabilisant l’offre vivrière, les pays ouest-africains se donnent les marges pour diversifier leurs économies.
Le chemin reste toutefois engagé : il faut renforcer la transformation locale, la logistique, l’accès aux intrants, la résilience climatique, et mieux répartir les gains entre les exploitants. Les efforts engagés dans certains pays comme le Togo témoignent d’une prise de conscience, tandis que les signaux d’alerte au Sénégal ou dans d’autres montrent que rien n’est acquis.
Un tel résultat, production céréalière record, constitue un motif d’espoir mais aussi un appel à passer de la quantité à la qualité, de la récolte à la chaîne, et de la dépendance à l’autonomie. C’est une étape importante dans la trajectoire de développement agricole et économique de l’Afrique de l’Ouest.