Togo : vers un agent IA dans les écoles et un data-hub régional, la vision ambitieuse de Cina Lawson à Cotonou


Les points clés :

  • La ministre togolaise Cina Lawson annonce l’intégration d’un agent IA dans le système éducatif, lors du Sommet régional à Cotonou.

  • Le Togo appelle à une coopération régionale pour créer un data-cluster IA, en misant sur un centre de données Tier III+ déjà soutenu par la Banque mondiale.

  • La Déclaration de Cotonou adoptée à l’issue du sommet engage les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre à harmoniser la gouvernance des données et à renforcer les capacités en IA.


Lors du Sommet régional sur la transformation numérique, qui s’est tenu à Cotonou du 17 au 18 novembre 2025, Cina Lawson, ministre togolaise de l’Efficacité du Service Public et de la Transformation Numérique, a fait une annonce forte : le Togo envisage de déployer un “agent IA” dans son système éducatif. Un tel agent, explique-t-elle, pourrait assister les élèves et enseignants, automatiser certaines tâches administratives et personnaliser l’apprentissage grâce à l’analyse de données scolaires. Dans un contexte où l’intelligence artificielle générative se développe à grande vitesse, ce projet vise à établir un pont entre technologie et pédagogie pour préparer les écoles togolaises à l’ère de l’IA.

Cette ambition cadre avec un plan plus large : la connexion des écoles et des centres de santé au haut débit, grâce à un déploiement de la fibre optique dans onze communes du pays. Cela signifie que l’infrastructure est en cours de consolidation afin de rendre possible des services numériques avancés au sein des institutions publiques.

Construire un écosystème de données régional

Au-delà de l’éducation, Lawson a souligné qu’un centre de données dédié à l’intelligence artificielle ne peut reposer sur un seul pays. Elle appelle à une coopération régionale pour créer un cluster de données partagé, car le coût d’un tel centre est jugé trop élevé pour un seul État. Le Togo évoque déjà un data center « Tier III+ », soutenu par la Banque mondiale, comme pierre angulaire de cette vision partagée.

En parallèle, le Togo s’engage à transformer numériquement tous ses ministères dans les 18 prochains mois, ce qui implique une production massive de données à encadrer et valoriser. Lawson insiste sur la nécessité de mettre en place des cadres clairs d’accès, de gouvernance et de partage de données pour maximiser les bénéfices de cette transformation.

Gouvernance, réglementation et souveraineté numérique

Lors du sommet de Cotonou, la question de la régulation du numérique a occupé une place centrale. La Déclaration de Cotonou, adoptée par les ministres de la région ouest et centre-africaine, appelle à des « cadres harmonisés » pour la gouvernance des données, la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Cette harmonisation vise à garantir que les innovations numériques soient à la fois éthiques, inclusives et respectueuses de la souveraineté de chaque pays.

Pour Lawson, cela passe par la construction d’institutions régionales et des normes communes, afin que des services d’IA, comme l’agent éducatif, puissent être déployés de manière sûre et bénéfique.

Préparer les talents et capital humain

L’initiative ne se limite pas à la technologie : le Togo investit aussi dans les compétences. Depuis juin 2025, un programme bat son plein pour former 50 000 étudiants par an à l’IA, à la programmation (Python) et à l’anglais numérique, grâce à un partenariat avec Kira Learning. Ce plan est cohérent avec la vision de Lawson, qui considère la formation comme un pilier de l’autonomie numérique.

Le Togo a également lancé “Autour de l’IA” en novembre 2024, un forum qui réunit experts, chercheurs et entrepreneurs pour structurer une stratégie nationale d’IA. L’un des résultats de cette démarche est la création d’un Data Lab, en partenariat avec le Centre for Effective Global Action (CEGA) de l’Université de Californie, Berkeley. Ce laboratoire forme des data scientists togolais et développe des outils basés sur le machine learning pour des usages publics, par exemple en agriculture ou en gestion des infrastructures.

Cadre légal et protection des données

L’utilisation accrue de l’IA et des données soulève naturellement des enjeux de protection et de régulation. Le Togo dispose déjà d’une loi sur la protection des données personnelles (Law No. 2019-014), qui encadre la collecte, le traitement et la circulation des données. Mais à l’échelle de l’IA, aucun cadre spécifique dédié n’a été promulgué à ce jour, selon certaines analyses. La proposition de Lawson d’un alignement régional autour des normes de données pourrait répondre à cette lacune.

Une stratégie alignée sur une vision régionale : la déclaration de Cotonou

La stratégie togolaise portée par Lawson s’inscrit parfaitement dans la Déclaration de Cotonou, adoptée à l’issue du sommet. Les États de l’Afrique de l’Ouest et du Centre se sont engagés à construire un marché numérique intégré d’ici 2030, fondé sur la confiance, l’innovation et l’éthique en matière d’IA. Les objectifs incluent la création d’infrastructures partagées, la formation massive à l’IA et l’adoption de cadres de gouvernance harmonisés.

Ce pacte régional représente une base politique forte pour les ambitions annoncées par le Togo : en misant sur la coopération, Lawson ne vise pas seulement à faire du Togo un pionnier digital, mais un acteur central d’un écosystème numérique ouest-africain.

Pourquoi est-ce important ?

La promesse d’un agent IA dans les écoles togolaises est plus qu’une simple innovation technologique : elle annonce un virage profond dans l’éducation, où l’intelligence artificielle pourrait personnaliser l’apprentissage, soulager les enseignants d’une partie des tâches administratives et apporter un soutien pédagogique adaptatif. Cela pourrait transformer l’accès à l’éducation, réduire les écarts de performance et préparer les jeunes à un monde où l’IA fait partie du quotidien.

Sur le plan économique, la vision de Cina Lawson repose sur un modèle collaboratif régional. En appelant à un centre de données commun et à des normes partagées, le Togo contribue à renforcer la souveraineté numérique de l’Afrique de l’Ouest. Cette approche collective permet de mutualiser les coûts, de développer des infrastructures de calcul robuste et de promouvoir l’innovation domestique.

La formation de 50 000 étudiants par an à l’IA et la science des données est un pari stratégique sur le capital humain. En formant une génération capable de créer, non seulement d’utiliser, des applications IA, le Togo mise sur l’autonomie technologique, l’emploi high-tech et l’entrepreneuriat numérique.

Enfin, la gouvernance des données reste un enjeu clé : sans cadre clair, l’IA peut devenir un terrain risqué (surveillance, abus, inégalité). La volonté de Lawson de promouvoir une réglementation harmonisée à l’échelle régionale (via la Déclaration de Cotonou) est un signal politique fort qui peut encourager une adoption responsable et éthique de l’IA.

En résumé, les ambitions affichées par le Togo sous la houlette de Cina Lawson ne se résument pas à des projets technologiques isolés : elles traduisent une vision stratégique de long terme, où l’IA, l’inclusion, la coopération régionale et la croissance durable se conjuguent pour bâtir un avenir numérique véritablement africain.

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