Lomé : la diaspora invitée à une table-ronde économique
Les points clés :
Du 9 au 12 décembre 2025, Lomé accueille une première table ronde économique des diasporas togolaise, africaine et afro-descendante, visant à mobiliser capitaux et expertise pour des projets structurants.
Porté par le projet SDE4R (avec l’appui de la BAD et de l’OIM), cet événement vise à transformer l’engagement diasporique en investissements concrets et en entrepreneuriat durable.
Cet effort s’inscrit dans une stratégie plus large de développement au Togo, qui renforce son attractivité à travers des forums comme BlueInvest Africa et des initiatives structurantes de modernisation.
Lomé, capitale économique du Togo, s’apprête à vivre un moment historique du 9 au 12 décembre 2025 : la première Table ronde économique des diasporas togolaise, africaine et afro-descendante. Organisée par le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur (MAEIRTGCE), cette rencontre n’est pas un simple forum : c’est un pari ambitieux : mobiliser la diaspora autour d’investissements privés, d’innovations entrepreneuriales et de partenariats durables pour bâtir une croissance résiliente au Togo.
Ce rendez-vous s’inscrit dans le cadre du projet SDE4R (« Rationaliser l’engagement de la diaspora pour catalyser les investissements privés et l’entrepreneuriat pour une résilience renforcée »), soutenu par des institutions internationales comme la Banque africaine de développement (BAD) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Le projet SDE4R vise à structurer une collaboration plus efficace entre le gouvernement togolais et ses diasporas, afin de canaliser des ressources financières, des compétences et des idées vers des initiatives à fort impact.
Selon l’ambassade du Togo en France, un appel à projets a été lancé dans le cadre de cette table ronde : les porteurs, où qu’ils se trouvent dans le monde, sont encouragés à soumettre des projets ou microprojets “bancables”, alignés sur des critères tels que la viabilité, l’impact socio-économique, l’innovation ou l’inclusion. Les projets retenus seront présentés lors des sessions plénières ou des rencontres “B2B”, puis répertoriés sur un site web dédié, facilitant le contact entre investisseurs diaspora et promoteurs locaux.
Cette ambition dépasse largement un volet purement financier : elle vise également à tirer parti du capital humain diasporique, de ses compétences et de son réseau, pour contribuer à la transformation structurelle du développement togolais. Comme l’indique le site officiel du Togo, l’événement se veut un catalyseur de “vision, expertise et capitaux”.
Un projet bien encadré : SDE4R et sa logique stratégique
Le projet SDE4R n’est pas une initiative isolée : il fait partie d’une stratégie plus large d’engagement de la diaspora dans le développement économique. D’après les documents du projet, cette assistance technique vise à “renforcer le développement du secteur privé, la croissance économique ainsi que la résilience sociale et climatique” dans plusieurs États africains, dont le Togo.
Lors d’un atelier organisé à Kpalimé en décembre 2024, le gouvernement et ses partenaires (OIM, BAD, Commission de l’Union africaine) ont discuté des politiques et mesures pour structurer cette mobilisation diasporique : plateformes de dialogue, transfert de compétences, financement d’entreprises, etc. Ces débats ont permis de fixer un cadre stratégique, en alignant l’action avec les priorités nationales de développement (création d’emplois, inclusion, durabilité).
La cartographie de l’engagement diasporique au Togo, produite dans le cadre de SDE4R, montre qu’il existe déjà des institutions dédiées à la migration et au développement, et que le gouvernement souhaite renforcer ces liens pour tirer le maximum de l’apport diasporique. En structurant cette collaboration, le Togo se dote d’un levier puissant pour mobiliser des financements privés, mais aussi pour stimuler l’entrepreneuriat local à travers les compétences et les réseaux de ses expatriés.
Pourquoi Lomé ? Un hub d’investissement en pleine montée
Le choix de Lomé pour cette table ronde n’est pas anodin. La capitale togolaise se positionne de plus en plus comme un hub régional d’affaires. Dans son Yearbook 2024, le Togo met en avant sa situation géostratégique, ses réformes économiques et ses infrastructures performantes, comme le port de Lomé, pour attirer les investisseurs.
Plus récemment, Lomé a accueilli d’autres événements économiques porteurs : en octobre 2025, BlueInvest Africa Togo, un forum sur l’économie bleue soutenu par l’Union européenne, a réuni des décideurs, des investisseurs et des start-up autour de solutions durables dans la pêche, l’aquaculture ou les énergies marines. En parallèle, la GRIT Togo 2025 (Grande Rencontre de l’Innovation Technologique) a attiré des fonds de capital-risque africains et internationaux, plaçant Lomé comme un point chaud de l’innovation numérique. Cette dynamique montre que la table ronde diasporique s’intègre dans une stratégie plus globale : celle de faire du Togo un pôle d’investissement résilient, innovant et connecté au continent et à la diaspora.
Les enjeux concrets de la table ronde diasporique
Au-delà des déclarations d’intention, cette table ronde peut générer des impacts tangibles. En incitant les diasporas à investir dans des projets bancables, le Togo peut accélérer son développement dans des secteurs clés : entrepreneuriaux, infrastructurels, sociaux, voire environnementaux. L’appel à projets met l’accent sur la rentabilité, mais aussi sur l’impact : les initiatives doivent contribuer au développement local, valoriser les ressources togolaises, promouvoir l’inclusion (jeunes, femmes, zones vulnérables) et, idéalement, ouvrir des opportunités d’exportation.
