Transformer la monétique togolaise : le pari de CBI Togo
Les points clés :
Le Salon Monétique National de Lomé (20 nov. 2025) marque un tournant stratégique pour digitaliser les paiements marchands au Togo.
Coris Bank International Togo (CBI Togo) lance des solutions innovantes comme MyCorisBank et un CorisMoney désormais instantané, pour bâtir une monétique plus inclusive.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte régional plus large : l’UEMOA déploie une plateforme interopérable de paiement instantané (PI-SPI) pour moderniser l’écosystème digital ouest-africain.
Le 20 novembre 2025, Lomé a accueilli la première édition du Salon Monétique National, organisée par Coris Bank International Togo (CBI Togo) à l’hôtel Sarakawa. Ce rendez-vous pose un diagnostic ambitieux : la monétique au Togo reste largement dominée par le retrait d'espèces, et il est urgent de redéfinir le rôle du digital non seulement comme support, mais comme moteur des paiements marchands.
L’initiative de CBI Togo pour “Faire du digital un levier puissant de paiements marchands” ne s’inscrit pas dans un simple exercice de communication : elle est pensée comme un acte fondateur, une façon de construire une “monétique de demain” plus efficace, plus sécurisée, et plus inclusive.
La cérémonie d’ouverture du salon a réuni des personnalités de premier plan : Stéphane Akaya, Secrétaire Général du Ministère de l’Économie et des Finances ; Minayegnan Coulibaly, Directeur Général du GIM-UEMOA ; Guy Martial Awona, Président de l’APBEF (Association professionnelle des banques et institutions financières), ainsi que de nombreux intervenants de l’écosystème financier régional. Leur présence souligne que le projet de modernisation dépasse les frontières du Togo : il participe d’une dynamique régionale de transformation digitale.
Inclusion financière et interopérabilité : les débats structurants
Au cœur du salon, deux axes majeurs ont suscité des échanges particulièrement vifs : la monétique au service des populations rurales et l’interopérabilité des systèmes de paiement dans l’espace UEMOA. L’enjeu rural est fondamental : de nombreuses personnes en zone rurale ne disposent pas d’accès facile aux banques physiques, et le recours au cash reste largement dominant. En promouvant des services numériques adaptés, CBI Togo entend réduire cette fracture financière.
Mais le volet interopérabilité révèle une ambition plus vaste encore : permettre aux systèmes de paiement de “parler entre eux” au sein des États de l’UEMOA. Une telle interconnexion est cruciale pour développer une économie numérique fluide, où les paiements instantanés ne se limitent pas aux frontières nationales.
Cette logique fait écho au grand chantier régional : la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a lancé la Plateforme Interopérable du Système de Paiement Instantané (PI-SPI), opérationnelle depuis le 30 septembre 2025. Selon la BCEAO, la PI-SPI fonctionne 24 h/24 et 7 j/7, et permet des transferts instantanés entre banques, structures de microfinance et émetteurs de monnaie électronique. L’objectif clairement affiché : renforcer l’inclusion financière, réduire l’usage du cash, promouvoir l’innovation régionale. Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large de la BCEAO, qui vise aussi à finaliser une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) dans l’espace UEMOA.
Les innovations de CBI Togo : MyCorisBank et CorisMoney
Lors du salon, CBI Togo a mis en lumière sa vision technologique à travers des solutions concrètes.
MyCorisBank se présente comme une application bancaire moderne, pensée pour simplifier la gestion financière des clients. Elle symbolise une volonté de digitalisation “classique”, en rapprochant les services bancaires des usagers via smartphone.
Mais l’élément le plus marquant est la nouvelle version de CorisMoney : désormais doté du paiement instantané, ce service de portefeuille électronique devient un véritable levier de monétique marchande. Le paiement instantané améliore l’expérience utilisateur : rapidité, sécurité, fluidité. C’est une avancée majeure, surtout dans un marché où le cash et les services informels dominent encore largement.
CorisMoney ne se limite pas au transfert : selon la page des services, il permet de payer des factures (eau, électricité, téléphonie), d’acheter des biens et services, et d’effectuer des opérations “Bank to Wallet” ou “Wallet to Bank”. Cette diversification des usages renforce la valeur de CorisMoney comme infrastructure monétique locale.
Le salon joue ici le rôle de vitrine : il ne s’agit pas seulement d’exposer des technologies, mais de démontrer leur pertinence pour transformer le quotidien des commerçants, des consommateurs et des institutions financières.
Construire une monétique togolaise inclusive et souveraine
Pour CBI Togo, cette première édition n'est pas un simple salon : elle constitue un acte fondateur de la monétique togolaise du futur. En s’appuyant sur des innovations internes (MyCorisBank, CorisMoney) et des partenariats institutionnels (avec la BCEAO, le GIM-UEMOA), la banque veut jouer un rôle central dans la transformation numérique du secteur des paiements.
