Une nouvelle ère pour les paiements dans l’UEMOA : la BCEAO ouvre sa sandbox


Les points clés :

  • La BCEAO met à disposition un espace développeurs (sandbox public) pour accélérer l’adoption du Système de Paiement Instantané (PI-SPI) dans l’UEMOA.

  • Cette initiative vise à permettre aux fintechs togolaises de construire des solutions de paiement marchands, des services de transfert transfrontalier, et des agrégateurs reliant mobile money, banques et microfinance.

  • Grâce à la plateforme PI-SPI lancée en septembre 2025, les transferts interopérables en moins de 10 secondes deviennent possibles, et plusieurs banques togolaises sont déjà engagées.


Le 13 novembre 2025, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé le déploiement d’un espace développeurs public pour son API-Business dédiée au Système de Paiement Instantané Interopérable (PI-SPI). Cette initiative marque une étape majeure dans la feuille de route de la BCEAO visant à favoriser l’innovation financière, l’inclusion numérique et la transformation digitale des services monétaires dans les huit pays membres de l’Union monétaire. 

Un laboratoire sécurisé pour l’innovation

Cet espace sandbox est conçu comme un environnement de test sécurisé où les entreprises – particulièrement les fintechs togolaises – peuvent simuler des transactions, valider leur conformité technique et préparer l’intégration des paiements instantanés dans leurs services. Selon le communiqué de la BCEAO, les développeurs auront accès à la documentation technique, à des guides d’intégration ainsi qu’à un accompagnement dédié.

Pour les startups, l’enjeu est concret : tester des solutions de paiement marchand, expérimenter des transferts transfrontaliers, ou créer des agrégateurs reliant mobile money, banques et institutions de microfinance. C’est une occasion inédite de bâtir des services financiers modernes, interopérables et adaptés aux réalités ouest-africaines.

Le PI-SPI : infrastructure stratégique lancée en septembre 2025

Le sandbox s’inscrit dans un contexte plus large : celui du lancement officiel de la plateforme PI-SPI, le 30 septembre 2025 à Dakar. Cette infrastructure est destinée à rendre possibles des transferts instantanés, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, entre banques, micro-institutions de crédit et prestataires de monnaie électronique, indépendamment du type de compte.

Plus concrètement, selon le rapport annuel de la BCEAO, la PI-SPI respecte des standards internationaux de sécurité et d’interopérabilité, et elle est conçue pour être résiliente et performante. Le Fonds monétaire international (FMI) confirme cette orientation stratégique : le PI-SPI, selon ses analyses, permettra des transactions immédiates même lorsque l’émetteur et le bénéficiaire appartiennent à des prestataires différents.

Adoption par les institutions financières : le cas du Togo

Le succès d’une infrastructure de paiement repose sur son adoption. Dans le cas du Togo, plusieurs institutions financières ont déjà franchi le pas : Coris Bank, Ecobank, Orabank, BOA, COFINA, Banque Atlantique et BIAT sont mentionnées dans les annonces comme celles qui préparent leur interconnexion au PI-SPI.

Toutefois, tous les acteurs n’ont pas encore été activés au moment du lancement. La liste des participants autorisés à offrir des services via PI-SPI a été publiée par la BCEAO le 13 novembre 2025. Ce document montre que, pour certains pays, la participation est déjà bien cadrée, même si la montée en charge reste progressive. À titre d’exemple, dans la liste des institutions participant dès le 30 septembre 2025, on retrouve des acteurs comme Ecobank, Orabank, Coris Bank au Togo.

Impacts macroéconomiques et inclusion financière

L’ambition de la PI-SPI est double : moderniser les paiements et promouvoir l’inclusion financière. Lors de la cérémonie de lancement, le gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kassi Brou, a souligné que cette plateforme s’inscrit dans une vision d’un écosystème financier plus inclusif, plus efficace, plus innovant. Les avantages attendus sont larges : pour les particuliers, des paiements instantanés quel que soit le canal ; pour les entreprises, une meilleure gestion de trésorerie ; pour les commerçants, un QR code standardisé universel ; pour les administrations, des paiements publics plus fluides.