Par ailleurs, la dimension “B2B” de la table ronde, des rencontres business entre promoteurs et investisseurs, offre un cadre concret pour des partenariats structurés. Au-delà des sessions plénières, les échanges personnalisés permettent de traduire les idées en projets, puis en investissements effectifs. Le site web dédié à la table ronde facilitera la mise en lien : les projets retenus seront mis en ligne, ouvrant la porte à des relations durables entre diaspora et porteurs locaux.
Un autre enjeu fondamental est l’inclusion sociale : en priorisant des projets avec des retombées positives pour les communautés locales, le Togo peut s’assurer que l’engagement de la diaspora ne profite pas uniquement aux grandes entreprises, mais aussi aux populations vulnérables. L’accent sur l’autonomisation des jeunes et des femmes figure dans les critères de sélection des projets.
Enfin, cette initiative renforce la gouvernance du développement. Grâce à SDE4R, un cadre institutionnel est mis en place : un dialogue régulier entre le gouvernement et la diaspora, des stratégies de suivi, des structures techniques dédiées. Cela peut créer des mécanismes plus résilients et transparents pour canaliser les ressources diasporiques vers des projets à long terme.
Risques et défis à anticiper
Même si l’initiative est prometteuse, elle n’est pas sans défis. La mobilisation diasporique autour d’investissements structurants nécessite une confiance mutuelle : les investisseurs de la diaspora doivent être rassurés sur la transparence, la viabilité et le cadre institutionnel des projets.
La sélection des projets est un autre point délicat : comment garantir que les propositions bancables sont réellement alignées sur les priorités nationales ? Le processus d’appel à projets devra être robuste, crédible et équitable. Le risque de sélectionner des idées “à potentiel” mais qui ne se concrétisent pas est réel.
De plus, l’impact ne sera significatif que si les promesses de financement se traduisent par des investissements effectifs. Les rencontres B2B sont importantes, mais la phase de mise en œuvre l’est tout autant. Le suivi post-table ronde sera donc clé : chaque projet validé devra être suivi, accompagné, évalué régulièrement.
La question de l’échelle est également centrale : pour que l’engagement diasporique devienne un moteur durable, il faut que les projets dépassent le stade local ou micro pour inclure des initiatives plus grandes, plus structurées, avec des retombées nationales.
Enfin, l’inclusion sociale doit rester une priorité. Il ne suffit pas d’attirer des capitaux : il faut s’assurer que ces flux bénéficient à des populations larges, notamment aux jeunes, aux femmes, aux zones rurales. Si les projets ne prennent pas en compte ces dimensions, l’impact pourrait être limité à des poches de croissance sans transformation systémique.
Pourquoi est-ce important ?
Cet événement à Lomé n’est pas qu’un forum de plus : il symbolise une transition stratégique majeure pour le Togo et, par extension, pour l’Afrique. En mobilisant sa diaspora, le Togo cherche à insuffler une nouvelle dynamique économique, en transformant les capitaux dispersés en investissements durables, en compétences utiles et en entreprises à impact.
Pour l’économie togolaise, cela permet de diversifier les sources de financement. Plutôt que de dépendre uniquement de l’aide ou des partenariats classiques, le pays peut tirer parti d’un vivier de talents et de ressources déjà mobilisables, à travers les diasporas. Ce levier peut générer des projets innovants et inclusifs, créant des emplois, renforçant les capacités locales et stimulant des secteurs stratégiques.
À l’échelle régionale, cette stratégie s’inscrit dans une vision panafricaine. Le Togo, en organisant cette table ronde en marge du 9ᵉ Congrès panafricain de Lomé (congrès prévu en 2024 mais dont l’ambition dépasse les frontières), montre qu’il veut être un point de convergence entre Africains du continent et la diaspora. Cela participe d’une redéfinition des rapports économiques, où la diaspora n’est plus uniquement une source d’envoi de fonds, mais un acteur actif du développement.
Ce type d’initiative peut inspirer d’autres pays africains à mettre en place des mécanismes semblables : plateforme structurée, appels à projets, dialogues institutionnalisés. Si plusieurs États adoptent ces méthodes, cela pourrait créer une nouvelle classe d’investisseurs diasporiques à l’échelle continentale, contribuant de façon durable au financement privé et à l’entrepreneuriat.
Enfin, sur le plan de la résilience, faire entrer les diasporas dans l’équation du développement renforce la stabilité économique. Les projets portés par la diaspora ont souvent une dimension d’engagement à long terme : ils ne cherchent pas seulement le profit, mais aussi l’impact social, ce qui peut contribuer à une croissance plus durable, plus équitable.
En somme, la Table ronde économique des diasporas de Lomé pourrait être un tournant structurel : non seulement pour le Togo, mais pour l’ensemble de la stratégie africaine de mobilisation des talents et des capitaux dispersés. Elle montre que la diaspora peut être bien plus qu’une source de transferts : elle peut devenir un moteur actif d'innovation, d’investissement et de transformation.