L’objectif est clair : faire du digital non pas un complément, mais un pilier des paiements marchands. Cela signifie faciliter les paiements des commerçants, réduire la dépendance au cash, accroître la sécurité des transactions, et stimuler l’inclusion financière, notamment chez les populations rurales et les microentrepreneurs.
En s’engageant ainsi, CBI Togo se positionne comme un “artisan principal” de cette transition, mais il ne peut pas le faire seul. Le succès dépendra de la coopération régionale, notamment à travers l’interopérabilité portée par le PI-SPI de la BCEAO, et de l’adoption des solutions numériques par les citoyens.
Le contexte régional : pourquoi le Togo peut porter un modèle
Le salon togolais s’inscrit dans une dynamique plus large d’innovation monétique dans l’espace UEMOA. Depuis plusieurs années, l’Union économique et monétaire ouest-africaine déploie des politiques pour digitaliser ses systèmes de paiement.
Le Groupement Interbancaire Monétique de l’UEMOA (GIM-UEMOA) joue un rôle central : il gère les infrastructures de paiement, le switching, le routing des transactions, et promeut des solutions comme GIMpay. Sa mission est de favoriser l’interopérabilité, la sécurité et la standardisation des paiements électroniques dans les 8 pays de l’Union.
Lors de la 8ᵉ édition du Salon Monétique Régional en novembre 2024 à Dakar, le GIM-UEMOA a mis en avant GIMpay comme un “guichet unique” digital, permettant aux utilisateurs de gérer leurs paiements via une plateforme centralisée, qu’il s’agisse de factures, d’achats, ou de transferts. Selon le GIM-UEMOA, cette initiative vise à étendre l’usage des paiements digitaux à toutes les sphères de la vie quotidienne, tout en garantissant traçabilité et interopérabilité.
Les chiffres illustrent la portée du changement : d’après le rapport de la BCEAO, le volume des transactions en monnaie électronique dans l’UEMOA est passé de 260 millions de francs CFA en 2014 à 11 milliards en 2024. Cela témoigne d’une adoption massive des services numériques dans la région, portée par des politiques volontaristes et des infrastructures robustes.
Par ailleurs, le rapport sur les infrastructures de marchés de la BCEAO pour 2022-2023 révèle que la plateforme monétique régionale (GIM-UEMOA) a traité plus de 21,3 millions d’opérations en 2023, pour une valeur de plus de 2 100 milliards de F CFA, contre 18,3 millions et 1 717 milliards l’année précédente. À la fin de 2023, plus de 8 millions de cartes bancaires étaient en circulation, avec environ 4 214 GAB (guichets automatiques bancaires) et 15 259 TPE (terminaux de paiement électronique) dans la zone. Toutes ces données montrent que le Togo, par le biais de CBI Togo et de son salon, ne se contente pas de surfer sur la vague : il essaie d’être un acteur moteur de cette transformation monétique ouest-africaine.
Pourquoi est-ce important ?
Le Salon Monétique National de Lomé n’est pas un simple événement marketing : il symbolise une rupture stratégique pour le Togo, mais aussi une contribution significative à l’écosystème monétique régional.
Pour l’économie togolaise, la digitalisation des paiements marchands peut réduire fortement les frictions liées au cash : coûts logistiques, risques de fraude, manque de traçabilité. Pour les commerçants, surtout les petits, cela peut signifier davantage de clients, des paiements plus rapides, et une meilleure intégration dans l’économie formelle. Pour les citoyens, l’accès à des portefeuilles numériques comme CorisMoney améliore l’inclusion, en particulier dans les zones rurales encore peu bancarisées.
Au niveau de l’UEMOA, l'initiative togolaise s’aligne avec les efforts de la BCEAO pour déployer la PI-SPI, un système interopérable et instantané, 24/7, et conçu pour inclure un large éventail d’acteurs (banques, microfinance, monnaie électronique). Le Togo joue donc un rôle de laboratoire : s’il réussit à créer une monétique “digitale + inclusive + marchande”, cela peut inspirer d’autres États membres.
De plus, la croissance massive des transactions en monnaie électronique (de 260 millions en 2014 à 11 milliards F CFA en 2024) montre que la région est mûre pour le digital. Mais cette croissance ne suffit pas : il faut des infrastructures solides, des acteurs comme CBI Togo pour innover, et un cadre réglementaire clair pour garantir sécurité et interopérabilité.
Enfin, dans un contexte où la souveraineté numérique et financière devient un enjeu majeur, le développement de solutions locales (applications bancaires, portefeuilles instantanés) renforce l’autonomie des États et des institutions ouest-africaines face aux géants mondiaux de la fintech.
En résumé, ce salon est plus qu’un lancement : il est une pierre angulaire dans la construction d’une monétique togolaise, mais aussi un moteur de modernisation pour l’ensemble de l’UEMOA. Le Togo, par cette initiative, participe concrètement à la digitalisation profonde de son économie et à l’édification d’un système financier régional plus inclusif, plus innovant et mieux connecté.