Selon des données citées par L’économiste du Togo, entre 2014 et 2024, la valeur des paiements électroniques dans l’UEMOA est passée de 260 millions à plus de 11 milliards (monnaie non précisée, mais il s’agit vraisemblablement du volume annuel en unité monétaire locale ou transactions). Ce bond spectaculaire témoigne d’une adoption massive des services digitaux, et la PI-SPI apparaît comme le moteur de la prochaine phase d’accélération.

Une stratégie de régulation proactive

Derrière ce lancement opérationnel, il y a une vision structurelle. La BCEAO a encadré légalement ces innovations via sa réglementation des systèmes de paiement. Son site web détaille les normes auxquelles doivent répondre les prestataires de services de paiement pour être interopérables au sein du PI-SPI.

Par ailleurs, en initiant un sandbox public, la BCEAO joue un rôle de régulateur-acteur : elle n’est pas simplement garante de la régulation, mais également facilitatrice d’innovation, permettant aux entreprises de construire dans un cadre transparent et conforme.

Défis et opportunités pour les fintechs et les acteurs bancaires

L’ouverture de la sandbox est une aubaine pour les fintechs, mais aussi un défi. Construire des services sur PI-SPI demande des compétences techniques solides, une bonne compréhension des API bancaires, et la capacité de concevoir des produits qui répondent aux besoins réels des usagers, qu’ils soient commerçants, migrants, ou utilisateurs de mobile money.

L’autre enjeu majeur réside dans la scalabilité : passer du test à un usage réel, massif, implique de convaincre non seulement les utilisateurs finaux, mais aussi les institutions financières de s’interconnecter, d’adapter leurs infrastructures et de gérer les risques opérationnels et de conformité.

La plateforme PI-SPI peut aussi bouleverser certains modèles existants. Par exemple, les agrégateurs de paiement ou les fintechs de transfert pourraient voir leur coût d’entrée baisser, ou leur proposition de valeur évoluer, en misant sur l’interopérabilité et la rapidité.

Perspectives régionales : vers une UEMOA plus intégrée

En opérant sur une infrastructure commune, les pays de l’UEMOA peuvent accélérer leur intégration numérique. La PI-SPI offre un socle pour la convergence des systèmes financiers : les transferts transfrontaliers deviennent plus fluides, les barrières techniques se réduisent, et de nouveaux produits peuvent émerger au-delà des frontières nationales.

Cet espace développeurs peut jouer un rôle de catalyseur d’innovation cross-border : des fintechs basées dans un État membre pourraient développer des solutions pour l’ensemble de l’Union, tirer parti du même sandbox, et lancer des services à portée régionale.

Pourquoi est-ce important ?

La mise en place d’un sandbox public par la BCEAO et le lancement de la plateforme PI-SPI représentent bien plus qu’une modernisation technologique : ils sont le signe d’une rupture stratégique dans la finance ouest-africaine. En abaissant les barrières à l’entrée technique et en favorisant l’interopérabilité, la BCEAO stimule l’émergence de nouveaux business models fintech, tout en garantissant un cadre réglementaire sécurisé.

Pour le Togo, ce dispositif peut renforcer sa place dans l’écosystème numérique régional. Les fintechs togolaises disposent désormais d’un terrain d’expérimentation officiel, ce qui peut accélérer la création de services financiers innovants, adaptés aux réalités locales (mobile money, microfinance, paiements de commerçants, envois de fonds). De plus, l’interconnexion de plusieurs institutions financières togolaises (Ecobank, Orabank, BOA, etc.) signifie que les bénéfices de la PI-SPI ne seront pas limités à quelques acteurs, mais peuvent toucher un large segment de la population.

À l’échelle de l’UEMOA, la PI-SPI est un levier d’inclusion financière très puissant. En favorisant les transferts instantanés et interopérables, elle peut réduire la dépendance au cash, améliorer l’efficacité des paiements transfrontaliers, et soutenir la digitalisation des économies. Dans un contexte où la région vise à renforcer son intégration monétaire et économique, cette infrastructure pourrait devenir un pilier central du futur numérique ouest-africain.

En bref, le sandbox de la BCEAO n’est pas seulement un outil technique : c’est une infrastructure de souveraineté numérique. Il donne aux États membres, aux banques, aux fintechs et aux usagers les moyens de façonner eux-mêmes l’avenir des paiements, plutôt que de dépendre de solutions externes. C’est une promesse d’innovation, de croissance inclusive, et de transformation économique durable pour toute l’UEMOA.

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